Avec « Sur le chemin du Taarab », le musicien Chébli Msaïdie revient sur son parcours et sur les contradictions qui minent la société comor...
Avec « Sur le chemin du Taarab », le musicien Chébli Msaïdie revient sur son parcours et sur les contradictions qui minent la société comorienne contemporaine.
Chanteur, auteur de cinq albums, directeur musical avec une centaine de disques à son actif, le Comorien Chébli Msaïdie a la réputation de mener ses activités avec rigueur. Alors quand il prend la plume pour parler de lui-même, des siens et de son île, la Grande Comore, il le fait avec la même exigence de vérité et de sincérité.
Son récit, Sur le chemin du Taarab, qui prend la forme d’une confession à son fils Kemin, atteint d’une grave maladie, lui permet d’évoquer son parcours entre Ouellah-Itsandra, le village de son enfance, et Paris, la capitale de la world music dans les années 1980. Msaïdie perd très tôt son père, un musicien qui se produisait dans les fêtes populaires, et part suivre des études à Marseille, où il est recueilli par un oncle.
Un diplôme d’électricien en poche, il bifurque vers une vie de saltimbanque et esquive tous les mariages arrangés qui lui sont proposés. Il restera toujours déchiré entre la fidélité à sa culture et la volonté de réussir selon les critères du monde dans lequel il a choisi de vivre.
Les excès du Grand Mariage
Ce conflit intérieur atteint son acmé avec l’épisode du Grand Mariage – cette cérémonie traditionnelle comorienne qui conduit des couples à confirmer un jour leur union et par là même celle des deux familles impliquées –, auquel il est contraint de se soumettre sous la pression de sa mère, de son épouse et de l’ensemble de sa communauté.
Si l’auteur reconnaît que cette coutume permet de maintenir en vie la culture de son pays, il déplore les excès auxquels elle conduit, notamment les dépenses démesurées qu’elle exige, et désigne les responsables de cette dérive : les notables et les religieux. Ce qui était initialement un rite de passage permettant à des hommes mûrs d’accéder au statut de sage est devenu, explique-t-il, une compétition absurde, conduisant des familles à se ruiner dans l’hypothétique espoir de faire désormais partie de ceux qui, à leur tour, prélèveront leur dîme lors des cérémonies à venir…
Chébli Msaïdie loue les richesses de la société comorienne sans cacher ce qu’elles impliquent de limitations en matière de libre arbitre
Papa Wemba
Si le propos est acéré s’agissant du Grand Mariage et le ton du récit souvent grave, l’auteur se montre parfois drôle quand il évoque ses relations avec l’incontrôlable star congolaise Papa Wemba à l’époque où il était son manager. Et lorsque l’on referme ce livre foisonnant, par ailleurs très bien écrit, on ressent une double satisfaction et un léger regret.
Heureux d’avoir rencontré au fil des pages un homme attachant, qui assume ses contradictions et semble mu uniquement par l’amour qu’il porte aux siens et à la musique, on apprécie sa description sans tabou de la société comorienne, dont il loue les richesses sans cacher ce qu’elles impliquent de limitations en matière de libre arbitre.
Le bémol ? Ne pas en avoir appris plus sur le Taarab, cette musique « savante », mélancolique et envoûtante qui ne ressemble à aucune autre et dont l’origine lointaine reste inconnue.
Par Bernard Boyer ©Jeune Afrique
Par Bernard Boyer ©Jeune Afrique