OPINION : Les partis politiques comoriens sont devenus d’immenses brasiers, et le feu couve sous leurs cendres. Par moment, ces ...
Cette
fois, les éruptions politiques ont changé de configuration parce que
les conflits ont lieu au sein des appareils de parti, où chacun veut
incarner le rôle de chef incontestable. Les leaders des partis
politiques ont plus de conflits fratricides au sein de leurs mouvements
politiques qu’entre leurs formations politiques et le pouvoir politique
en place. Ce qui fait boire du petit-lait à ce même pouvoir politique en
place.
De
fait, la guéguerre pour le leadership empêche objectivement les partis
d’opposition de se consacrer à leur rôle de contre-pouvoir et de
proposition d’une politique alternative, en tenant compte des
aspirations d’une population sevrée de porte-parole et de
porte-flambeau. Et, depuis plus de deux semaines, on assiste, médusé, à
de sanglantes querelles intestines sans précédent dans les partis
politiques comoriens, la CRC et le Parti Orange, en l’occurrence. Le
Parti Orange, en reconduisant à sa tête et par acclamation Mohamed Daoud
dit Kiki, a échappé à l’implosion, même si on peut s’interroger sur le
sort des dissidents assoiffés de pouvoir comme Mouigni Baraka.
Il y a un temps pour tout,
nous enseignent les Saintes Écritures. Aux Comores, il y a un temps
pour le pouvoir. Et comme le pouvoir n’est pas éternel, il y a un temps
pour l’opposition. Or, aujourd’hui, on se demande si l’opposition existe
encore aux Comores, dans un pays où chacun cherche à intégrer le régime
actuel pour avoir de quoi à mettre sous la dent. La politique est
devenue une simple affaire de survie. Une survie physique avant la
survie politique. Les temps sont durs.
Aujourd’hui,
le politicien comorien se caractérise avant tout par son insatiable
égoïsme et par un appétit de pouvoir illimité. On est dépité de voir que
la CRC, un parti créé par les partisans de l’ancien président Azali
Assoumani, se déchire pour des raisons de leadership, et cela non pas
pour le bien commun, mais pour l’assouvissement d’appétits personnels.
À
la CRC, parti politique chantre de pratiques népotiques, détournements
de fonds publics à une échelle industrielle, gabegie et clientélisme aux
Comores, la crise de leadership est à son comble. Une telle situation
mérite approfondissement. Azali Assoumani veut faire instaurer sa
dictature, en évinçant le secrétaire général, Houmed Msaidié, pourtant
démocratiquement élu par le congrès de son parti. À la place de Houmed
Msaïdié, il voulait installer Hamidou Karihila, qui lui obéit au doigt
et à l’œil. Comment un problème de leadership a-t-il pu conduire un
parti politique dans une situation aussi pitoyable?
Alors
qu’Azali Assoumani vient d’annoncer officieusement sa candidature à
l’élection présidentielle de 2016 et qu’il est tout à fait normal que
chaque parti politique se mette en ordre de bataille pour préparer cette
échéance, à la CRC, l’heure est plutôt aux sanglantes querelles
intestines. Tantôt c’est Houmed Msaidié – le secrétaire général
démocratiquement élu du parti – qui monte au créneau pour mettre au pas
les brebis galeuses, tantôt c’est l’ancien président putschiste Azali
Assoumani qui est accusé, à raison, de vouloir «fomenter un coup d’État» pour s’emparer du parti CRC afin d’en être le candidat naturel en 2016.
Ce
qui se passe au sein de la CRC ne regarde évidemment que ce parti. Mais
toujours est-il que, le douloureux souvenir des élections
présidentielles de 2010 est encore trop vivace dans notre mémoire
collective pour que nous fermions les yeux sur ce qui risque une fois de
plus – à l’horizon 2016 – de nous conduire vers des lendemains
incertains et tumultueux. Car que ce qui se passe maintenant n’augure
t-il pas de ce qui se passera demain? Or, nul doute – au regard de ces «temps qui tanguent»
– que l’année 2016 est appréhendée – une fois encore – par de nombreux
Comoriens et notamment par les observateurs de la situation
sociopolitique comorienne comme l’année de tous les dangers, à la fois
du fait des contorsions et zigzags des leaders des partis politiques,
spécialisés dans le double langage, et des conflits de personnes, qui
menacent d’imploser les partis.
En
effet, se demander ce qui se passe à la CRC et au Parti Orange, revient
nécessairement à se demander pourquoi Azali Assoumani et Mouigni
Baraka, respectivement ancien chef d’État et actuel gouverneur de
Ngazidja, s’acharnent t-ils à provoquer de façon aussi grossière et
irresponsables des querelles au sein de leurs partis, où ils ne sont pas
les leaders les plus en vue et les plus sympathiques. Aujourd’hui,
l’interrogation porte sur l’impact que pourraient avoir ces querelles
sur les échéances électorales de 2016, donc sur la destinée du peuple
comorien tout entier. Car la CRC, malgré tout, est le seul parti
d’opposition qui compte aux Comores, quand, encore, elle accepte de
faire un peu d’opposition à ses heures perdues, en fin de semaine.
Mais "A la guerre comme en politique, la victoire est à celui qui tient le plus longtemps." (Georges Clemenceau)
Lu sur Mouvement ORANGE
Dr Ali ABDOU MDAHOMA, Enseignant à Paris