Photo d’archives : des migrants africains arrivés à Mayotte A Mayotte, on chasse les Africains ! L'île de Mayotte, dans l'a...
Photo d’archives : des migrants africains arrivés à Mayotte |
A Mayotte, on chasse les Africains !
L'île de Mayotte, dans l'archipel des Comores, s'illustre par son racisme ambiant et sa xénophobie ordinaire. Les personnes originaires du continent africain en sont les victimes privilégiées.
Cela peut sembler inconcevable mais à Mayotte, île africaine de l'archipel des Comores, entre le Mozambique et Madagascar, les « Africains » ne sont pas les bienvenus. Pourtant, la population locale est elle-même africaine. Sa langue dérivée du Swahili comme ses coutumes vestimentaires identiques à celles de Tanzanie, sa gastronomie à base de manioc, de bananes et de fruits à pain comme sa religion, un islam teinté d'animisme ; tout à Mayotte est africain !
Mais sur cette petite île administrée par la France, le mot « Africain » devient une insulte. Pourtant, à quelques kilomètres de là, en Tanzanie ou au Kenya, les gens sont fiers d'être Africains. La négritude, chère à Césaire et Senghor n'a pas traversé le canal du Mozambique. A Mayotte, où avoir des papiers français semblent être un Graal, beaucoup n'ont pas compris que l'identité peut être multiple et qu'il est possible d'être Africain, Français et Musulman.
Cette haine de l'autre, que l'on qualifie « d'Africain » dès qu'on le soupçonne de ne pas avoir de papiers français, a culminé fin 2018.
C'est à ce moment qu'un professeur de philosophie du lycée de Sada est pris pour cible. Au départ, une simple plainte de parents d'élèves quant aux méthodes de l'enseignant. Rapidement, la machine s'emballe. Le professeur en question est d'origine africaine. Dès lors, les collectifs de citoyens, connus pour leurs actions xénophobes et le principal parti d'extrême droite, très en vogue sur l'île, s'emparent de l'affaire. Les élèves et les parents sont dépassés par les événements, la direction gère du mieux qu'elle peut, les collègues témoignent de leur solidarité et le vice-rectorat demeure – comme à son habitude – étrangement silencieux.
Le député, encarté à droite mais dont les idées sont encore plus à droite, s'immisce dans le débat et sans rien connaître à l'affaire prend le parti des collectifs et charge le professeur de philosophie. Des slogans racistes sont même tagués sur la route qui mène au lycée et le professeur, craignant pour sa sécurité accepte finalement un poste dans un autre établissement. Il aura auparavant fait un passage par la télévision locale pour montrer à la caméra sa pièce d'identité française et son diplôme. Ses détracteurs iront pourtant jusqu'à dire que sa naturalisation est récente et son diplôme faux... il n'y a pas de limites à la débilité.
Mais la haine ne s'arrête pas là. Il faut signaler ici les événements survenus suite à une conférence en novembre 2018 à Mamoudzou sur les civilisations du canal du Mozambique, en partenariat avec des universités de Maputo, de Dar es Salam et de Nairobi. Pas moins de 26 conférenciers pour un événement unique à Mayotte et au combien important sur une île en quête d'identité. Un professeur de lycée a cru bon d'emmener sa classe assister aux échanges des conférenciers. Il est alors pris pour cible et insulté par les mêmes collectifs de citoyens, lesquels préfèrent nier leur propre histoire et sont prêts à se livrer à des autodafés pour empêcher la vérité historique, ethnographique, et cetera.
il faut aussi mentionner ces réfugiés originaires de RDC qui attendent une régularisation de la part de la préfecture. Ils sont délaissés et mendient devant les supermarchés. Ils ne s'adressent qu'aux mzungus car ils savent que les locaux ne les aideront pas. Pire, ils risquent d'être pris pour cible et de subir, à minima, des injures odieuses. Ils demeurent dans une inquiétante attente alors qu'ils sont venus ici au péril de leur vie pour fuir un pays en proie à la violence perpétuelle. Aucune compassion à leur égard, aucune charité pour eux.
On l'aura compris, une partie des habitants de Mayotte ne sont pas prêts de se sentir Africains, libre à eux. En revanche, il est inquiétant de voir que comme d'habitude les méthodes d'un autre age sont de mises et ce sans la moindre intervention des autorités compétentes, vice-rectorat, préfecture, tribunal... aux abonnés absents, laissant s'installer sur l'île un climat délétère qui rappelle les heures les plus sombres de l'Histoire.
PAR DAMIEN GAUTREAU
BLOG : MAORE NA YA MAJIRANI YAHE
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