L’irrésistible séduction de Mnamadi (partie 7) La phobie des mouches. Le seigneur de la ruse passe des temps pénibles. Malgré qu...
L’irrésistible séduction de Mnamadi (partie 7)
La phobie des mouches.
Le seigneur de la ruse passe des temps pénibles. Malgré qu'il ait pu satisfaire son ultime besoin, s’assoir sur le trône pour montrer qu’il est plus grand que son petit écrêtement, il multiplie ses manipulations pour forcer le respect, voire l’admiration. Il passe son temps à organiser des orgies pour le plaisir d’entendre dire qu’il est grand, qu’il est beau et qu’il est rusé.
Nul ne résiste à son ascension céleste, dans sa petite tête bien pleine de ruses. Ses courtisans lui vouent admiration et magnanimité mais, cela n’assouvit pas sa soif de grandeur, sa seule ambition légitime. Il veut que toute la communauté reconnaisse qu’il est le plus grand tout en taisant son exigüité, qu’il est le plus courageux tout en démentant sa félonie, qu’il est le plus généreux tout en déniant son narcissisme, qu’il est le plus humble tout en dédaignant son orgueil immaculé.
Tout est fait pour lui faire plaisir. On prétend qu’il veut faire étinceler la communauté et il le dit en toute fierté. On lui fait dire qu’il est le dieu de la lumière et il en fait une religion. On dit de lui qu’il est le plus brillant tribun de la planète et il en fait une gloire. On lui fait croire qu'il est le plus brave des commandants et il en fait une terreur.
Pour montrer qu'il n’a peur de rien ni de personne, Mnamadi envoie ses cohortes déloger les piétons par des expéditions punitives, museler les crieurs par des expropriations vexantes et vider les greniers par des abus impudents.
Quand on lui demande de faire jaillir la lumière comme il s’estime plus que capable, il fait un feu de paille et demande à la communauté de danser jusqu'à l’aube pour contempler le soleil levant et voir, ainsi, la lumière. Au cours de la cérémonie, il a exigé un moment de silence pour informer la communauté d’une chose très importante. On lui improvise une petite tribune sur laquelle il écarte ses petits bras et intime la communauté à l’applaudir. Aussitôt fait, Mnamadi entonne de sa voix rocailleuse :
- Je vous ai donné la lumière et pour me récompenser débarrassez moi donc de ma phobie la plus agressive, les mouches. Elles me suivent de partout. À ma table, elles envahissent mes aliments gastronomiques. À la mosquée, elles m’empêchent de lire mes prières. À mon bureau, elles polluent ma chaise. Sur la route, elles me sifflent dans les oreilles comme si j’étais une ordure. Je n’en peux plus.
Maintenant, si vous ne faites rien pour me débarrasser de ces vilaines mouches aux faces-boucs qui me viennent de loin par un sale complot, j’en fais, dorénavant, mon seul projet qui vaille.
Ses courtisans l’applaudissent pour le ventre mais Karikondo lui donne la réplique.
- Honorable Mnamadi, ne cherche pas loin car les mouches ne s’intéressent qu’à nettoyer le malpropre. Pour arriver jusqu'à toi, c’est parce qu’elles se détachent des ordures que tu as fait cumuler, des cadavres que tu n’as pas fait enterrer, des bas que tu n’as pas fait déblayer et des déjections que tu ne cesses de faire éjecter par l’ivresse du pouvoir usurpé. Tant que tu colportes la fétidité de ces panachages, les mouches te chasseront jusqu'à ce que tu plonges dans le lac du repenti.
La communauté crie de tout cœur :
Yemfa Mnamadi tsiyariwuwa
Hariwuwa sontsi bo nanyawe.