C’est l’autre contribution de la France à la révolution : l’année du printemps arabe, les Tunisiens ont été la nationalité la plus expulsée...
C’est l’autre contribution de la France à la révolution : l’année du
printemps arabe, les Tunisiens ont été la nationalité la plus expulsée
du territoire. En 2011, 5 474 ressortissants de ce pays ont été enfermés
dans des centres de rétention administrative (CRA), soit 22,6 % des
personnes concernées (hors outre-mer), contre 9,5 % un an plus tôt,
selon le décompte des cinq associations présentes dans ces lieux de
privation de liberté qui publient ce mardi 20 novembre leur rapport
annuel (le lire dans son intégralité).
Au
total, un sur deux a été effectivement reconduit à la frontière, contre
40 % en moyenne pour les autres nationalités. Presque tous étaient des
hommes jeunes, ceux-là mêmes qui ont traversé la Méditerranée au péril
de leur vie. Venus des petites villes et villages du sud de la Tunisie,
l’immense majorité d’entre eux a profité de moindres contrôles aux
frontières maritimes et de l’esprit de liberté qui a entouré les
révoltes pour tenter le passage. Seule une poignée a quitté le pays pour
échapper à des poursuites judiciaires.
Cette année-là, beaucoup sont morts en mer. Sur 58 000 exilés arrivés en Italie, sur l’île de Lampedusa principalement, 28 000 étaient des Tunisiens, selon le recensement du HCR, les autres étant des réfugiés subsahariens partis de Libye pour fuir le conflit. Certains sont restés sur la péninsule où des permis de séjour leur ont été accordés. D’autres se sont rendus en France pour rejoindre de la famille ou des connaissances. Les moins connectés n’ont pas fait long feu. Leur présence en CRA est répertoriée dès le mois de mars, avec des pics dans le sud de la France. Comme en Italie, où certains centres ont été remplis de Tunisiens (lire notre reportage à Trapani près de Palerme), ceux-ci ont représenté 7 % des “retenus” à Nice, 56 % à Marseille et 33 % à Nîmes.
Les Tunisiens représentent de loin la nationalité la plus souvent enfermée en rétention en 2011.
Dénonçant une « politique discriminatoire », les associations,
à savoir la Cimade, France terre d’asile, Forum réfugiés, l’Assfam et
l’Ordre de Malte, regrettent que ces ressortissants aient été arrêtés en
plus grand nombre et qu’ils aient été plus fréquemment renvoyés. Elles
estiment qu’ils ont fait les frais de procédures d’éloignement « expéditives »,
à la manière du sort réservé aux Roumains (le plus souvent d’origine
rom). L’administration a ainsi eu recours a des réadmissions Schengen,
qui constituent des mesures ne bénéficiant d’aucune possibilité de
recours suspensif. Les préfectures ont en outre procédé à des retours
forcés « particulièrement rapides », la majorité des Tunisiens
ayant passé moins de cinq jours en CRA, ce qui exclut depuis la loi sur
l’immigration du 16 juin 2011 tout contrôle du juge des libertés et de
la détention (JLD).
Au-delà des Tunisiens et des Roumains, l’ensemble des étrangers a subi les conséquences de ce dispositif législatif voté lors du quinquennat précédent. Fustigeant des « situations de droits bafouées, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives et d’enfermements inutiles », les associations constatent que les étrangers ont plus souvent été expulsés hors du regard des juges judiciaires.
« La dernière loi sur l’immigration a sophistiqué un peu plus la machine à expulser, réglée pour répondre essentiellement aux objectifs de la politique du chiffre », résument-elles. En 2011, 32 912 personnes ont été éloignées de métropole, parmi lesquelles 15 840 via des retours dit volontaires, et 31 335 d’outre-mer, soit des niveaux équivalents à 2010.
Plus de 64.000 éloignements ont été réalisés en 2011 (y compris l'outre-mer et les retours dit volontaires).
Afin de ne pas en rester au bilan, ces associations, qui assurent
l’accompagnement juridique quotidien des étrangers en rétention,
rappellent l’« urgence » d’une réforme « profonde » des procédures d’expulsion. « Selon
les promesses de François Hollande et en conformité avec les
engagements européens de la France, la rétention administrative doit
devenir une exception », insistent-elles.
Les intentions de Manuel Valls en la matière restent encore floues. Le premier projet de loi qu’il vient de présenter au Sénat a pour effet de mettre en place une nouvelle mesure d’exception concernant les sans-papiers. Mais le ministre de l’intérieur a aussi indiqué, lors de son audition par les députés le 25 octobre à propos du budget des politiques d'immigration et d'asile, qu’il n’était « pas fermé » à l’idée de supprimer quelques centres de rétention. Ce qui, de fait, permettrait de dégager des économies substantielles, à un moment où les deniers publics viennent à manquer.
Selon les conventions signées précédemment, la présence des associations en CRA est supposée prendre fin au 31 décembre 2012. Mais l'appel d’offres n’ayant pas été publié, la situation actuelle devrait être reconduite au moins quelques mois.
Par Carine Fouteau
source : mediapart
Cette année-là, beaucoup sont morts en mer. Sur 58 000 exilés arrivés en Italie, sur l’île de Lampedusa principalement, 28 000 étaient des Tunisiens, selon le recensement du HCR, les autres étant des réfugiés subsahariens partis de Libye pour fuir le conflit. Certains sont restés sur la péninsule où des permis de séjour leur ont été accordés. D’autres se sont rendus en France pour rejoindre de la famille ou des connaissances. Les moins connectés n’ont pas fait long feu. Leur présence en CRA est répertoriée dès le mois de mars, avec des pics dans le sud de la France. Comme en Italie, où certains centres ont été remplis de Tunisiens (lire notre reportage à Trapani près de Palerme), ceux-ci ont représenté 7 % des “retenus” à Nice, 56 % à Marseille et 33 % à Nîmes.
Au-delà des Tunisiens et des Roumains, l’ensemble des étrangers a subi les conséquences de ce dispositif législatif voté lors du quinquennat précédent. Fustigeant des « situations de droits bafouées, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives et d’enfermements inutiles », les associations constatent que les étrangers ont plus souvent été expulsés hors du regard des juges judiciaires.
« La dernière loi sur l’immigration a sophistiqué un peu plus la machine à expulser, réglée pour répondre essentiellement aux objectifs de la politique du chiffre », résument-elles. En 2011, 32 912 personnes ont été éloignées de métropole, parmi lesquelles 15 840 via des retours dit volontaires, et 31 335 d’outre-mer, soit des niveaux équivalents à 2010.
Les intentions de Manuel Valls en la matière restent encore floues. Le premier projet de loi qu’il vient de présenter au Sénat a pour effet de mettre en place une nouvelle mesure d’exception concernant les sans-papiers. Mais le ministre de l’intérieur a aussi indiqué, lors de son audition par les députés le 25 octobre à propos du budget des politiques d'immigration et d'asile, qu’il n’était « pas fermé » à l’idée de supprimer quelques centres de rétention. Ce qui, de fait, permettrait de dégager des économies substantielles, à un moment où les deniers publics viennent à manquer.
Selon les conventions signées précédemment, la présence des associations en CRA est supposée prendre fin au 31 décembre 2012. Mais l'appel d’offres n’ayant pas été publié, la situation actuelle devrait être reconduite au moins quelques mois.
Par Carine Fouteau
source : mediapart
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