Disparition d'Int Air Iles: nouvelle régression pour le pays…
On apprend avec consternation et colère que la compagnie Inter Air Îles va mettre la clé sous la porte, après l'immobilisation de AB Aviation et tant d'autres compagnies avant elle.
A se demander si le ciel des Comores n'est pas maudit.
Quelles sont les raisons de cet échec généralisé, dans un pays où l'Etat ne dispose même pas d'une compagnie nationale ?
1- Certes, les compagnies aériennes plus que d'autres doivent faire preuve de rigueur financière et de rigueur dans l'organisation, ce qui fait souvent défaut à nos entreprises.
2- Mais le grand handicap vient souvent de la mainmise du pouvoir sur les compagnies aériennes : le rançonnement pour le moindre service même légal (il faut arroser tel directeur de service, tel ministre, tel agent, si ce ne sont les 5 ou 10% prélevés) .
Le pire c'est que chaque compagnie aérienne, sous peine de représailles doit être soumise à la bonne volonté du gouvernement : le gouvernement peut détourner un vol pour ses propres besoins, à l'improviste, au grand dam des clients ; on a vu des ministres bloquer le départ d'un vol, des clients se faire débarquer d'un vol pour céder la place à une haute personnalité politique etc.
3- Quant aux raisons avancées par l'ACNAM pour interdire l'utilisation du Boeing d'Inter Îles comme celles produites pour interdire les vols directs inter îles à ses petits monomoteurs, elles sont peu crédibles aux yeux de l'opinion publique.
En effet personne ne peut croire que l'ACNAM soit devenue soudainement exigeante sur le respect de la réglementation en vigueur car cela n'a jamais été la préoccupation essentielle de la maison : on sait le peu de cas qui a été toujours fait des conditions de navigation et de sécurité aérienne dans notre pays par de nombreuses compagnies, dans le passé.
Le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'est pas l'apanage de cette administration, à moins qu'elle ait retrouvé miraculeusement une nouvelle rigueur et virginité philosophiques. Et sincèrement, on peut en douter, même si c'est qui serait souhaitable pour le pays.
4- Et pour confirmer notre scepticisme, nous apprenons la création très prochaine d'une nouvelle compagnie « Air Corail » qui va miraculeusement se retrouver en position de quasi-monopole dans les liaisons inter îliennes, et sur les mêmes circuits du projet des liaisons internationales initialement visé par Inter Air Îles.
Avouez que la coïncidence est trop grande pour être vraisemblable.
La disparition d'Inter Air Îles n'est pas l'échec d'un dirigeant, d'une famille et d'actionnaires locaux seulement.
C'est tout d'abord, l'échec du gouvernement actuel :
– Inter Îles est une compagnie locale qui emploie une main d’œuvre locale, qui génère une plus-value et des bénéfices qui profitent directement à la vie sociale et économique du pays.
– C'est une compagnie qui s'investit dans les projets sociaux, notamment à Anjouan.
– Choisie par le gouvernement de l'Union, elle représente l'Union des Comores dans la région, et en incarne l'image et le symbole.
C'est donc un échec patent pour le gouvernement actuel et son projet d'émergence :
Comment peut-on parler d'émergence sans une classe moyenne locale capable d'investir dans le pays et porter des projets en adéquation avec l'ambition politique et économique du pays ?
Tuer les entrepreneurs locaux et faire place aux seuls actionnaires et intérêts extérieurs est certainement à l'opposé d'un projet de développement économique sincère et sérieux.
Dans tous les cas, au moment où on parle de bilan de 42 ans d'indépendance, l'échec dans une organisation efficiente des transports aériens, dans le ciel des Comores, reste comme un frein majeur au désenclavement des îles et au développement du pays.
Kamaroudine ABDALLAH PAUNE
Photo© Alwatwan
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