Vaccination aux Comores : une résistance prévisible, une stratégie à revoir

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Vaccination aux Comores : une résistance prévisible, une stratégie à revoir. Ce qui distingue les Comores des autres pays, en revanche, c’est la capac

Vaccination aux Comores : une résistance prévisible, une stratégie à revoir


Vaccination aux Comores : une résistance prévisible, une stratégie à revoir

Comme à chaque campagne de vaccination lancée aux Comores, la nouvelle initiative du ministère de la Santé visant à protéger les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus se heurte à une forte résistance de la population. Méfiance, rumeurs, refus catégorique : le scénario est désormais bien connu. Pourtant, malgré la répétition des mêmes blocages, les autorités sanitaires semblent incapables de tirer les leçons des échecs précédents.

Une défiance qui dépasse les frontières comoriennes


Il serait cependant réducteur de considérer la méfiance vaccinale comme une particularité comorienne. Dans de nombreux pays, y compris les plus développés, les populations expriment des doutes face aux vaccins. En France, lors de la pandémie de COVID-19, des soignants ont préféré perdre leur emploi plutôt que de se plier à l’obligation vaccinale. Les Comoriens ne sont donc pas les seuls à refuser certains vaccins.

Ce qui distingue les Comores des autres pays, en revanche, c’est la capacité – ou l’incapacité – à s’adapter aux réactions du public. Ailleurs, la contestation pousse généralement les autorités à revoir leur stratégie, à communiquer différemment, à mobiliser des experts en comportement social ou en communication publique. Aux Comores, cette remise en question peine encore à s’imposer.

Une approche trop centralisée et déconnectée du terrain


La gestion des campagnes de vaccination reste extrêmement centralisée. Le cabinet du ministère de la Santé, accompagné de quelques cadres, supervise seul l’ensemble du processus. La communication repose souvent sur des communiqués administratifs distribués dans les écoles ou envoyés aux mairies, comme si ces documents suffisaient à rassurer une population hétérogène, informée de manière inégale et parfois influencée par les réseaux sociaux ou les discours de proximité.

Or, une campagne de vaccination n’est pas un exercice technocratique. Elle ne se limite pas à l’annonce du lancement d’une opération sanitaire. C’est un travail social complexe qui demande une compréhension fine du terrain : les réalités d’un quartier de Moroni ne sont pas celles d’un village de Mohéli, et les mentalités d’Anjouan ne sont pas identiques à celles de Ngazidja. Ignorer cette diversité revient à fragiliser, dès le départ, toute initiative de santé publique.

Une véritable stratégie vaccinale suppose l’implication d’experts en communication, de sociologues, de leaders religieux, d’associations locales et de médiateurs communautaires. Ce sont ces relais de confiance qui peuvent expliquer, répondre aux inquiétudes, contrecarrer les rumeurs et convaincre les familles. Tant que la vaccination restera pilotée exclusivement par un cercle restreint de fonctionnaires, sans ancrage dans la société civile, la résistance perdurera.

Des signaux politiques mal interprétés par la population


La question de l’image joue également un rôle déterminant. Dans un pays marqué par la méfiance envers les institutions, la moindre maladresse peut renforcer les soupçons. La cérémonie officielle de lancement de la campagne contre le cancer du col de l’utérus en est un exemple.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux Comoriens ont relevé que la majorité des participants étaient vêtus de bleu, couleur associée à la CRC, le parti au pouvoir. Même si cette apparence était peut-être fortuite, elle a suffi à alimenter l’idée que la vaccination pouvait servir des objectifs politiques plutôt que sanitaires.

Dans un contexte déjà fragile, ces signaux brouillés aggravent la défiance et donnent des arguments aux opposants. Une campagne vaccinale doit être perçue comme neutre, inclusive, nationale, jamais comme une initiative politisée. Le choix des mots, des lieux, des images, des participants et même des couleurs peut influencer la perception publique.

Un travail de communication encore largement insuffisant


Dans la plupart des pays, les campagnes de vaccination s’accompagnent d’efforts soutenus de sensibilisation : spots télévisés, émissions interactives, interventions d’experts, débats publics, explication du fonctionnement du vaccin, réponses aux fausses informations, mobilisation des leaders locaux, distribution de brochures adaptées au niveau d’instruction du public.

Aux Comores, ce travail préparatoire reste trop limité. On annonce la vaccination, on en fixe les dates, puis on s’étonne que les familles hésitent ou refusent. Cette méthode ignore un élément essentiel : dans un environnement où les rumeurs circulent vite, où les réseaux sociaux diffusent parfois des contenus alarmistes, et où le niveau d’éducation varie beaucoup, l’acceptation du vaccin ne peut pas être automatique.

La communication doit être continue, adaptée et participative. Elle doit expliquer les bénéfices, mais aussi reconnaître les craintes légitimes, répondre clairement aux questions et montrer les effets positifs du vaccin dans d’autres pays. Ce n’est que de cette manière que la confiance peut s’installer.

Réhabiliter la vaccination comme un acte collectif, non imposé


Pour renverser la tendance actuelle, il est indispensable de changer profondément de méthode. Les campagnes de vaccination ne doivent plus être conçues comme des opérations administratives, mais comme des projets sociaux à part entière.

Elles doivent associer :

  • les leaders religieux, dont la parole a un impact massif ;
  • les notables locaux, capables de rassurer leur communauté ;
  • les professionnels de la communication, pour concevoir des messages pertinents ;
  • les enseignants, qui jouent un rôle central auprès des familles ;
  • les associations, souvent en première ligne dans les quartiers et les villages.

La confiance ne se décrète pas : elle se construit. Et elle se construit surtout dans la proximité, par la parole, l’écoute et le respect des réalités locales.

Un enjeu majeur pour la santé publique


Le refus de la vaccination n’est pas un simple problème administratif ; c’est une menace directe pour la santé publique. Le vaccin contre le cancer du col de l’utérus, par exemple, est largement recommandé et considéré comme l’un des moyens les plus efficaces de prévenir une maladie qui touche des milliers de femmes dans le monde. Le priver à une génération de jeunes filles pour des raisons de communication insuffisante serait un échec lourd de conséquences.

Les Comores disposent des ressources humaines, des compétences et de l’énergie nécessaires pour mettre en place une stratégie vaccinale efficace. Mais cela nécessite une volonté politique claire : reconnaître les erreurs passées, abandonner les approches improvisées et engager une véritable collaboration avec la société civile.

Sans cette évolution, les prochaines campagnes risquent de connaître le même sort : scepticisme, refus et perte d’opportunités vitales pour la population.

Mistoihi Abdillahi

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