Pourquoi les Comores doivent rompre sa coopération monétaire avec la France ? La BCC a l'obligation de déposer ses réserves en devise au Trésor frança
La France et les Comores ont signé un accord de coopération monétaire, suite à l'indépendance de ces dernières, le 23 novembre 1979.
Dans le cadre de cette coopération, il est établi à l'article 9 que les Comores s'engagent à harmoniser sa législation monétaire, bancaire et de change avec celle de la France. Ainsi, les statuts de la Banque Centrale des Comores (BCC) institue un Conseil d’administration composé de huit membres maximum désignés à égale moitié par les gouvernements de deux pays.
La mission fondamentale de la BCC est d'assurer la stabilité de la monnaie par la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire. Cette politique prime sur celle de la distribution du crédit ou le financement de l'économie locale. Elle vise en effet à garantir la convertibilité du franc comorien avec le franc français (ou l'Euro) et la stabilité des prix.
MAIS À QUI PROFITE CETTE POLITIQUE ?
- Pour la garantie de convertibilité (régime de parité fixe)
La BCC a l'obligation de déposer ses réserves en devise au Trésor français sur un "compte d'opérations" prévu à l'article 6 de l'accord de coopération monétaire, contre garantie de convertibilité illimitée à taux fixe, entre le franc comorien et l'Euro. En 2021, les avoirs du compte d'opérations s'élèvent à 141,4 milliards KMF, soit 72% du total des actifs de la BCC.
Ce fonds de réserve est géré par le Trésor français. Il consiste à faciliter les transferts des capitaux des multinationaux français ou étrangers qui peuvent s'approvisionner en matières premiers (produits de rente : vanille, ylang-ylang, girofle, etc.) à faible prix, s'emparer des marchés comoriens et rapatrier leurs profits vers leurs pays d'origine, sans risque de dévaluation ou de dépréciation. Ce fonds appartenant à l'État comorien peut également être utilisé pour endetter les Comores, avec des intérêts à rembourser, sous l'appellation de l'Aide Publique au Développent (APD).
2. Pour la stabilité des prix (maîtrise de l'inflation)
Dans le cadre de sa mission, la Banque peut accorder des concours aux banques (escompte ou prise en pension) et à l'État (prêt ou découvert) en vue de financer des projets de développement.
Toutefois, les exigences en termes de stabilité des prix et de maîtrise de l'inflation, imposées par la politique monétaire, présente un effet d'éviction qui se traduit par la quasi-inexistence du crédit par la BCC pour le financement de l'économie locale. Une situation qui favorise les investisseurs étrangers au détriment des investisseurs comoriens.
Le dernier rapport de la BCC a présenté les résultats, en chiffre d'affaires, des opérations de l'année 2021 :
- à l'extérieur, avec les avoirs en devise (3,3 milliards KMF sur les placements des réserves)
- aux Comores, avec la clientèle (498 millions KMF sur les transfert de fonds, vente de devise, etc).
Le fait que la BCC réalise des résultats plus importants à l'étranger qu'aux Comores s'explique par la grande partie des avoirs extérieurs déposés au Trésor français. Ces réserves de la BCC sont placées sur le marché financier en France, au lieu d'être investies localement pour financer des activités réelles et permettre la croissance du pays.
Il est à noter que le financement des projets qui créent des valeurs et des emplois n'ont pas d'impact inflationniste. Par conséquent, le risque d'inflation ne peut pas être un argument valable pour justifier le rationnement du crédit dans un pays où les infrastructures de base y manquent et le crédit devient un besoin vital.
Les accords monétaires reliant les Comores et la France sont un mécanisme qui s'inscrit dans une logique néocolonialiste. Ils visent simplement à piller les ressources de notre pays par une série des mesures qui :
- privent le pays de ses instruments de souveraineté économique (monnaie et budget)
- provoquent le recours à l'endettement et à la privatisation des entreprises et services publiques
- soumettent le pays à la loi de la mondialisation qui expose nos petites économies face à la concurrence avec les multinationales
- permettent l'exploitation gratuite des ressources locales et la libre migration des richesses du pays sans la libre migration du comorien.
La reconquête de notre souveraineté monétaire est indispensable pour sortir de la pauvreté. Les Comores doivent rompre sa coopération monétaire avec la France et envisager une politique néo-protectionnisme qui promet un développement industriel soutenu par un mode de financement endogène.
Mohamed ABDOUL BASTOI
Expert Certifié en Microfinance
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