locaux de l'association d'insertion Tama à Cavani. Les « A Mayotte, l’éducation nationale a oublié les parents ! ». Alors ...
locaux de l'association d'insertion Tama à Cavani. |
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« A Mayotte, l’éducation nationale a oublié les parents ! ». Alors que lors de ses portes ouvertes vendredi dernier, l’association Tama proposait des recherches de pistes pour accompagner les parents dans l’éducation de leurs enfants, cette interpellation ne manquait pas d’arguments… Caché sous le mot « parentalité », l’exercice quotidien de la fonction de parent n’est facile nulle part. A Mayotte, se rajoute le conflit entre tradition et modernité, qui est sans commune mesure avec le décalage entre parents et enfants en métropole.
« Les adolescents mahorais jonglent entre ce que dit le professeur wasungu, les parents et le fundi. Il n’y a par exemple aucune éducation sur la sexualité à la maison. Or, le jeune est partagé entre son désir de faire plaisir aux parents qui rêvent d’un mariage traditionnel, et le côté tabou du sexe dont personne ne parle. Si l’information sur la sexualité est indispensable à l’école, il faudrait la prodiguer également aux parents pour éviter ce décalage » déclarait Sophie Badina qui ½uvre tous les jours en PMI (Protection Maternelle Infantile) à Chirongui, Kani-Kéli ou Bouéni, et qui « par manque de suivi des cas » donne son numéro de téléphone personnel aux jeunes filles qui doivent faire ou qui ont subi une interruption volontaire de grossesse.
« Les parents mahorais ne sont pas démissionnaires » pour Nafissata Mouhoudoir, DJSCS (Direction de la Jeunesse, des sports et de la Cohésion sociale, ex partie de la DASS), « dans la crise qu’ils traversent ils ont simplement besoin qu’on leur redonne des repères ». Car le bouleversement est énorme : « il n’y a pas si longtemps, la scolarité n’existait pas pour les filles. Les conflits étaient gérés par une juridiction de droit local, avec des tribunaux de cadis qui donnaient leur verdict dans les affaires familiales : lorsque des parents n’arrivaient pas à gronder un enfant, ils le remettaient au foundi coranique qui pouvait l’enchaîner pendant 48h pour le punir. Ce n’était pas considéré comme de la maltraitance, tout comme le mariage arrangé d’enfants de 11 ou 12 ans, ou les arrangements financiers entre les familles après un viol. Et d’un coup, tout cela a été médiatisé et montré du doigt. Ils n’ont pas compris ».
« Le décalage vient du professeur qui ne cherche pas à comprendre la réalité mahoraise »
S’en est suivi un revirement à 180°, avec des parents qui ont eu peur de donner une simple fessée à leurs rejetons de peur que quelqu’un porte plainte. Episode qualifié « d’enfants du juge » par les mahorais. « Les familles sont actuellement désarçonnées, il faut leur expliquer que la fessée ou la gifle ne sont pas à ranger dans de la maltraitance » » complétait Nafissata Mouhoudoir.
Nafissata Mouhoudoire présidait un débat indispensable à l'évolution de Mayotte
C’est pourquoi le REAP (Réseau d’écoute, d’Appui et d’Accompagnement des parents) a été mis en place, copiloté notamment par le Conseil général, le Vice-rectorat et la Caisse d’Allocations familiale. Des journées sur ce thème seront d’ailleurs organisées en novembre. Mais pour éviter les redites « et prendre en compte les informations et décisions qui seront sorties de cette table ronde, il faut que quelqu’un se charge de centraliser et organiser ces informations » intervenait à propos Houlam Haladi, CEFSM (Centre des Etudes et Formation Supérieur de Mayotte).
Une des interventions les plus remarquées fut celle de Said Archimed, Céméa (*) : « le décalage serait moins violent si le professeur mzungu, au lieu de réagir en disant « mais c’est dingue vos habitudes ou votre Coran ! », répondait aux traditions racontées par les élèves par « ok ! c’est comme ça que cela se passe ici, merci de m’avoir informé. Car l’éducation nationale a oublié les parents et les richesses de cette société, pour ne se préoccuper que des enfants ! ».
A cette mise en cause, le vice-rectorat représenté par Carole Girard, a indiqué s’interroger sur la manière de redonner aux parents leur place dans l’école : « nous essayons de les impliquer dans les Comités d’éducation à la Santé et la sexualité, mais ils ont souvent peur de venir, la barrière de la langue n’arrange rien », alors que le Point info-famille va expliquer aux parents ce qu’est un bulletin de notes et ce que veut dire « avoir la moyenne ».
Mais le problème des papiers empêche aussi les déplacements d’un point à l’autre : « c’est très dur de faire venir les parents lors d’une garde à vue de mineurs » faisait remarquer la vice-procureur Véronique Compan qui expliquait que « les réponses sont adaptées à la réalité locale : en métropole, lors d’un signalement d’une fillette de 12 ans enceinte, c’est le branle bas de combat. Ici, c’est plus fréquent. Nous essayons donc de la confier à une association qui la prend en charge. Nous ne tolèrerons par contre jamais qu’un enfant soit battu ou enchaîné ».
Véronique Compan: "il faut que les parents arrêtent d'avoir peur de se retrouver à Majicavo pour une correction"
Et devant le risque d’expulsion d’un parent en situation irrégulière qui se rendrait au tribunal ou au commissariat pour voir son enfant, risque minoré par le capitaine de gendarmerie Milliasson qui informait faire beaucoup de prévention en plus de la répression, l’association Solidarité Mayotte proposait qu’un papier de « non expulsion » valable pour la journée, lui soit remis. « Nous lançons également un dispositif de parrainage de 2 parents par 2 autres sur les plans de la santé ou de l’éducation ou autre ».
La nouvelle directrice de Solidarité Mayotte qui concluait sur le 1er devoir des enfants « qui est le respect des parents ».
A.L.
(*) Les Ceméa sont un mouvement de personnes engagées dans des pratiques autour des valeurs et des principes de l’Éducation nouvelle et des méthodes d’éducation active, pour transformer les milieux et les institutions par la mise en action des individus.
(Source : Malango Actualité)
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