Des jeunes qui font de longues études dans des filières aux débouchés incertaines pour finalement terminer au chômage ou dans une activité qui n’a ...
Sortant de l'UCAD et de l'Institut de Management de Dakar, HASSAN AHMED MTSAHOI nous donne son Point de Vue sur le Décalage sinon sur le Différentiel qui Existe et les Besoins Réels du Pays et un Marché de Travail Complètement Biaisé.
Des jeunes qui font de longues études dans des filières aux débouchés incertaines pour finalement terminer au chômage ou dans une activité qui n’a rien à voir avec leur formation universitaire, et ils sont partout sur le territoire. Selon une enquête emploi que j’ai réalisé moi-même entre 2021 et 2023 environs 80% des personnes en activités au Comores y ont un emploi qui ne correspond pas à leur formation. Et plus de la moitié (+50%) ont une formation qui ne leur permet pas d’accéder à un premier emploi.
Les résultats que j’avais obtenu, c’est que plus le diplômé augmente, plus le chômage augmente. Et ce phénomène on le trouve ici au Comores. Et ça, c’est paradoxal, ça va à l’encontre de la théorie du capital humain et ça nous intrigue tous. Lorsqu’on observe notre administration, on se rend compte que la plupart des personnes qui nous administrent exercent dans des ministères qui ne correspondent pas à leur formation académique. Il s’agit de l’inadéquation « compétence - emploi ». L’une des causes, est la structure de l’économie la deuxième cause, pourrait être due au système de formation qui ne fonctionne pas totalement en synergie avec le système productif.
Le système de formation : notre système de formation est calqué sur le modèle français où le contenu théorique de la formation est beaucoup plus élevé que le contenu pratique, et cela pose problème qui crée un décalage entre l’éducation – formation et le marché de l’emploi. Le problème qui se pose, après 46 ans d’indépendance, l’environnement a changé, la démographie a changé, la structuration économique a changé, mais l’école est restée dans le même objectif initial qui était censé former les cadres de l’administration et des ouvriers qui allaient travailler dans les usines des colons et autres.
Pourquoi ? Parce que, déjà, la population n’était pas très importante et, surtout, lorsqu’on sortait de l’école, directement on avait un canevas qui était tracé. « Le problème, c’est que depuis, les choses ont changé mais le système éducatif lui... pas vraiment ».
Dans un pays comme les Comores, ou l’administration est complètement saturée à cause en partie d'un model de recrutement qui répond plus à des visées électoralistes qu'à un réel besoin de ressources humaines, les choses n'iront qu'en se dégradant. Et lorsqu’on observe les jeunes, qui sont dans les universités, qui sont évalués à plus de 13.931 personnes/an, on se rend donc compte que l’Etat ne peut pas recruter tout le monde. Et cela entraîne une inadéquation entre le marché de l’emploi d’une part et d’autre part la formation académique qui ne correspondent plus aux enjeux de nos jours. Un exemple simple.
En 2010, les Comores comptait 0,17 ‰ de médecin pour 1.000 habitant est l’un des pays africains qui traversent une crise de ressources humaines dans le domaine de la santé. Mais chaque année, l’université des Comores admet, sur concours, moins de 100 étudiant à l’Ecole de Médecine et de Santé Publique EMSP.
Tandis que la même université enregistre, environ 4 460 étudiant à la Faculté de Droit et de Sciences Economiques, Pourquoi une université publique d’un pays qui a autant besoin de médecins préfère former 14 fois plus de spécialistes en droit que de médecins ? Où est la logique ? Et je ne vous parle même pas du nombre d’étudiants formés en Lettres et des Sciences Humaines. À quoi vont servir tous ces diplômes en langues étrangères alors même que les langues locales s’éteignent et que les jeunes Comoriens sont de plus en plus acculturé ? Par contre, je ne dis pas que c’est mauvais d’enseigner les langues étrangères ou d’apprendre. Mais quand les trois langues sur lesquelles votre système éducatif est basé sont toutes étrangères... Là, il y a un gros souci.
Nous avons un système éducatif qui nous donne les diplômes mais qui ne nous donne pas la connaissance. « Il y a des gens qui, lorsqu’ils sortent de la fac, ils se vantent d’être diplômé en ceci, en cela. Mais lorsque vous discutez avec eux, vous vous rendez compte qu’ils manquent profondément de connaissances, ils manquent profondément de consistance intellectuelle ». Et donc, finalement, on a des gens qui ont fait de longues études mais dans des filières et des moules dont le système productif local n’a pas besoin.
Et cela se manifeste sous plusieurs formes : la sur-éducation, la sous compétence, la sur-compétence, et bien d’autres formes. On peut même mentionner la surqualification ou les déficits de compétences, les pénuries des compétences.
Résultat : Le système productif peine à recruter des compétences techniques et locales spécialisées, dans certain secteur. Ce qui a un impact direct sur le développement de projets et l’attraction des investissements. Or, les nouveaux diplômés espèrent tous travailler dans le secteur formel sur lequel est structurée l’économie.
Un secteur formel qui ne peut plus nous embauchés. Le système productif crée insuffisamment d’emplois.75% des emplois sont informels, finalement, c’est 15% des emplois qui se trouvent dans le secteur formel. Ce qui veut dire que le système productif et le système de formation ne s’adaptent pas à l’évolution rapide des technologies et des nouveaux métiers, Ils sont restés figés dans le passé.
Conséquence : ceux et celles qui ne trouvent pas d’emploi dans le secteur formel, vont à leur tour se diriger vers le secteur informel ou partir à l’étranger. Ou alors ils se rabattent sur des emplois qui nécessitent un niveau de formation moins élevé. Ce qu’on a appelé le déclassement ou la dévalorisation des diplômes.
Il faut aller encore plus loin Pour que les choses changent, nous devons avoir des dirigeants qui soient suffisamment courageux. Courageux, dans le sens de prendre des décisions qui doivent permettre de pouvoir contribuer au développement de notre pays sur le plan économique, déjà en permettant aux citoyens de pouvoir créer de la richesse et en mettant sur pied un environnement qui permet à ces citoyens-là de créer la richesse de la manière la plus adéquate. Passé par la réappropriation des cultures et de l’histoire africaines et la sensibilisation des générations post-indépendances. Il faut parler de l’entrepreneuriat, il faut parler du patriotisme, il faut parler de notre histoire.
À force de le faire, ça va permettre de faire émerger une génération qui comprendra les enjeux et qui travaillent au quotidien pour pouvoir apporter des solutions qui vont permettre de contribuer au développement des Comores, qui, cette fois, est juste notre quartier, et l’Afrique, qui représente notre réel pays. À quand la suppression des facultés caduques et inutiles ? À quand l’école des métiers qui servent mieux les besoins de nos sociétés ?
HASSAN AHMED MTSAHOI
Politiste & analyste politique
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
COMMENTAIRES