Le sacrifice d’un grain de sable appelé Abou Achirafi Ali Bacar. La nouvelle est tombée samedi 19 octobre 2013 comme un couperet: Abou A...
Le sacrifice d’un grain de sable appelé Abou Achirafi Ali Bacar.
La nouvelle est tombée samedi 19 octobre 2013 comme un couperet: Abou Achirafi Ali Bacar, Directeur général de la Sûreté nationale, est sous les verrous, après avoir été entendu par le juge de 11 à 17 heures. Pourquoi a-t-il donc fallu conduire en prison le très flamboyant et fort controversé Commissaire de Police fétiche d’Ahmed Sambi et Ikililou Dhoinine? À en croire les premiers éléments de l’enquête, l’inégalable Directeur de la Sûreté aurait organisé son propre réseau de vente de passeports comoriens à des étrangers, à côté de celui développé par Ahmed Sambi et Ikililou Dhoinine pour assouvir leurs lubies dépensières et fantasmes de parvenus et arrivistes ne connaissant pas une ligne de Droit international privé et des règles internationalement reconnues d’attribution de la nationalité et des passeports d’un État.
Il est étonnant de constater qu’une
nouvelle de cette importance est traitée à la rubrique des faits divers,
alors qu’il s’agit d’un immense trafic sur ce que les Comores ont de
plus sacré après le Coran: la citoyenneté du pays, ravalée au simple
rang d’activité «économique» et devenue «citoyenneté économique»,
une notion de sinistre réputation républicaine qui n’est inscrite dans
aucun Code de la nationalité dans le monde et dans aucun document de
Droit international privé, mais promue par Ahmed Sambi et bénie par
Ikililou Dhoinine, et qui a détruit le peu qui restait de la
respectabilité internationale et de l’honneur des Comores.
Cette affaire de passeports est
prise trop à la légère, alors qu’il s’agit d’une grave affaire d’État,
une grave affaire qui concerne un État devenu trafiquant. D’ailleurs, il
n’y a guère de différence entre un État qui trafique ses passeports et
un cartel de trafic de drogue. Et, aux Comores, on parle du trafic des
passeports comme s’il s’agissait de l’exportation des mangues
comoriennes vers les pays du Moyen-Orient. À ce jour, il est une
question que les autorités comoriennes évitent: pourquoi a-t-il fallu
que les Comores se livrent à un trafic que même les narco-États évitent?
Pourquoi n’y a-t-il personne dans l’entourage d’Ikililou Dhoinine pour
dire au chef de l’État que le passeport est tellement sacré qu’il est
interdit de l’envoyer par une voie autre qu’officielle, même par
courrier rapide (DHL, Chronopost, etc.)? Une chose est certaine: si, au
lieu d’un charlatan qui lui sert de Conseiller juridique, le Président
des Comores avait dans son Cabinet un groupe de vrais juristes, les
Comores n’auraient vendu, dans la honte et dans le discrédit, aucun seul
passeport.
On nous dit crânement que chaque
passeport comorien vendu coûte 25.000 euros, soit 12,5 millions de
francs comoriens, les économies de plusieurs années pour un Comorien de
condition socioéconomique moyenne. On nous dit aussi que l’argent généré
par ce trafic sert à payer les salaires des fonctionnaires comoriens.
Or, les statistiques que personne ne veut voir permettent de constater
que si les autorités comoriennes faisaient un effort pour sécuriser le
système financier du dédouanement des conteneurs à Moroni et Mutsamudu,
l’État comorien engrangerait, bon an mal an, 95 milliards de francs
comoriens, un chiffre trois fois supérieur à celui du budget de l’État
comorien. Pourquoi ne pas sécuriser alors le système financier de la
Douane des Comores?
Nos confrères du Blog RIDJA signalent deux informations qui plongent les Comoriens dans l’horreur absolue: «Un diplomate comorien en Arabie saoudite est impliqué dans ce dossier sensible, c’est l’entreprise BELGE SEMLEX de M. ALBERT KAZAKIWAN, conseiller spécial du président Ikililou Dhoinine dans les pays du Golfe, qui aurait dénoncé le réseau parallèle». C’est horrible. Mais, il y a plus horrible encore, toujours selon le Blog RIDJA: «À
en croire les premiers résultats d’investigations sur le trafic et le
bradage des passeports, les réseaux n’ont pas été démantelés. Bien au
contraire, le circuit demeure intact d’autant plus qu’il est entretenu
par des ramifications à plusieurs niveaux». En apprenant de telles horreurs, on a presque envie de plaindre Abou Achirafi Ali Bacar: «Le pauvre!».
Que les Comoriens se regardent
dans le blanc des yeux et se disent que tout ceci arrive parce que ce
sont deux Présidents comoriens, Ahmed Sambi et Ikililou Dhoinine, qui
ont fait en sorte que le passeport comorien soit devenu l’objet d’un
vulgaire trafic international ayant fait de ce passeport l’objet de
toutes les suspicions. Dominique Sakombi Inongo, ministre de la
Communication de Mobutu Sese Seko, explique, dans «Mobutu, Roi du Zaïre»,
un documentaire horrifiant, que quand son chef demandait une somme
d’argent donnée au Gouverneur de la Banque du Zaïre via l’un de ses
collaborateurs, tous les fonctionnaires entrant dans la chaîne de la
demande se faisaient un «pourcentage», et celle-ci se trouvait
multipliée par chaque intermédiaire. Dans le cas des Comores, Abou
Achirafi Ali Bacar voit trafiquer ses chefs, hier Ahmed Sambi,
aujourd’hui Ikililou Dhoinine, et il se dit qu’il peut les imiter. Il «gratte» et se fait des «pourcentages».
Si ses chefs n’avaient pas mis en place ce trafic mafieux, il n’aurait
pas été un trafiquant de ce niveau. Il n’est qu’un rouage, un grain de
sable, dans ce vaste trafic honteux. Et le blog du RIDJA nous effraie en
nous apprenant que l’arrestation de l’indélicat et très nocif Directeur
de la Sûreté nationale ne change rien à l’affaire: «Le circuit demeure intact d’autant plus qu’il est entretenu par des ramifications à plusieurs niveaux».
Abou Achirafi Ali Bacar a eu un
comportement horrible et sinistre, est une autorité qui n’a jamais fait
l’unanimité, mais son arrestation est une cuillère d’eau de plus ou de
moins dans les eaux de l’océan Indien, au large de Mboi-Madji à Mohéli.
Si les autorités comoriennes veulent donner la preuve de leur sérieux,
il ne leur suffit pas d’arrêter des individus et de laisser vivre un
trafic abject, mais d’arrêter le trafic lui-même. C’est le trafic qu’il
faut arrêter. Il n’y va pas seulement de l’honorabilité internationale
des Comores, mais aussi de la sécurité juridique et de l’honneur des
Comoriens qui n’ont que le passeport comorien et qui risquent
de se faire maltraiter à l’étranger, puisque ce passeport, symbole de
leur fierté nationale, est devenu un sujet d’opprobre et de honte, du
fait des trafics éhontés dont il est l’objet.
Malheureusement, on assiste au
spectacle affligeant d’autorités comoriennes parlant sur les médias de
l’argent des passeports trafiqués sans aucune gêne. C’est un scandale
qui ne les émeut pas. Or, un scandale est un scandale, et un État n’a
pas vocation à se livrer à des trafics. Sous la présidence de Ronald W.
Reagan (1981-1989) et William «Bill» J. Clinton (1993-2001), la terminologie politique états-unienne s’enrichit d’une expression assassine: «Rogue States», «États voyous». En 1994, Anthony Lake, alors conseiller à la sécurité nationale de William «Bill» J. Clinton, définissait les «États voyous» comme étant «ceux qui manifestent une incapacité chronique à traiter avec le monde extérieur».
Or, en s’entêtant à se livrer à un trafic international de passeports,
les Comores mettent en danger le monde extérieur, car ces passeports
sont vendus notamment à des trafiquants de drogue et à des terroristes.
Et, le terrorisme et le trafic de drogue sont parmi les plus graves
dangers menaçant le monde actuel.
Il est sain et salutaire de
mettre hors d’état de nuire les trafiquants. Mais, qu’en est-il de leurs
diaboliques commanditaires, ces individus qui ont mis en place ce
hideux trafic? En matière de trafic de passeports, personne ne se situe
du bon côté de la barrière. Un trafiquant est l’équivalent d’un autre
trafiquant. Arrêter Abou Achirafi Ali Bacar est une très bonne chose,
mais cela ne suffira jamais. Il faut aller au-delà.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Lundi 21 octobre 2013.