Décret présidentiel sur la Protection de l’État : non, il n’y a pas inconstitutionnalité. La création récente d’un poste de Délégué chargé de la Direc
Décret présidentiel sur la Protection de l’État : non, il n’y a pas inconstitutionnalité
La création récente d’un poste de Délégué chargé de la Direction Nationale de la Protection de l’État par décret présidentiel n°25-034/PR du 02 mai 2025 a suscité des réactions critiques, certains invoquant une inconstitutionnalité au regard de l’article 91 de la Constitution. L’accusation mérite une réponse claire et juridiquement fondée.
1. Une lecture constitutionnelle rigoureuse de l’article 91
L’article 91 réserve à la loi la fixation des « principes fondamentaux de l'organisation générale de la défense et de la sécurité nationale ». Or, ce décret ne crée pas une autorité sécuritaire dotée de pouvoir répressif ou opérationnel, mais un poste administratif de coordination, rattaché à la Présidence. Il n’institue aucune prérogative nouvelle, mais met en œuvre, de manière fonctionnelle, les orientations législatives déjà existantes.
2. Une mesure conforme au droit constitutionnel organique
Ma réflexion se situe ici sur le terrain du droit constitutionnel organique : il s'agit de déterminer si, dès lors que la loi a défini les missions de protection de l'État, la création d'un outil administratif interne — même chargé d'une mission sensible — nécessite un acte législatif.
En l’espèce, le décret ne crée pas une nouvelle autorité de sécurité, mais un dispositif d’organisation interne, destiné à mieux coordonner la mise en œuvre d’une politique déjà encadrée par la loi. Dès lors qu’aucune disposition légale n’exige une habilitation parlementaire spécifique, le pouvoir réglementaire du Chef de l’État, constitutionnellement reconnu, suffit pleinement.
3. Une prérogative naturelle du pouvoir exécutif
Dans toutes les démocraties modernes, le pouvoir exécutif dispose d’un pouvoir d’organisation des services publics sous sa responsabilité. Le Président, garant de l’unité et de la continuité de l’État, a non seulement le droit mais le devoir d’assurer une organisation efficace des services rattachés à la Présidence.
Créer un poste de coordination stratégique, sans fonction de commandement militaire ni pouvoir coercitif, relève strictement de l’organisation administrative, et non du domaine réservé à la loi.
4. Soutien du droit constitutionnel comparé
En droit constitutionnel comparé (français, béninois, sénégalais), il est établi que :
- Les principes fondamentaux de la défense relèvent du législateur ;
- Les mesures de mise en œuvre, notamment la création de postes de coordination, relèvent du pouvoir réglementaire.
Le Conseil d’État français, depuis l’arrêt Labonne (1919), reconnaît une compétence propre au chef de l’exécutif en matière de police et de sécurité, pour des décisions d'organisation administrative ne touchant pas aux droits fondamentaux.
5. Une erreur d’interprétation sur la hiérarchie des normes
L’argument d’inconstitutionnalité repose sur une confusion entre “mission sensible” et “compétence législative exclusive”. Ce n’est pas la sensibilité d’un sujet qui en fait nécessairement une prérogative du Parlement, mais le fait qu’il touche à un principe fondamental que la loi aurait omis de traiter, ce qui n’est pas le cas ici.
Conclusion : Un acte réglementaire, légitime et conforme
Le décret du 2 mai 2025 ne viole ni la lettre ni l’esprit de la Constitution. Il n’usurpe aucune compétence législative, ne crée aucune autorité parallèle, et s’inscrit dans un cadre légal préexistant. Il est l’expression fonctionnelle du pouvoir d’organisation reconnu à l’exécutif dans tous les régimes démocratiques.
Le débat sur les institutions mérite la rigueur juridique, non des alarmes infondées.
Maître Nadhur Radjabou
Avocat stagiaire au Barreau de Moroni
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