Au procès de la Yemenia Airways à Paris, « la force de vivre » de Bahia Bakari, seule survivante du crash. « Je prends conscience que des femmes appel
C'est une histoire « dure à raconter » malgré « l'habitude des dernières années ». L'unique rescapée du crash qui a fait 152 morts en 2009 au large des Comores a de nouveau témoigné lundi au procès en appel de la compagnie Yemenia Airways, jugée pour homicides et blessures involontaires.
A la barre, ses cheveux noirs tirés en chignon laissent apparaître une épaisse paire de boucles d'oreilles dorées. Bahia Bakari, 27 ans, se lance dans le récit de la nuit de l'accident auquel elle a survécu miraculeusement. Ce jour-là, « ma mère portait de belles boucles d'oreilles en or. Elle m'a dit qu'elle me les prêterait à l'occasion du mariage », relate la jeune femme d'une voix chevrotante.
Le 29 juin 2009, Bahia a 12 ans lorsqu'elle quitte avec sa mère l'aéroport parisien de Roissy pour assister au mariage de son grand-père aux Comores. Après une première escale à Marseille, dans le sud-est de la France, les passagers changent d'avion à Sanaa, au Yémen. Ce deuxième appareil, un Airbus A310, était « plus petit et plus vieux », se remémore-t-elle, sans que son état ne l'inquiète, à l'exception de « l'odeur de toilettes » et des « moucherons » présents à bord.
Le vol se déroule dans le calme, c'est la nuit. A l'approche de Moroni, la capitale des Comores, Bahia Bakari dit avoir ressenti « des turbulences » et « trouvé cela étrange ». Les autres passagers, eux, n'ont pas réagi. « D'un coup, je me sens électrisée. Je ne peux plus bouger. Et puis, trou noir », poursuit-elle.
Serrés sur les bancs, des dizaines de parties civiles ont refait le déplacement pour l'écouter. Parmi eux, une femme, dont les cris de douleur viennent briser le silence de la salle, à mesure du récit de Bahia. Bahia Bakari reprend connaissance dans l'eau. « Je vois qu'il y a trois débris d'avion. Je m'agrippe à l'un d'entre eux », explique la jeune femme, qui se dit alors « très lucide sur la situation ».
« Vraiment seule »
« Je prends conscience que des femmes appellent à l'aide en comorien. Je me mets à appeler à l'aide aussi » puis elle s'endort « épuisée ». A son réveil, plus de voix, mais au loin « la silhouette d'une des îles ». « J'étais vraiment seule à ce moment-là ».
Au matin du 30 juin, la mer est particulièrement agitée. Pour tenir, la jeune fille se persuade qu'elle est la seule à s'être retrouvée dans l'eau, que sa mère l'attend sur la terre ferme.
Récupérée par un bateau, Bahia est acheminée à l'hôpital de Moroni. C'est là qu'une psychologue lui annonce qu'elle est « la seule qu'on ait retrouvée » et « qu'on ne retrouverait plus personne ».
De retour en France le 2 juillet, elle est hospitalisée une vingtaine de jours pour soigner des fractures au niveau de l'oeil gauche, à la clavicule, au bassin, des brûlures aux pieds et un pneumothorax. « J'étais très proche de ma maman, c'était ma meilleure amie », confie la jeune femme, dont la voix se brise pour la première fois.
« Vous avez un seuil de tolérance inhumain, une force de vivre absolument incroyable », l'encourage la présidente de la cour Sylvie Madec. « C'est aussi dur pour nous. Nous ne sommes pas que des juges ». L'audience est brièvement suspendue.
Aujourd'hui mariée, Bahia se dit « épanouie », malgré un traumatisme qui l'a « forcée à grandir plus rapidement que les autres enfants ». « Globalement, on va bien », rassure-t-elle en faisant référence à ses trois petits-frères et soeurs, ainsi qu'à son père. « Je n'ai plus de mauvaises nuits ».
Les différentes expertises menées depuis le crash ont conclu que l'accident était dû à une série d'erreurs de pilotage, écartant l'hypothèse d'un missile, d'une défaillance technique de l'avion et de la foudre.
Absent en première instance, un représentant de la compagnie aérienne a été entendu par la cour d'appel le 7 mars. Il a présenté ses condoléances aux familles des victimes et salué « la grande dignité » de Bahia Bakari.
Agence France-Presse
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