France: La Courneuve va bientôt avoir sa grande mosquée
Une grande mosquée verra bientôt le jour à La Courneuve en Seine-Saint-Denis. Dans cette ville du nord de Paris, qui compte aujourd’hui 40 000 habitants, près de la moitié de la population est de confession musulmane.
Design par Yaman Nasser, architects Workshop Sarl. HALLAK and NASSER |
La ville de La Courneuve, commune de Seine-Saint-Denis, doit engager les travaux de sa grande mosquée en fin d’année : un édifice d’une surface de 4 662 m2, au cœur du centre-ville, non loin de la mairie et situé à presque égale distance de l’église Saint-Lucien et de la synagogue Ahavat Shalom.
Ce projet sera plus qu’un simple lieu de prière. Il comporte en effet deux bâtiments, séparés par un jardin et une fontaine. L’une des deux structures accueillera le centre culturel ouvert à toutes et tous.
Parmi les 40 000 habitants de La Courneuve, près de 50% sont de confession musulmane et d’origines ethniques diverses : indienne, pakistanaise, magrébine, mauricienne, comorienne… Aussi, beaucoup de fidèles pratiquent dans des locaux qui font office de mosquée aux pieds des immeubles. L’idée est donc de fermer ces petits lieux de culte pour n’en faire qu’un. « Je souhaite vraiment que cette mosquée puisse fédérer tous les musulmans de la commune », assure Gilles Poux, maire de La Courneuve.
Pour Okacha Ben Ahmed Daho, président de la Fédération des musulmans de La Courneuve (FMC) « c’est l’excellence ! Nous réalisons une durable fraternité. Je considère que tous les musulmans sont frères et sœurs, quelles que soient leurs origines ». Les Courneuviens de confession musulmane semblent se réjouir de ce futur lieu commun. Nadia, Française et musulmane, se félicite « que toutes les communautés soient représentées. Il faut une grande mixité. Cela évitera d’ailleurs le communautarisme. Je considère qu’une religion n’est pas une identité. La mosquée doit accueillir tout le monde. La religion musulmane n’a pas de frontière. » Pour Djamal, Français d’origine comorienne, « l’idée première, c’est d’abord d’être réunis sans différences. On n’aura plus à aller pratiquer chacun dans son coin… »
« Le vivre ensemble est un gage de paix »
Cette future mosquée se situera au cœur de la ville. « Nous n’avons pas souhaité que cet édifice se retrouve à l’extérieur, en bordure de la ville. Il fallait qu’elle soit visible au même titre qu’une église ou qu’une synagogue », explique le maire qui porte un regard apaisé sur la question religieuse. Il veut défendre coûte que coûte « un esprit de respect ouvert à l’autre ».
De son côté, Prosper Benaim, rabbin à la synagogue Ahavat Shalom de La Courneuve, raconte : « La Courneuve ? Mais c’est une petite Jérusalem ! Les trois grands courants religieux y sont représentés et nous nous entendons tous très bien. D’ailleurs à chaque festivité, qu’elle soit musulmane, chrétienne ou juive, nous nous téléphonons pour nous souhaiter de bonnes fêtes. C’est très bien que les musulmans puissent avoir leur mosquée. Cela me parait tellement normal ».
Même écho du côté du père Gérard Marle, curé des paroisses Saint-Yves et Saint-Lucien. « Je veux citer l’évêque d’Oran qui disait : "pour connaître mon dieu à moi, il faut que je connaisse l’autre". Il faut cesser de mépriser les gens. Chacun a le droit à son lieu de culte. ». Le président de la FMC renchérit : « Nous n’avons aucun problème ni avec les juifs, qui sont nos frères, ni avec les chrétiens. Le débat religieux doit nous aider à vivre ensemble ! » Okacha Ben Ahmed Daho assure aussi que cette mosquée sera « celle de la fraternité de la République. Nos concitoyens sont des musulmans français, aujourd’hui la pratique de la religion doit s’adapter à notre lieu de vie. ». Différents imams viendront prêcher au sein de la mosquée, leur prédication sera exprimée en arabe et traduite en français.
Gilles Poux l'assure: « plus on sera en situation de respect et d’ouverture, moins on sera confronté à des expressions extrémistes qui se nourrissent de paroles de rejet et de haine. On est dans une société laïque où chacun a sa place. L’immense majorité des musulmans ne se reconnaissant pas dans des dérives sectaires ». Le maire constate par ailleurs un réel regain de religiosité. « Pour le marxiste que je suis, il me parait évident que ce constat est d’abord, et bien malheureusement, la conséquence évidente de la misère sociale du chômage et donc de la désespérance. », explique-t-il.
Gilles Poux : Ce sont des projets qui prennent beaucoup de temps. Cela représente des investissements importants à quoi s’ajoutent souvent des velléités contradictoires. Ce fut le cas ici où les responsables de la mosquée historique, après avoir présenté un projet qui fédérait l’ensemble des communautés, comme je le souhaitais, ont fait machine arrière pour finalement se retirer car n’acceptant pas un partage des responsabilités. Cela a de fait allongé le processus, car il a fallu que la Fédération des musulmans de La Courneuve reprenne un architecte et reconstruise un nouveau projet.
La mosquée est financée exclusivement par les dons de la communauté musulmane, soit près de 4 000 familles, d’où proviennent-ils ?
Ils en sont au début du financement. C’est seulement avec le permis de construire que cela démarrera vraiment. Au total, c’est un projet où la ville apporte le terrain via un bail emphytéotique et où les fidèles devront dégager les 5 millions nécessaires à la construction via les dons mais aussi avec l’appel d’entreprises ou de familles particulièrement aisées.
Quelle autorité avez-vous en tant que maire au regard de ce lieu de culte ?
Aucune. Il y a en France une loi - la laïcité - qui garantit la liberté de culte et qui sépare le pouvoir politique de la religion, et c’est tant mieux. Après, il appartient au gestionnaire d’un lieu de culte de respecter la loi. Enfin, je dirais que naturellement, comme je me suis beaucoup engagé pour soutenir la réalisation de ce projet, je travaille en bonne intelligence avec les responsables et l’ensemble de la communauté afin que cette mosquée soit un lieu apaisé, ouvert et tolérant.
La haine engendre la haine
Certains Courneuviens voient l’arrivée de l’édifice d’un très mauvais œil. Dans le quartier des 4 routes, zone plutôt pavillonnaire, certains se disent même « envahis ». « Faire une mosquée à côté de la mairie est stupide et lamentable ! C’est favoriser une religion qui couple obscurantisme et appel au meurtre… », estime René, retraité. « Je suis résolument contre la construction de cette mosquée !, renchérit Chantal. Aujourd’hui, il y a une islamisation galopante. » Catherine, quant à elle, raconte entendre trop souvent des discours « nauséeux ». « C’est vraiment insupportable de les entendre critiquer tout ce qui peut être différent. Ils sont méprisants. C’est affligeant et ça fait peur. »Gilles Poux l'assure: « plus on sera en situation de respect et d’ouverture, moins on sera confronté à des expressions extrémistes qui se nourrissent de paroles de rejet et de haine. On est dans une société laïque où chacun a sa place. L’immense majorité des musulmans ne se reconnaissant pas dans des dérives sectaires ». Le maire constate par ailleurs un réel regain de religiosité. « Pour le marxiste que je suis, il me parait évident que ce constat est d’abord, et bien malheureusement, la conséquence évidente de la misère sociale du chômage et donc de la désespérance. », explique-t-il.
Trois questions à Gilles Poux, maire de La Courneuve.
Gilles Poux, maire de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, dans le nord de Paris. La mairie de La Courneuve |
RFI : Le projet de la construction de cette mosquée date d’environ cinq ans, pourquoi avoir attendu 2017, pour déposer le permis de construire ?
Gilles Poux : Ce sont des projets qui prennent beaucoup de temps. Cela représente des investissements importants à quoi s’ajoutent souvent des velléités contradictoires. Ce fut le cas ici où les responsables de la mosquée historique, après avoir présenté un projet qui fédérait l’ensemble des communautés, comme je le souhaitais, ont fait machine arrière pour finalement se retirer car n’acceptant pas un partage des responsabilités. Cela a de fait allongé le processus, car il a fallu que la Fédération des musulmans de La Courneuve reprenne un architecte et reconstruise un nouveau projet.
La mosquée est financée exclusivement par les dons de la communauté musulmane, soit près de 4 000 familles, d’où proviennent-ils ?
Ils en sont au début du financement. C’est seulement avec le permis de construire que cela démarrera vraiment. Au total, c’est un projet où la ville apporte le terrain via un bail emphytéotique et où les fidèles devront dégager les 5 millions nécessaires à la construction via les dons mais aussi avec l’appel d’entreprises ou de familles particulièrement aisées.
Quelle autorité avez-vous en tant que maire au regard de ce lieu de culte ?
Aucune. Il y a en France une loi - la laïcité - qui garantit la liberté de culte et qui sépare le pouvoir politique de la religion, et c’est tant mieux. Après, il appartient au gestionnaire d’un lieu de culte de respecter la loi. Enfin, je dirais que naturellement, comme je me suis beaucoup engagé pour soutenir la réalisation de ce projet, je travaille en bonne intelligence avec les responsables et l’ensemble de la communauté afin que cette mosquée soit un lieu apaisé, ouvert et tolérant.
Quelques repères
- La mosquée sera construite sur un terrain cédé par la municipalité, sous bail emphytéotique, un bail immobilier de très longue durée : 99 ans.
- Le permis de construire de la mosquée a été officiellement déposé en mairie le 16 janvier 2017. Le dossier est au stade de l’instruction, en attente des avis des services extérieurs. A l'heure actuelle, la préfecture travaille sur les questions de conformité comme l'aération ou la sécurité incendie.
Par RFI