J’ai eu à apprendre.Quelques réalités économiques et sociales comoriennes à la lumière des réflexions du philosophe et économiste écossais Adam SMITH.
Quelques réalités économiques et sociales comoriennes à la lumière des
réflexions du philosophe et économiste écossais Adam SMITH
J’ai eu à apprendre quelques modules en micro-économie et en macro-économie
lors de mes études en gestion administrative et financière à l’ENES de Mvouni
aux Comores, en ressources humaines à l’IFOCOP de Rungis et en droit des
entreprises et des collectivités locales européennes à l’université Lumière
Lyon 2 en France. Je ne suis pas économiste, pour autant je suis passionné par
cette discipline. Je viens de relire de larges extraits de Recherches sur la
nature et les causes de la richesse des nations, publié par le philosophe et
économiste écossais Adam SMITH en 1776. Il s’agit d’un des ouvrages fondateurs
du libéralisme économique. L’Indien Amartya SEN, prix Nobel d’économie 1998,
le considère même comme « le plus grand livre jamais écrit sur la vie
économique».
Cet essai est daté. Il est vieux de 2 siècles et demi. Certaines théories ont
été dès le départ sujettes à caution. D’autres se sont imposées pendant près
d’un siècle avant d’être réfutées par d’autres économistes. Il est à noter,
cependant, qu’un certain nombre de réflexions d’Adam SMITH sont toujours
d’actualité et évoquent certaines réalités économiques et sociales
comoriennes. Je vais en citer quelques-unes :
1. Un pays qui contient trop d’improductifs (« une cour nombreuse et
brillante, un grand établissement ecclésiastique, de grandes flottes et de
grandes armées) peut leur consacrer une part si grande de son revenu qu’il
n’en reste plus assez pour maintenir le travail productif à son niveau, ce
qui provoque une diminution du revenu national d’année en année.
Adam SMITH indique qu’un pays s’appauvrit lorsqu’il consacre une grande part
de sa richesse à l’entretien d’un nombre exagéré d’improductifs au détriment
de la rémunération du travail qui crée de la valeur et donc qui génère des
salaires pour les ouvriers ET des profits pour les employeurs. Les gens
improductifs sont constitués en Angleterre, à l’époque d’Adam SMITH, par la
multitude de nobles, de membres du clergé, de soldats et de marins entretenue
par les impôts des contribuables. Nous notons chez nous aux Comores, au 21ème
siècle, une situation analogue.
Un pays qui s’appauvrit de jour en jour, (malgré le changement controversé de méthode de calcul du PIB qui a fait
passer les Comores de la catégorie des pays à faible revenu à celle des
pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure), parce que le gouvernement continue à verser des salaires à des agents
publics décédés ou qui n’exercent plus leurs fonctions, rémunère une cohue de
conseillers aussi nombreuse qu’inutile, accorde des avantages en nature
induits (carburant, logement, prise en charge de l’électricité) et distribue
des enveloppes d’argent à une multitude de de visiteurs du soir et de
courtisans en échange de leurs salamalecs et des ragots qu’ils rapportent et
embauche à tour de bras des militaires qui ne servent qu’à opprimer leurs
propres concitoyens. Tout cela au détriment des investissements créateurs de
richesses.
2. « Pour la plupart des riches, le principal plaisir qu’ils tirent de la
richesse consiste à en faire étalage et à leurs yeux leur richesse est
incomplète tant qu’ils ne paraissent pas posséder ces marques décisives de
l’opulence que nul ne peut posséder sauf eux-mêmes. »
Par ces lignes, Adam SMITH fustige la propension pour la plupart des riches à
acheter des produits qui sont hors de portée du portefeuille de la majorité
des gens et à faire l’étalage des richesses dans un objectif de démonstration
sociale. Par effet de snobisme, beaucoup de personnes, y compris ceux qui ne
sont pas particulièrement riches, se lancent dans cette compétition pour
pouvoir s’afficher aux côtés des nantis. Adam SMITH, connu pour être un
libéral assumé, est pourtant favorable à l’idée que les produits luxueux
soient plus lourdement taxés que les autres, afin de dissuader les dépenses de
luxe et d’encourager l’épargne et les investissements qui sont à la base de la
croissance du revenu national.
Combien de Comoriens, surtout originaires de Ngazidja, se sont vite cassé les
dents après s’être précipités à acheter une Mercédès par snobisme alors que
l’entreprise qu’ils venaient de créer n’avait pas encore les reins
suffisamment solides pour soutenir leur folie dépensière ? Et que dire du
grand mariage qui conduit des familles en France à amasser pendant plusieurs
années l’équivalent de dizaines de millions de francs comoriens pour aller les
consacrer en une semaine d’une part à une surconsommation de 2 produits
importés, à savoir le riz et la viande et d’autre part à la distribution
d’enveloppes d’argent à des agriculteurs, des pêcheurs, des fonctionnaires et
des commerçants qui désertent respectivement leurs champs, la mer, les bureaux
et leurs commerces !
Creusement du déficit commercial, sortie massive de devises, baisse de la
production nationale, inflation et parfois pénuries de produits alimentaires.
Une véritable catastrophe économique ! Chaque année, c’est de pire en pire car
la course à l’étalage de la richesse, souvent superficielle, est un cercle
vicieux. Ne dit-on pas «Aada poivoi » pour indiquer que le grand mariage,
synonyme de prétention, perdrait de sa superbe s’il était accompli dans la
sobriété ?
3. « L’impôt peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de
s’adonner à de certaines branches de commerce ou de travail, qui
fourniraient de l’occupation et des moyens de subsistance à beaucoup de
monde. Ainsi, tandis que d’un côté il oblige le peuple à payer, de l’autre
il diminue ou peut-être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le
mettre plus aisément dans le cas de le faire. »
Adam SMITH indique qu’une explosion du taux d’imposition peut décourager les
patrons et les conduire à moins investir et à moins faire travailler les gens.
Ces patrons ralentiraient ainsi l’activité économique, génèreraient moins de
valeur ajoutée et réduiraient donc la base imposable. Les personnes privées
d’emploi en raison de cette hausse des impôts ne gagneraient aucun revenu et
ne pourraient donc pas payer d’impôts. Tout cela est résumé aujourd’hui par la
célèbre formule « trop d’impôt tue l’impôt ».
Aujourd’hui, aux Comores, des commerçants réduisent leurs commandes car ils ne
peuvent pas supporter la hausse des droits de douane destinée à financer le
train de vie pharaonique du colonel Assoumani AZALI et de son clan. Ces
commerçants répercutent la hausse des droits de douane sur le prix de vente au
consommateur. Ce qui a pour effet d’entraîner une baisse des ventes et par
ricochet une chute du produit des impôts directs dus par les commerçants et de
la taxe sur le chiffre d’affaires supporté par les consommateurs. La rapacité
du tyran et de son clan a fini par tuer la vache à lait. Il n’en pouvait être
autrement car rien de bon ne peut provenir de l’excès.
Abdourahamane Cheikh Ali
Image (vue de Moroni) ©Page Facebook (Sur les traces de la Culture Comorienne)
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