À Mayotte, l'urgence c'est l'eau, stop Wuambushu. Alors que Mayotte fait aujourd’hui face à une crise de l’eau sans précédent, qui devrait mobiliser t
Texte collectif
Alors que Mayotte fait aujourd’hui face à une crise de l’eau sans précédent, qui devrait mobiliser toute l’énergie des pouvoirs publics, nos organisations demandent la suspension de l’opération « Wuambushu », lancée au mois d’avril pour intensifier le programme de démolition des habitations en tôles pour raison d’insalubrité, au prétexte de régler, en même temps, les problèmes d’insécurité et de lutte contre l’immigration dite irrégulière.
La crise de l’eau à Mayotte est une crise progressive, dont les premiers signes remontent au moins à février 2016, date des premiers rationnements et des premières coupures d’eau. Circonscrite au départ dans les villages de brousse du sud et du nord de l’île, la pénurie s’est généralisée depuis deux ans, y compris dans les zones urbaines (communes de Mamoudzou et de Koungou).
En plus de la sécheresse, l’état de délabrement du réseau de distribution interroge sur la qualité de l’eau fournie. La population se plaint en effet qu’une eau trouble, à la limite boueuse, coule des robinets lors de la remise en eau ; les habitants des quartiers pauvres se plaignent de maux de ventre, et les cas de gastro-entérites semblent se multiplier, faisant craindre à la population des maladies plus graves telles que des fièvres typhoïdes, voire le choléra.
L’insuffisance, pour ne pas dire l’absence, de mesures d’anticipation de la crise par les pouvoirs publics risque de peser lourd sur la situation durant les semaines qui séparent encore de la saison des pluies, qui ne débutera qu’en novembre.
Il est d’ailleurs incompréhensible que, dans un tel contexte, certain.e.s élu.e.s de Mayotte continuent à prendre pour cible la population des quartiers les plus pauvres et aillent même jusqu’à s’insurger de l’installation de rampes d’eau à proximité des bidonvilles.
Et on peut s’indigner, de la même manière, de voir les pouvoirs publics continuer à mener l’opération dite « Wuambushu ». Rappelons que cette opération, commencée le 22 avril 2023, a marqué la volonté du gouvernement français d’intensifier le programme de démolition des habitations en tôles pour raison d’insalubrité, prétendant en même temps régler les problèmes d’insécurité et de lutte contre l’immigration dite irrégulière.
Depuis cette date, cinq quartiers ont été détruits pour un total de 400 logements, selon les chiffres communiqués par le ministre français de l’Intérieur et la préfecture de Mayotte. L’objectif annoncé par le gouvernement étant d’aboutir à 1 250 logements détruits d’ici à la fin de l’année, il reste donc 850 logements à démolir (soit les deux tiers d’une opération qui devait être terminée fin juin).
Le contexte anxiogène, du fait des restrictions d’eau, qui touche tout particulièrement les populations vulnérables qui vivent dans les bidonvilles n’a pas empêché la préfecture de publier un nouvel arrêté d’expulsion, le 23 août 2023, pour un quartier de Mutsamudu, village au sud de la commune de Bandrélé.
Le contour des démolitions semble pour le moins mal apprécié : « Vingt bangas, environ, vides de leurs occupants » seraient concernés, selon la gendarmerie, alors que l’ARS parle « des locaux à usage d’habitation numérotés de 1 à 91 » et que les propositions de relogement (annexées à l’arrêté) se limitent à 11 familles, sans la moindre précision sur leur composition.
La démolition pourrait néanmoins intervenir au tout début du mois d’octobre. C’est pourquoi les signataires du présent texte demandent au gouvernement français de mobiliser, avec les moyens nécessaires, toute son énergie sur la résolution de la crise de l’eau qui menace à très court terme des besoins vitaux de la population et, en conséquence, de suspendre urgemment le programme de démolition des quartiers de cases en tôles, de cesser le contrôle administratif des habitants sur la voie publique qui entrave leur mobilité et, au contraire, de tout mettre en œuvre pour favoriser les déplacements vers les centres de soins afin d’enrayer tout risque d’épidémie.
Signataires : l’Association pour le droit des étrangers (Adde), le Secours catholique-Caritas France, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), la LDH (Ligue des droits de l’homme), le Syndicat des avocats de France (SAF).
COMMENTAIRES