La COI, fondée en 1982, rassemble cinq membres : les Comore.La Commission de l’Océan Indien : Enjeux et perspectives à l’aube du sommet de Madagascar.
Le 24 avril prochain, la Commission de l’Océan Indien (COI) tiendra un sommet crucial à Madagascar, en présence des chefs d’État des pays membres et d’Emmanuel Macron, représentant l’île de La Réunion. Cette réunion pose une question fondamentale : quel est aujourd’hui le véritable rôle de la COI ? Créée pour promouvoir la solidarité et l’entraide entre les pays de la région, cette organisation mérite une réflexion approfondie sur son efficacité et sur la manière dont elle s’inscrit dans un monde en mutation.
La COI : Une organisation aux objectifs nobles, mais un bilan contrasté
La COI, fondée en 1982, rassemble cinq membres : les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et la France (via La Réunion). Son objectif initial était de fédérer les forces des pays insulaires de l’océan Indien pour mieux répondre aux défis économiques, environnementaux et géopolitiques de la région. Pourtant, quatre décennies plus tard, force est de constater que son impact réel sur le développement de ces pays reste limité.
Malgré les discours sur la coopération et la mutualisation des moyens, les habitants de ces territoires constatent peu d’améliorations dans leur quotidien. L’Indianocéanie, concept censé symboliser une intégration régionale dynamique, reste largement théorique. Les échanges culturels et économiques entre les pays membres sont faibles, et la sensibilisation aux enjeux environnementaux dans cette zone vulnérable est insuffisante.
Le Poids de la France : Une influence dominante
La France, en tant que pays le plus riche de la COI, finance près de 40 % de son fonctionnement. Cette position lui confère une influence considérable, ce qui alimente des critiques sur sa réelle volonté d’accompagner le développement des autres États membres. L’un des points de tension majeurs concerne Mayotte, île comorienne revendiquée par les Comores mais administrée par la France en tant que département d’outre-mer.
Paris cherche aujourd’hui à intégrer officiellement Mayotte au sein de la COI, ce qui soulève des interrogations sur l’équité du traitement des membres. Si Mayotte devait être acceptée en tant qu’entité distincte, pourquoi ne pas reconnaître les quatre îles des Comores comme autant d’États indépendants ? De même, pourquoi ne pas appliquer cette logique à Maurice et aux Seychelles, qui sont également des archipels ?
L’attitude du gouvernement comorien face à cette situation est également en question. Azali Assoumani, souvent critiqué pour sa soumission aux intérêts français, n’a pas montré une volonté ferme de défendre la souveraineté des Comores sur Mayotte. Ce manque de résistance affaiblit la position du pays au sein de la COI et empêche une solidarité régionale forte autour de cette revendication historique.
Une Solidarité Régionale Absente : Un Monde diplomatique de plus en plus individualiste
Au-delà des enjeux spécifiques à la COI, cette situation illustre une tendance plus large : l’effritement de la solidarité internationale. À l’origine, la Société des Nations, puis l’ONU, avaient pour ambition d’établir un ordre mondial fondé sur l’entraide et la coopération. Pourtant, aujourd’hui, les puissances économiques et militaires n’ont de cesse de privilégier leurs propres intérêts.
L’exemple des États-Unis sous Donald Trump est frappant : ce dernier a adopté une posture nationaliste assumée, protégeant l’économie américaine tout en imposant aux autres pays des restrictions et des barrières qu’ils n’ont jamais connues dans leur propre développement. L’Afrique et les pays du tiers-monde se retrouvent ainsi freinés dans leur progression par des règles commerciales et diplomatiques qui les désavantagent systématiquement.
L’impunité dont bénéficie Israël dans sa guerre contre Gaza est un autre exemple criant. Alors que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, il voyage librement en Hongrie, pays membre de la Cour pénale internationale (CPI) mais qui refuse de l’exécuter. Cette incohérence illustre le deux poids, deux mesures qui gangrène le système international.
Repenser la COI pour un avenir plus équitable
Dans ce contexte mondial où chacun défend ses intérêts avant tout, la COI doit impérativement redéfinir ses priorités si elle veut avoir une véritable utilité pour les peuples de l’océan Indien. Elle ne peut plus être un simple forum diplomatique dominé par la France. Elle doit devenir une véritable plateforme de coopération régionale où les petits États insulaires peuvent s’exprimer et défendre leurs intérêts sur un pied d’égalité.
Quelques pistes pour renforcer la COI :
Un meilleur équilibre des contributions : Il est nécessaire de réduire la dépendance financière vis-à-vis de la France afin d’assurer une plus grande autonomie des décisions.
Un engagement clair sur Mayotte : Les autres membres de la COI doivent soutenir les Comores dans leur revendication, et les Comores doivent adopter une position ferme.
Un développement économique concerté : Des projets concrets doivent être mis en place pour renforcer le commerce inter-îles et promouvoir les industries locales.
Une vraie politique environnementale : L’océan Indien fait face à des défis climatiques majeurs. La COI doit être à la pointe de la sensibilisation et de l’action pour protéger cette région fragile.
Un engagement plus fort des populations : La COI doit cesser d’être une organisation uniquement diplomatique et impliquer davantage les citoyens dans ses initiatives.
Vers une nouvelle vision des relations internationales
Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de l’après-guerre, où l’entraide et la reconstruction étaient des priorités. Nous sommes entrés dans une ère où les rapports de force dominent, où les puissants imposent leur loi aux plus faibles. Dans cet environnement, la COI ne peut se contenter d’être un instrument au service d’intérêts étrangers. Elle doit redevenir un véritable moteur de développement pour les pays insulaires de l’océan Indien.
L’unité des nations, prônée par les fondateurs de l’ONU, est aujourd’hui une illusion. La solidarité entre pays en développement doit être repensée. L’Indifférence face aux injustices, que ce soit à Gaza ou dans l’océan Indien, ne doit pas devenir la norme. À l’heure où la France cherche à renforcer son emprise sur la COI, les Comores et les autres membres doivent s’interroger : veulent-ils être des acteurs de leur avenir ou des spectateurs impuissants ?
Le sommet de Madagascar sera une occasion de répondre à ces questions. Mais une chose est sûre : sans un changement de cap, la COI restera un “machin”, une structure vide de sens, incapable de défendre les véritables intérêts de ses peuples.
IBRAHIM Mahafidh Eddine

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