L'Écho d'un Drame. Les tensions étaient palpables. Sont-ils des vrais membres des deux familles qui se retrouvaient face à face, échappant à tout cont
L'Écho d'un Drame
Lundi 28 avril 2025, l'aéroport de Hahaya résonnait encore des bruits de l'avion qui venait d'atterrir. Mais ce jour-là, les cris de désespoir et de colère des deux familles qui s'affrontaient sur le tarmac résonnaient plus fort que les moteurs des avions. Au cœur de cette querelle, une dépouille, symbole d'amour, de perte et de conflit, devenait le catalyseur d'une tragédie humaine.
La dépouille d’un homme que seul connaissaient celles et ceux qui l’ont côtoyé n’a non seulement pas laissé le vide naturel lié à sa mort, mais tout autre chose d’aussi horrible qu’écœurant. Ce qui aurait dû être un moment de recueillement s'était transformé en une lutte publique acharnée entre des familles qui se disputaient le corps.
Une déchéance morale à la place d’obsèques
Les tensions étaient palpables. Sont-ils des vrais membres des deux familles qui se retrouvaient face à face, échappant à tout contrôle ? Qu’y-a-t-il à la place des larmes qui se mêlaient aux cris de colère ? Ce qui aurait dû être une célébration de la vie, une dernière prière de cet homme se transformait en une honte publique, une déchéance morale. Est-ce la première fois que des Comoriens se déchirent dans une dispute pour une dépouille ? - Non ! Et ce ne sera pas la dernière fois car il y en aura toujours ; chacun de nous a un jour été confronté à ce genre de situation au village, dans le quartier, dans la région où le sentiment d'appropriation d'un corps sans vie devint miraculeusement une fierté personnelle, familiale, locale, villageoise, insulaire voire même nationale.
À la différence près, c'est que la raison primant sur la passion prend souvent le dessus et limite les dégâts chez ces gens-là. Aimé Césaire, lorsqu'il décéda le 17 avril 2008, la question sur le lieu de son enterrement se posa rapidement dans une logique de lutte de pouvoir entre les proches du défunt et l'État. Sa panthéonisation tardive (car en 2011) n'est que symbolique : juste une plaque à la place d'une tombe, aux côtés de Victor Schoelcher, Émil Zola, Victor Hugo et Jean Moulin. La famille de l'écrivain a tenu à ce qu'il soit enterré en Martinique. Puisque chez nous, chacune et chacun sommes les grandes stars de la famille, du village, du quartier, quel amour, quels souvenirs laisser aux petits-enfants avec de telles horribles scènes autour des cercueils des papas, mamans, tontons, tatis et papis et mamies?
L'Absence omnisciente des Autorités
Les autorités publiques qui devaient intervenir en urgence, semblaient paralysées. Face à cette situation explosive, les représentants de l’État sur place, débordés, n'avaient pas su anticiper sur la crise. Les services publics, censés apporter une solution, étaient totalement absents donnant l’impression que la loi, qui était censée protéger les droits de chacun, semblait impuissante.
Comment en était-on arrivé là ? Comment une simple dépouille pouvait-elle provoquer une telle division ? L'absence de médiation et de dialogue avait ouvert la porte à un affrontement qui ne faisait qu'escalader. Dans un pays où aucune morgues n'est disponible, l'urgence se fait trop ressentir en faveur des lois spécifiques sur ces cas. Le corps de cet homme doublement jonché par la mort et le tort de ceux censés l'honorer ici bas aurait été concervé et mis à l'abris des querelles mesquines qui n'ont honoré personne, encore moins les caommunautés représentées.
La Voix du Défunt
Allongé dans son cercueil, on peut imaginer qu’il avait cessé de ressentir la douleur de la vie, mais l’absurdité de la situation dans laquelle se trouvait son corps inanimé semblait résonner dans l’éther. Dans son silence éternel, l’homme observait la scène avec une tranquillité troublante.
Que se disait-il, ce jour où sa dépouille était à la fois un enjeu de pouvoir et un symbole de discorde ? Peut-être se remémorait-il les rires échangés à la place des pleurs, les histoires racontées autour de son propre cercueil.
L’absurdité de son corps baladé ici et là comme une marchandise entre deux camps ne lui échappait pas. « Pourquoi vous battez-vous pour mon corps ? » aurait-il voulu crier. « N’est-ce pas ma mémoire, mes enseignements, mes valeurs qui devraient vous rassembler ? Et moi dans tout ça allongé, ici, coincéentre du bois sous un linceul ? Et ma femme, mes enfants qui m'ont tant supporté, vous en faites quoi ? » crierait-il dans son profond silence.
Abdoulatuf Bacar
COMMENTAIRES