Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est érigée en 101e département français. Une départementalisation de l’île obtenue au forceps, brandie par l...
Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est érigée en 101e département français. Une départementalisation de l’île obtenue au forceps, brandie par le Mouvement populaire mahorais comme la panacée du développement de l’île, l’assurance de rompre définitivement avec l’État comorien et de voguer vers le paradis terrestre français.
Dix ans plus tard, le résultat est loin d’être brillant. Certes, la situation des petites gens est meilleure à Mayotte que dans les autres îles de l’archipel, mais on est loin de l’eldorado promis. Quelques indicateurs clés suffisent à se faire une idée de la réalité de l’île. Les données sont de l’Insee, rien de plus officiel : 77 % de la population mahoraise vit au-dessous du seuil de pauvreté (2018). Quatre logements sur dix sont en tôle (2017). Le taux de chômage est de 30 % (2019).
Autre indicateur d’une société mahoraise au bord du gouffre : on compte entre 3 000 et 7 000 mineurs isolés sans autre horizon que la rue. Des enfants abandonnés, pour la plupart à la suite de l’expulsion de leurs parents de l’île où ils sont nés, où ils ont grandi.
Une conséquence du visa Balladur, qui a brutalement interrompu les échanges ancestraux entre les îles de l’archipel et érigé un mur marin pire que celui de Berlin au regard du nombre de morts : plusieurs dizaines de milliers depuis 1995. Un visa induisant des rafles policières contre les « clandestins comoriens » qui rappellent Hitler et Vichy, des déplacements de populations, crime contre l’humanité selon la Cour pénale internationale, qui se perpétuent impunément depuis plus de vingt-cinq ans.
Mayotte est aussi confrontée à une insécurité grandissante, une violence aveugle qui frappe et endeuille la population. La pratique du bouc émissaire, le « clandestin comorien » exutoire de prédilection de certaines organisations dont le Collectif des citoyens de Mayotte, envenime encore la situation, induit des pratiques barbares : destruction des maisons et mise à la rue de familles entières ; expulsion scandaleuse d’une Mayotte confinée.
Cette chasse à « l’immigré clandestin comorien » heurte de plus en plus de Mahorais. Car, malgré tout, les liens entre les quatre îles sont indissolubles : la langue, l’histoire, la géographie, la culture (religion musulmane, etc.) et les liens familiaux.
Résultat : si les ultras de la départementalisation ont toujours pignon sur rue, ils sont dorénavant de plus en plus contestés. Nombre de Mahorais s’interrogent ; certains en arrivent à rejeter la départementalisation, dénoncent une « sous-départementalisation » agrémentée de discrimination colonialiste (voir Mayotte en sous-France, de Mahamoud Azihary). D’autres réclament l’indépendance de l’île : un double rejet. Rejet de la France colonialiste et rejet d’une Union des Comores, misérable.
Le séparatisme insulaire est un anachronisme des temps modernes. Ajoutez-y le néocolonialisme français, cet autre anachronisme du XXIe siècle, et on obtient une situation comorienne catastrophique, nourrie par une sorte de schizophrénie franco-comorienne qui ferme tous les horizons à l’archipel des Comores.
COLLECTIF DE DÉFENSE DE L’INTÉGRITÉ ET DE LA SOUVERAINETÉ DES COMORES ©L’HumanitÉ
Photo : Une vue de Mamoudzou, capitale de Mayotte
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