Comores : L’heure de la refondation – Quand l’Île se souvient de l’archipel…Mayotte : d’une frontière imposée à un pont choisi. Plutôt que de continue
Comores : L’heure de la refondation – Quand l’Île se souvient de l’archipel…
Nouvelle-Calédonie, double nationalité, souveraineté partagée… Et si l’exemple venait du Pacifique ? Une lueur venue du large !
Le 12 juillet 2025, un accord historique a été signé en Nouvelle-Calédonie. Pour la première fois, la République française reconnaît la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie », inscrit dans sa Constitution, et instaure la possibilité d’une double nationalité : française et calédonienne.
Ce n’est pas seulement un compromis politique. C’est un basculement historique, un modèle inédit de souveraineté partagée et de cohabitation apaisée des identités multiples.
Ce qui s’est passé là-bas, dans le Pacifique, nous concerne dans l’océan Indien. Car ce qui a été rendu possible pour la Nouvelle-Calédonie peut, avec intelligence, lucidité et audace, inspirer le réveil de notre archipel.
Un modèle qui parle à nos îles : Ngazidja-Comore, Anjouan, Mayotte et Mohéli.
L’accord calédonien repose sur plusieurs piliers essentiels, que nous, insulaires, devons regarder avec attention :
- Un État propre reconnu dans la Constitution française, avec des institutions adaptées à son histoire et à ses besoins.
- Une double nationalité, qui permet d’embrasser une appartenance locale sans renoncer à un lien républicain plus large.
- Une organisation institutionnelle renouvelée, ouverte à la codécision, à l’autonomie, à la responsabilisation.
- Une réflexion sur les compétences régaliennes, permettant à terme un partage de souveraineté maîtrisé.
Et nous, Comoriens, Anjouanais, Mahorais et Mohéliens ?
Mayotte : d’une frontière imposée à un pont choisi. Plutôt que de continuer à opposer nos îles ou à nier des réalités institutionnelles, pourquoi ne pas imaginer une Confédération comorienne rénovée, dans laquelle Mayotte, tout en conservant son statut départemental, redeviendrait pleinement comorienne de cœur, de mémoire et de projet ?
Mayotte pourrait alors devenir ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : une île sœur, un trait d’union, un moteur de coopération. Ses infrastructures, son administration, sa proximité avec la France peuvent servir l’ensemble de l’archipel, si nous osons bâtir une architecture institutionnelle audacieuse et solidaire.
Mais d’abord, briser les chaînes du présent. Hélas, notre archipel reste aujourd’hui otage d’un pouvoir autoritaire, sanguinaire, suprémaciste et ethnocentrique, qui nie la diversité insulaire, écrase la voix des peuples et verrouille toute perspective de refondation.
Le régime d’Azali Assoumani, putschiste multirécidiviste, s’est installé durablement au pouvoir depuis le coup de force constitutionnel de 2018, imposant une présidence à tour unique, à son image, pour mieux étouffer toute alternance.
Sa gouvernance repose sur la terreur, la fraude, la division, la corruption, le népotisme et l’accaparement des institutions au profit d’un clan, au mépris du pacte insulaire qui fondait jadis l’équilibre fragile de l’Union. Ce pacte, incarné notamment dans la Constitution originelle de 2001, fruit d’une réconciliation à Fomboni, avait instauré la Tournante présidentielle, garantissant à chaque île une place équitable dans la direction du pays, un mécanisme de partage du pouvoir respectant la diversité insulaire.
Ce pouvoir aujourd’hui n’est plus que l’ombre de ce compromis démocratique : il n’est pas le fruit du suffrage libre, mais de la confiscation méthodique de l’État, brisant l’harmonie née de ce texte fondateur.
Il a piétiné les aspirations légitimes à l’autonomie, méprisé les voix plurielles des îles, organisé la marginalisation systématique d’Anjouan, Mohéli et même de Ngazidja-Comore, les reléguant hors de son cercle clanique restreint. Il a imposé un centralisme vertical, opaque, arbitraire, dénué de légitimité morale et profondément inhumain.
Le comble fut atteint en 2005, lorsqu’il adressa une lettre aux Nations Unies pour demander le retrait de la question de Mayotte de l’agenda international. Ce geste, fut un acte de trahison diplomatique délibérée, dicté non par la sagesse mais par la soumission, et motivé par des intérêts personnels étroits.
En un seul courrier, Azali Assoumani a sabordé le travail du Comité ad hoc composé de sept pays africains, qui œuvraient alors pour la réintégration de Mayotte dans le giron comorien. Ce geste, lourd de conséquences, a non seulement tourné le dos à la solidarité africaine, mais a constitué un acte de haute trahison nationale, resté impuni, ni poursuivi par aucune juridiction comorienne, ni dénoncé par une instance internationale.
L’appel : refondation, transition, avenir partagé.
Il est temps de nous lever. Il est temps d’unir les énergies de la diaspora, de la jeunesse, des intellectuels, des anciens, des artisans du droit et des bâtisseurs de demain.
Nous appelons à la mise en place urgente d’une structure de transition légitime, inclusive, pluraliste, qui portera :
- Une conférence nationale souveraine, pour entendre toutes les voix des îles,
- Une nouvelle Constitution confédérale, qui reconnaisse la souveraineté de chaque île, tout en assurant leur union,
- Une architecture à double nationalité, permettant à Mayotte d’être française et comorienne, à l’image calédonienne,
- La refondation de nos institutions, au service du peuple, non de ses fossoyeurs.
Comoriens, Anjouanais, Mahorais, Mohéliens, levez-vous ! L’Histoire n’attend pas. Nos îles n’ont pas vocation à s’opposer. Elles sont les membres d’un même corps dispersé par l’histoire coloniale et les trahisons modernes.
Il est temps que Mutsamudu, Moroni, Fomboni et Mamoudzou se regardent à nouveau comme des sœurs, prêtes à écrire ensemble le chapitre d’une souveraineté partagée, d’une citoyenneté multiple, d’un avenir commun.
La flamme s’est levée à Nouméa. Qu’elle embrase maintenant nos consciences insulaires !
L’heure de la refondation a sonné !
Anli Yachourtu JAFFAR
13 juillet 2025

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