Pour que l'émergence comorienne soit une réalité
Tel qu’il est défini, un pays émergent, appelé aussi économie émergente ou marché émergent est un « … pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais qui connait une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques et sociales converge vers ceux des pays développés avec une ouverture économique au reste du monde, des transformations structurelles et institutionnelles de grande ampleur et un fort potentiel de croissance… » (Wikipédia).
Azali à la fête de la musique 2017©CHEHA |
A ces débuts, ce concept est utilisé pour désigner les « marchés boursiers » en forte expansion dans les pays du Tiers Monde dès les années 80. Aujourd’hui, ce concept est beaucoup plus associé à la possibilité pour les pays du Sud d’amorcer un décollage économique, social et politique.
Dans une rubrique intitulée «actualités et analyses économiques » et publiée sur le «portail des études économiques » de BNP PARIBAS, on trouve une longue liste de pays (Brésil, Inde, Chine, Argentine, Colombie, Tunisie, Ghana, Sénégal…) que nous pouvons qualifier des pays émergents.
Aux Comores, le président de la République Azali Assoumani, vient de lancer un défi légitime de faire des Comores « un pays émergent » d’ici treize ans.
Pour qu’un tel objectif soit atteignable, il convient d’établir certains préalables :
Pour qu’un tel objectif soit atteignable, il convient d’établir certains préalables :
- - à l’exemple de la liste des pays cités ci-dessus, quel est le modèle de développement que nous voulons ?
- - combien de temps certains pays « comparables » aux Comores (Maurice, Seychelles, Dominique, Maldives…) ont mis pour atteindre un niveau dit « d’émergence » ?
- - quels sont les facteurs endogènes et exogènes positifs pour l’émergence comorienne et quels sont les facteurs devant être éliminés ou améliorés pour ne pas rester des freins à notre émergence?
- - à l’image des pays d’Asie du sud, appelés dragons, tigres, bébés tigres…, ne faut-il pas nous dire que le développement peut être « contagieux » ? Car ces pays ont bénéficié d’une dynamique régionale pour émerger.
Dès lors, il est objectif de donner une définition propre à l’émergence des Comores. Autrement dit, il faut prendre en compte la réalité du pays pour élaborer un modèle de développement approprié. Ainsi, peut-on parler d’une émergence comorienne et pas uniquement d’émergence ?
Il serait prétentieux pour nous de vouloir proposer des solutions à un problème qui exige une expérience, une volonté et une légitimité politiques que nous n’avons pas. Mais conscient que la réflexion intellectuelle peut souvent être une piste pour trouver des solutions à des besoins concrets, nous nous hasardons ici à décliner quelques pistes.
- 1) L’émergence comorienne demande la création d’outils de mesures et de paramètres d’analyse. Exemple, à partir de combien d’emplois créés et dans combien de temps ? Quel pourcentage de progression du niveau de vie ou de la qualité de la santé, de l’éducation… ?
- 2) Elle nécessite la définition d’échelle ou niveaux de progression. Seront nous un pays émergent à partir de quel niveau de cette échelle ?
- 3) Elle suppose un choix ou une priorisation des secteurs et des domaines d’activité. L’ampleur du sous-développement comorien empêchera une progression ou un développement linéaire de tous les secteurs d’activité. Donc, il est fondamental d’opérer un choix de secteurs à développer et que ce soit d’abord les secteurs qui répondent aux besoins élémentaires de la population ;
- 4) La précision, la clarification et la limitation des objectifs à atteindre constitueront des repères faciles pour tout Comorien et contribueront à renforcer la crédibilité de ce projet honorable.
Comme on le dit en communication, « trop de pub tue la pub ». En lisant sur les réseaux sociaux et en écoutant plusieurs déclarations, on a l’impression que « l’émergence » est devenue la formule magique ou l’ingrédient à mettre à toutes les sauces. Un usage immodéré de ce terme risque de vider le concept de son sens et de le détourner des objectifs que les Comores se seront fixées. N’oublions pas un projet qui a eu une adhésion internationale et des moyens colossaux (la santé pour tous en l’an 2000), mais qui pour beaucoup est vécu comme un échec.
Enfin, la réussite des Comores n’est pas qu’une affaire du pouvoir, elle est un impératif commun. A moins qu’aux Comores chacun garde ses bonnes idées jusqu’au jour où il arrive au pouvoir et, dans ce cas, nous resterons les champions de l’éternel recommencement.
CHANFI MOHAMED