L'« ancien Professeur d'Université » se lance dans un discours charlatanesque. Ceux qui l'ont vu ces derniers temps disent...
L'«ancien Professeur d'Université» se lance dans un discours charlatanesque.
Ceux qui l'ont vu ces derniers temps disent qu'il est un homme abattu. Il a même du mal à respirer. Depuis la nomination, en 2013, de Youssouf Boina à la fonction de Délégué ministériel chargé de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat auprès du Vice-président Mohamed Ali Soilihi (normalement, ça devait être auprès du Vice-président Nourdine Bourhane), le Député Djaé Ahamada Chanfi vit très mal. Il sent que sa carrière politique est en train de lui échapper. Il y a de quoi. Youssouf Boina, descendant de la Famille royale du Oichili, juriste réputé et expérimenté, baron de Koimbani-Oichili, la circonscription électorale de Djaé Ahamada Chanfi, est candidat à la députation. Point n'est besoin d'être spécialiste d'alchimie électorale du Oichili pour comprendre que la candidature de Youssouf Boina signe l'arrêt de mort des ambitions de Djaé Ahamada Chanfi. C'est pour cela que ce dernier n'a pas cessé de «draguer» le Vice-président Mamadou – pas plus tard que ce lundi 24 février 2014 – pour lui demander de traiter le «cas Youssouf Boina» pour que ça ne soit pas lui qui en subisse les dommages collatéraux.
En réalité, la «drague» a commencé avant même la nomination de Youssouf Boina, et dès que les premières rumeurs sur sa désignation ont fusé. Notre homme a tout fait pour que celle-ci ne se réalise pas. Mais, le Vice-président Mohamed Ali Soilihi, qui n'a pas oublié qu'il est un politicien, veut placer ses billes un peu partout, et il ne serait pas fâché d'avoir un baron dans le Oichili. En période électorale, ça compte. Les comptes d'apothicaire du Député Djaé, Ahamada Chanfi sont alors embrouillés surtout qu'il a perdu le soutien de son ancien mentor, Mohamed Daoud dit «Kiki», en se ralliant à un Mouigni Baraka qui ne peut le faire élire Gouverneur de la Grande-Comore au cas où il aurait la fantaisie de se porter candidat à la présidence de la République en 2016. Que doit faire alors le Député Djaé Ahamada Chanfi? On n'est pas un homme d'un grand talent sans trouver une solution à tout problème. Et c'est ainsi que le Géo Trouvetout de la scène politique comorienne a trouvé la solution, consistant dans l'exégèse des bruits de couloirs politiques et des textes juridiques alambiqués, dans un pays où aucun texte juridique n'est rédigé de manière lisible. Tout est flou dans nos textes.
En matière d'exégèse, on est frappé par l'article de La Gazette des Comores intitulé «Djaé Ahamada Chanfi tacle les leaders qui réclament un référendum». On est vraiment frappé par cet article qui décerne à l'homme de Koimbani-Oichili le titre d'«ancien Professeur d'Université». Ah bon? Moi qui ai connu l'homme en Région parisienne en 2005-2006, j'avais la faiblesse de croire qu'il était Professeur de Lycées et Collèges, et je suis vraiment enchanté de le découvrir Professeur d'Université, ce matin. Belle promotion, qui signifie un Doctorat à la clé, car pour enseigner à l'Université, il faut être Docteur. Comme Djaé Ahamada Chanfi a décidé de faire de l'exégèse, il se met au service du Prince, défendant bec et ongles la nouvelle lubie du Président de la République sur le prolongement du mandat des Députés. Très «belle démonstration juridique»! Il faudra se lever à l'aube pour comprendre la raison pour laquelle le Député Djaé Ahamada Chanfi s'emploie à qualifier de «sage» une décision du chef de l'État qui, manifestement, baigne dans l'inconstitutionnalité intégrale.
Avec une grandeur âme inégalable et inégalée, le Député Djaé Ahamada Chanfi manifeste son étonnement face à la «mauvaise foi» des autres, de tous les autres qui ne pensent pas comme lui: «Mes collègues qui réclament un référendum étions ensemble en cette période pour prolonger d'une année le mandat du chef de l'État. Comment veulent-ils aujourd'hui qu'on se réunisse pour réduire d'une année?». C'est à Djaé Ahamada Chanfi de répondre à la question car les Comoriens sont fatigués par toutes ces manipulations de la durée des mandats électoraux. Chaque année électorale est systématiquement une année d'empoignades sur des futilités relatives à la réduction ou au prolongement des mandats. Chaque année électorale! Les Comoriens n'ont pas oublié les tripatouillages constitutionnels indignes d'Ahmed Sambi.
Fait unique dans les annales constitutionnelles et politiques mondiales, un élu est menacé au cas où il ferait le choix qui ne serait pas celui du Prince. Sur la question, la menace du Député Djaé Ahamada Chanfi est très précise, quand on invoque la possibilité pour les Conseillers de la Grande-Comore de boycotter la honte qu'est la réunion de ce mardi 25 février 2014: «Il n'est pas de leur intérêt d'agir ainsi. L'appel du chef de l'État est solennel, et je suis confiant qu'ils suivront la voie de la raison». Le Député Djaé Ahamada Chanfi aurait été plus conséquent avec lui-même s'il était plus précis sur ce qui risquerait d'arriver aux Conseillers en cas de boycott. Il leur arriverait quoi? Qu'il nous le dise clairement.
L'«ancien Professeur d'Université» transformé en exégète des textes juridiques fait très fort quand il interprète l'arrêt de la Cour constitutionnelle reconnaissant la fin du mandat des Députés en 2014. Là aussi, on est frappé de saisissement quand on apprend que le grand homme soutient que la décision de la Cour constitutionnelle est «juste mais confuse». D'où vient la «confusion», quand on sait que la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt qui signale que la fin du mandat des Députés est pour avril 2014? Pourquoi faut-il chipoter sur ce qui est clair et limpide? Au cas où le Député Djaé Ahamada Chanfi, sur la trace de son ami Ikililou Dhoinine, l'aurait oublié, les décisions rendues par la Cour constitutionnelle ne sont jamais susceptibles de recours. S'il y avait un problème sur un aspect soulevé par la juridiction constitutionnelle, il aurait fallu lui demander un supplément d'informations, c'est tout. Ce qui signifie que toute démarche engagée pour ignorer la position de la Cour constitutionnelle sur un problème constitutionnel fait des Comores une «Ripoux-blique» bananière de jure. Dans la mesure où les décisions de la Cour constitutionnelle s'appliquenterga omnes, même le chef d'État est obligé de s'y soumettre. Pour notre malheur, Ikililou Dhoinine ne veut pas encore le comprendre, et dans son entourage, il n'y a personne pour le lui faire comprendre.
Il va sans dire que l'argumentation développée par le Député Djaé Ahamada Chanfi ne tient pas la route. Mais, en période d'incertitudes électorales, il faut plaire. Il faut se signaler à l'attention du Président de la République. C'est ce qu'essaie de faire le Député Djaé Ahamada Chanfi, mais il n'est pas certain que cette servilité obséquieuse conduisant à l'«anthologie de la servilité» (Pierre Péan) sauvera sa réélection. Le Député qui s'est imposé par un caractère explosif est dans une posture que le politologue marocain Mohamed Tozy qualifie de «crainte révérencieuse (haïba), qui constitue le fondement du pouvoir» et «une servilité fonctionnelle» (Mohamed Tozy: Monarchie et Islam politique au Maroc, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, Paris, 1999, pp. 43 et 44). En d'autres termes, ce sont ceux qui sont censés défendre et assurer le primat de la Loi qui le détruisent pour assouvir des appétits de pouvoir à l'utilité douteuse et discutable. Si les choses continuent sur cette lancée, il faudra que les Comoriens fassent, fissa, une délégation de notables pour aller demander à Youssouf Boina d'abandonner ses ambitions de Député pour ne pas mettre à mal un frère, qui a besoin de finir son mandat dans le calme sans avoir à réclamer des prolongations, sachant qu'en cas d'élection l'opposant à Youssouf Boina, il risque d'y avoir du sang politique sur les murs.
Après tout, le Député Djaé Ahamada Chanfi pourrait se prévaloir de son bilan pour se faire réélire. Mais, là, deux jeunes cadres du Oichili, l'un d'Itsinkoudi, l'autre de Koimbani, consultés séparément sont unanimes, et le jugement du Koimbanien est encore plus tranchant: «Djaé Ahamada Chanfi a de la tchatche. Il parle beaucoup. Il a beaucoup fait pour lui-même et rien pour la communauté nationale. Au cas où il serait tenté de m'accuser de mauvaise foi, je souhaiterais juste qu'il me cite une seule initiative à son actif. Ce n'est pas parce qu'on est grande gueule qu'on est forcément un bon dirigeant et qu'on pourra se faire réélire alors que le pays regorge de vrais talents. Il a fait son temps, n'a rien réalisé et doit avoir la décence de céder la place. Nous ne lui laisserons aucune chance pour nous enfumer de nouveau».
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 25 février 2014.