Si les projecteurs sont davantage braqués sur les grands pays comme les États-Unis et la Chine présents à la COP21, des dizaines de petits É...
Si les projecteurs sont davantage braqués sur les grands pays comme les États-Unis et la Chine présents à la COP21, des dizaines de petits États participent aussi à la conférence. Comment, à l'instar des Comores, parviennent-ils à se faire entendre ?
Les Comores ont connu leur heure de gloire médiatique à la COP21 lorsque leur président, Ikililou Dhoinine, est apparu sur une photo qui devait immortaliser la poignée de main entre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 1er décembre.
“C’est pourtant un non-événement, notre dirigeant n’a pas cherché à s’immiscer sur la photo”, assure Ismaël Bachirou, directeur de l’environnement pour le gouvernement comorien, interrogé par France24. L’idée qu’Ikililou Dhoinine ait pu volontairement gâcher une poignée de main historique pour se faire voir irrite ce vétéran des négociations climatiques, qui a déjà participé à six COP.
Règle 1 : avoir l'esprit de groupe
Petit archipel dans l’océan Indien, les Comores ne pèsent pas autant médiatiquement lors de la conférence climatique que les États-Unis, la Russie, la Chine ou la France. Mais ce n’est pas pour autant qu’Ismaël Bachirou et la trentaine d’autres membres de sa délégation ne savent pas défendre les intérêts climatiques de leur pays, en demandant par exemple l’augmentation des financements pour l’adaptation aux conséquences des changements climatiques et l’indemnisation, par les pays riches, des "victimes climatiques".
“Un pays comme le nôtre, pour se faire entendre, doit passer par les groupes”, assure Ismael Bachirou à France24. Ce n’est pas un hasard si sa délégation compte 30 membres, alors que des pays plus importants sur l’échiquier diplomatique comme l’Indonésie ou la Chine sont représentés par une vingtaine de personnes au maximum. Il faut être nombreux pour participer aux groupes des pays africains, des pays les moins avancées, des pays arabes, du G77 et aussi des petites îles,comme les Comores l'ont décidé. Avant même le début de la COP21 à Paris, ces groupes se sont mis d’accord sur un programme commun de mesures à défendre lors de la conférence du climat afin de présenter un front uni.
Se démultiplier pour mieux peser pourrait être le mot d'ordre des délégations des "petits" pays. Ismaël Bachirou assure que dans les réunions du groupe des pays africains, il n’y a pas deux poids deux mesures comme cela peut sembler être le cas sur la grande scène des négociations de "haut niveau". "Tout doit être adopté à l’unanimité, donc une proposition d’un pays comme l’Afrique du Sud n’a pas davantage de chance qu'une autre d’être portée ensuite par le représentant de notre groupe", explique-t-il.
Règle 2 : Avoir un bon rapporteur
Ces travaux ne sont qu’une petite pièce du puzzle des négociations. Le représentant désigné d'un groupe se rend ensuite aux réunions des rapporteurs qui sont le nerf de la guerre diplomatique. “Alors que les sessions officielles de négociations durent environ trois heures et que nos réunions de groupe pendant la COP durent une heure, les rapporteurs peuvent parfois débattre jusqu’à six heures et ça peut devenir chaud”, raconte le représentant comorien. Pas facile de trouver un langage commun entre les représentants de l'Europe, des États-Unis et du groupe des pays les moins avancés sur des sujets comme la justice climatique ou la part des fonds alloués pour la baisse des émissions et ceux qui serviront à l’adaptation des populations.
Règle 3 : tout est dans les détails
Assister à toutes les réunions et négocier d’arrache-pied, est-ce suffisant ? En six ans de COP, Ismaël Bachirou a appris que lors de ces conférences, le diable qui joue en faveur des grands pays se cache parfois dans les détails. Un exemple ? "Il y a quelques années, les billets de retour pour les délégations étaient émis à une date fixe, un peu avant la fin officielle de la COP et, souvent, il n’y avait pas d’accord global lorsque nous devions partir. Seuls les pays les plus riches pouvaient se permettre de payer pour décaler le retour de toute leur délégation et c’était donc eux qui avaient le dernier mot", se souvient-il. L’un des combats des petits pays - et ils l’ont gagné - a été d’obtenir des billets de retour à des dates flexibles.
Cet habitué reconnaît que la conférence parisienne sort de l’ordinaire des COP. Qu'ils soient délégué d’un grand ou d’un petit État, tous “ressentent une sacrée pression pour trouver un accord”, estime le représentant comorien. Pour les négociateurs, la formule “la COP de la dernière chance” n’est pas juste une manière de parler. C’est pourquoi il tend à relativiser le coup de sang de Laurent Fabius, le président de la COP21, qui s’est plaint des lenteurs des négociations. Ismaël Bachirou juge que le ministre français des Affaires étrangères n’a pas tort, mais explique ces lenteurs par le fait que "tous les négociateurs savent l’importance de cette COP21 et ne veulent pas se précipiter”.
Texte par Sébastian SEIBT - france24
© Jacques Demarthon, AFP | Le président comorien lors de la cérémonie d'ouverture de la COP21. Texte par Sébastian SEIBT |
Les Comores ont connu leur heure de gloire médiatique à la COP21 lorsque leur président, Ikililou Dhoinine, est apparu sur une photo qui devait immortaliser la poignée de main entre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 1er décembre.
“C’est pourtant un non-événement, notre dirigeant n’a pas cherché à s’immiscer sur la photo”, assure Ismaël Bachirou, directeur de l’environnement pour le gouvernement comorien, interrogé par France24. L’idée qu’Ikililou Dhoinine ait pu volontairement gâcher une poignée de main historique pour se faire voir irrite ce vétéran des négociations climatiques, qui a déjà participé à six COP.
Règle 1 : avoir l'esprit de groupe
Petit archipel dans l’océan Indien, les Comores ne pèsent pas autant médiatiquement lors de la conférence climatique que les États-Unis, la Russie, la Chine ou la France. Mais ce n’est pas pour autant qu’Ismaël Bachirou et la trentaine d’autres membres de sa délégation ne savent pas défendre les intérêts climatiques de leur pays, en demandant par exemple l’augmentation des financements pour l’adaptation aux conséquences des changements climatiques et l’indemnisation, par les pays riches, des "victimes climatiques".
“Un pays comme le nôtre, pour se faire entendre, doit passer par les groupes”, assure Ismael Bachirou à France24. Ce n’est pas un hasard si sa délégation compte 30 membres, alors que des pays plus importants sur l’échiquier diplomatique comme l’Indonésie ou la Chine sont représentés par une vingtaine de personnes au maximum. Il faut être nombreux pour participer aux groupes des pays africains, des pays les moins avancées, des pays arabes, du G77 et aussi des petites îles,comme les Comores l'ont décidé. Avant même le début de la COP21 à Paris, ces groupes se sont mis d’accord sur un programme commun de mesures à défendre lors de la conférence du climat afin de présenter un front uni.
Se démultiplier pour mieux peser pourrait être le mot d'ordre des délégations des "petits" pays. Ismaël Bachirou assure que dans les réunions du groupe des pays africains, il n’y a pas deux poids deux mesures comme cela peut sembler être le cas sur la grande scène des négociations de "haut niveau". "Tout doit être adopté à l’unanimité, donc une proposition d’un pays comme l’Afrique du Sud n’a pas davantage de chance qu'une autre d’être portée ensuite par le représentant de notre groupe", explique-t-il.
Règle 2 : Avoir un bon rapporteur
Ces travaux ne sont qu’une petite pièce du puzzle des négociations. Le représentant désigné d'un groupe se rend ensuite aux réunions des rapporteurs qui sont le nerf de la guerre diplomatique. “Alors que les sessions officielles de négociations durent environ trois heures et que nos réunions de groupe pendant la COP durent une heure, les rapporteurs peuvent parfois débattre jusqu’à six heures et ça peut devenir chaud”, raconte le représentant comorien. Pas facile de trouver un langage commun entre les représentants de l'Europe, des États-Unis et du groupe des pays les moins avancés sur des sujets comme la justice climatique ou la part des fonds alloués pour la baisse des émissions et ceux qui serviront à l’adaptation des populations.
Règle 3 : tout est dans les détails
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Assister à toutes les réunions et négocier d’arrache-pied, est-ce suffisant ? En six ans de COP, Ismaël Bachirou a appris que lors de ces conférences, le diable qui joue en faveur des grands pays se cache parfois dans les détails. Un exemple ? "Il y a quelques années, les billets de retour pour les délégations étaient émis à une date fixe, un peu avant la fin officielle de la COP et, souvent, il n’y avait pas d’accord global lorsque nous devions partir. Seuls les pays les plus riches pouvaient se permettre de payer pour décaler le retour de toute leur délégation et c’était donc eux qui avaient le dernier mot", se souvient-il. L’un des combats des petits pays - et ils l’ont gagné - a été d’obtenir des billets de retour à des dates flexibles.
Cet habitué reconnaît que la conférence parisienne sort de l’ordinaire des COP. Qu'ils soient délégué d’un grand ou d’un petit État, tous “ressentent une sacrée pression pour trouver un accord”, estime le représentant comorien. Pour les négociateurs, la formule “la COP de la dernière chance” n’est pas juste une manière de parler. C’est pourquoi il tend à relativiser le coup de sang de Laurent Fabius, le président de la COP21, qui s’est plaint des lenteurs des négociations. Ismaël Bachirou juge que le ministre français des Affaires étrangères n’a pas tort, mais explique ces lenteurs par le fait que "tous les négociateurs savent l’importance de cette COP21 et ne veulent pas se précipiter”.