A dix-huit mois de la fin de son mandat, le président continue de faire des promesses tous az.Madagascar : Andry Rajoelina, le maître des désillusions
ENQUÊTE - A dix-huit mois de la fin de son mandat, le président continue de faire des promesses tous azimuts alors que la Grande Ile s’enfonce un peu plus dans la misère.
Ce 31 mai 2022 à Abou Dhabi, dans le vaste salon de réception du conglomérat Al Jaber, le patriarche Obaid Khaleefa Jaber Al-Murri se prête sans conviction à la photo souvenir qu’Andry Rajoelina postera quelques heures plus tard sur les réseaux sociaux. Pour marquer leur alliance toute fraîche, les deux hommes brandissent un petit baobab en pierre aux branches recouvertes de feuilles d’or.
Un mémorandum d’entente vient d’être signé entre Madagascar et le géant émirati du BTP pour la construction de la ville nouvelle Tanamasoandro. Le président malgache ne donne pas de détails sur l’opération ni sur les délais dans lesquels pourrait voir le jour cette « cité intelligente » imaginée à 30 km à l’est de la capitale, Antananarivo. Pour l’heure, ce simple engagement suffit à le combler, car il redonne un souffle inattendu à l’un de ses projets phares, passablement enlisé.
A moins de dix-huit mois du prochain scrutin pour la magistrature suprême, en novembre 2023, l’épreuve du bilan approche pour celui qui a promis de rattraper en cinq ans le retard accumulé au cours des six décennies qui se sont écoulées depuis l’indépendance, en 1960. L’audacieux « TGV », comme il est surnommé en référence à son parti, Tanora malaGasy Vonona (« jeunes Malgaches déterminés »), et à sa fulgurante ascension, est pourtant loin d’être quitte de ce passé dont il a écrit une des pages sombres en renversant le président Marc Ravalomanana avec le soutien de l’armée, en 2009.
Il n’a alors que 34 ans, une courte expérience de maire d’Antananarivo et un parcours d’entrepreneur autodidacte qui s’est taillé un empire dans le secteur de l’affichage et de la communication. Il est aussi, pour la bourgeoisie branchée, le DJ à la gueule d’ange qui a organisé les plus folles soirées de leurs jeunes années. Sa popularité et son ambition en font l’homme de la situation pour se débarrasser d’un chef de l’Etat accusé de dérive autoritaire et de conflits d’intérêts dans sa gestion économique.
Mais les lendemains du putsch sont amers. Le pays plonge pour cinq années dans un régime dit « de transition », marqué par une sévère régression sociale, la prolifération des trafics de ressources naturelles et un isolement diplomatique. Madagascar affiche alors les pires indicateurs de gouvernance. La sortie de crise, négociée sous la médiation de l’Union africaine, se paie par l’exclusion des principaux acteurs politiques, dont Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, des élections organisées en 2013.
Treize serments
En 2018, dans le rôle du revenant repenti, le candidat s’est présenté en homme nouveau, mûri par l’exil et le temps. Mais en professionnel de la communication, il a dépensé des millions d’euros pour déployer une campagne hors normes et, surtout, il a énormément promis : autosuffisance alimentaire, industrialisation du pays, accès à l’électricité et à l’eau potable pour tous, instruction de qualité, tolérance zéro pour la corruption et l’insécurité, emploi pour tous... Treize serments au total (« velirano », en malgache), censés sceller son engagement de transformer le pays pour...Lire la suite sur LeMonde
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