Antananarivo - Les Malgaches votaient mercredi pour élire leur président dans un scrutin aux airs de revanche entre les deux poids lourds...
Antananarivo - Les Malgaches votaient mercredi pour élire leur président dans un scrutin aux airs de revanche entre les deux poids lourds de la scène politique locale depuis plus de dix ans, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, déterminés à retrouver le pouvoir.
La rivalité et l'inimitié qui opposent les deux ex-chefs de l'Etat font redouter de vives tensions à la proclamation des résultats, dans un pays habitué des crises politiques depuis son indépendance en 1960.
Andry Rajoelina, un ancien publicitaire et disc-jockey de 44 ans, a viré légèrement en tête à l'issue du premier tour disputé le 7 novembre. Crédité de 39,23% des suffrages, il a devancé Marc Ravalomanana, 69 ans, qui a fait fortune à la tête d'un groupe laitier (35,35%).
Les candidats ont voté tôt dans la matinée dans deux quartiers de la capitale Antananarivo.
"Je suis confiant, je pense que le peuple malgache tranchera une bonne fois pour toutes celui qui dirigera le pays (...) j'appelle le peuple malgache à voter massivement", a déclaré M. Rajoelina après avoir glissé son bulletin dans l'urne dans une école d'Ambotube.
"Avec la participation de tout le peuple malgache, j'espère que l'on va changer Madagascar et que l'on va aller de l'avant", a lancé en retour M. Ravalomanana à la sortie de son bureau de vote du quartier de Faravohitra.
Tout au long de la campagne, les deux hommes ont laissé ces dernières semaines libre cours à leur rancunes personnelles, nées de la crise de 2009.
Elu président en 2002, M. Ravalomanana a été contraint à la démission sept ans plus tard par une vague de violentes manifestations ourdies par M. Rajoelina. Maire de la capitale, ce dernier avait alors été installé par l'armée à la tête d'une présidence non-élue.
- Accusations -
Les deux adversaires avaient été privés de revanche en 2013, interdits de candidature par un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.
Pour rallier les indécis et les nombreux abstentionnistes - 45,7% au premier tour - , MM. Rajoelina et Ravalomanana n'ont pas lésiné sur leurs moyens, apparemment illimités, ni sur les accusations.
Lors de leur second débat télévisé dimanche, Marc Ravalomanana a reproché en creux son rival de préparer la fraude, affirmant que "des fausses cartes d'identité et de fausses cartes d'électeurs circulent".
Tard mardi soir, il a remis à la Commission électorale (Ceni) un lot de 400 bulletins de vote vierges tombés entre les mains de ses partisans.
"C'est une infraction grave", a commenté mercredi devant la presse le président de la Ceni, Hery Rakotomanana, "les personnes impliquées seront arrêtées et déférées devant la police et le parquet".
Mercredi, Marc Ravalomanana a assuré qu'il respecterait les résultats. "Mais il faut quand même respecter les règles du jeu", a-t-il mis en garde.
"On essaie de lancer des rumeurs ici et là", a répondu, un rien agacé, son adversaire. "Nous allons attendre le résultat dans la paix et la sérénité. Je suis un démocrate et j'accepterai le verdict des urnes".
Pour nombre d'observateurs, ces échanges aigres-doux font planer l'ombre de vives tensions dès l'annonce des premiers résultats significatifs, annoncés par la Ceni pour le lendemain de Noël.
- Forts enjeux -
"Les résultats pourraient être très serrés et, dans ce contexte, même des irrégularités très minimes pourraient amener l'un ou l'autre candidat à les contester", a pronostiqué Marcus Schneider, analyste à la fondation allemande Friedrich Ebert.
Ancien ministre de l'Education et candidat malheureux au premier tour, l'universitaire Paul Rabary a résumé sans détour les enjeux personnels du scrutin.
"Pour Marc Ravalomanana, c'est une question de vie ou de mort. Son groupe (agroalimentaire) ne peut pas survivre s'il ne reprend pas le pouvoir", estime l'universitaire. "Quant à Andry Rajoelina, son histoire personnelle est salie par le coup d'Etat. Il doit gagner pour laver son honneur".
Leur face-à-face a largement occulté les problèmes de fond du pays, un des plus pauvres du continent africain et le seul qui, malgré l'absence de guerre, s'est appauvri depuis son indépendance de la France en 1960.
Manque criant d'infrastructure, corruption, insécurité, pauvreté, la Grande île et ses 25 millions d'habitants cumulent tous les handicaps. Victime du réchauffement climatique, sa pointe sud souffre depuis des années d'une sécheresse qui met en péril sa population.
Les quelque 25.000 bureaux de vote du pays doivent fermer mercredi à 17h00 locales (14h00 GMT).
AFP
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