Affaire Nassub Mohamed Youssouf Dans les méandres du système judiciaire comorien, une affaire fait trembler les fondements mêmes de l'Ét...
Affaire Nassub Mohamed Youssouf
Dans les méandres du système judiciaire comorien, une affaire fait trembler les fondements mêmes de l'État de droit. Nassub Mohamed, ancien employé de la Banque Centrale des Comores, se trouve aujourd'hui au cœur d'une tempête juridique qui soulève des questions troublantes sur l'équité de notre justice.
D'abord les faits. Imaginez-vous, enfermé pendant trois semaines, coupé du monde, de vos proches, de vos droits les plus fondamentaux. C'est le calvaire que vit actuellement Nassub Mohamed, détenu dans des conditions que l'on pourrait qualifier, sans exagération, d'inhumaines. Dormant à même le sol, privé d'hygiène basique, cet homme est traité comme un criminel dangereux. Son crime ? Un simple litige financier avec son ancien employeur, qui lui avait octroyé un prêt bancaire. Il est désormais exigé de l'ancien employé, un remboursement anticipé, suite à la rupture du contrat de travail. Quinze anciens employés de la BCC sont concernés, mais un seul est détenu, Nassub.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Elle prend des allures de thriller juridique quand on apprend que cette détention, qui bafoue allègrement la limite légale de 24 heures pour une garde à vue, semble être utilisée comme un moyen de pression pour obtenir le remboursement d'un crédit. Un procédé qui fait frémir tout défenseur des droits de l'homme.
La Banque Centrale, institution censée être le pilier de notre stabilité financière, se transforme ici en un créancier impitoyable, usant de moyens dignes des pires romans noirs. Elle brandit l'épouvantail de l'"abus de confiance" pour justifier une procédure pénale, là où un simple litige civil aurait dû prévaloir.
Mais le plus alarmant dans cette affaire, c'est peut-être le silence assourdissant des autorités judiciaires. Où est passé le principe sacro-saint de la présomption d'innocence ? Que dire de l'accès à un avocat, droit fondamental bafoué avec une désinvolture déconcertante ? Pourquoi une garde à vue de trois semaines pour une simple histoire de prêt bancaire? Quel rôle jouent les autorités judiciaires, de la gendarmerie au procureur dans ce dossier? En vertu de quels textes, quelles décisions de justice, Nassub est ainsi détenu?
Cette affaire n'est pas qu'un simple fait divers. Elle est le symptôme d'un système judiciaire malade, où la justice est instrumentalisée. Elle nous rappelle, avec une acuité douloureuse, l'urgence d'une réforme en profondeur de notre code de procédure pénale.
Nassub Mohamed n'est pas seulement victime d'une injustice personnelle. Il devient, bien malgré lui, le symbole d'un combat plus large pour le respect des droits fondamentaux aux Comores. Son cas nous interpelle tous : quelle société voulons-nous ? Une où la loi du plus fort prime, ou une où la justice est véritablement aveugle, protégeant équitablement chaque citoyen ?
Il est temps de se réveiller, de s'indigner, et d'agir. Car si aujourd'hui c'est Nassub Mohamed qui est victime de cet arbitraire, demain, cela pourrait être n'importe lequel d'entre nous. N'importe qui, bénéficiaire d'un crédit, peut demain se retrouver en prison, parce qu'il n'a pas eu les moyens de rembourser un prêt.
L'affaire Nassub Mohamed est un appel à la conscience de chaque Comorien. Elle nous rappelle que la démocratie et l'État de droit sont loin d'être acquis aux Comores, et doivent être défendus chaque jour. À nous de relever ce défi, pour que justice soit enfin rendue, non seulement à Nassub Mohamed, mais à tous les citoyens des Comores.
Me Maliza SAID SOILIHI
Avocate
Barreau de Marseille
Barreau de Moroni
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