Uniquement féminin, il est fait de chants religieux - qui priant Dieu, qui l…Le deba, un genre musical religieux, comoro-malgache, des plus originaux
Le deba, un genre musical religieux, comoro-malgache, des plus originaux
Aujourd’hui plus vivace à Mayotte que dans le reste de l’archipel, le deba est un genre musical, des plus intéressants et, typique du métissage comoro-malgache. Uniquement féminin, il est fait de chants religieux - qui priant Dieu, qui louant le Prophète, qui prodiguant des rappels pour l’au-delà, comme c’est le cas de celui en lien plus bas.
Bien que n’ayant pas fait de travail musicologique approfondi sur la question, il me semble qu’on peut situer son arrivée, ou tout du moins sa propagation, dans l’archipel, dans la seconde moitié des années soixante-dix.
Précisément, après les massacres commis contre les Comoriens dans la province de Majunga, à Madagascar, qui ont occasionné l’exode de plusieurs milliers de Comoriens, malgachophones, ou le retour de certains, aux Comores, en 1977.
Le gouvernement comorien de l’époque avait affrété, pour le rapatriement des rescapés desdits massacres, des avions de la compagnie belge, Sabena. C’est pourquoi, on appelle ces rescapés les Sabena. Encore aujourd’hui, au reste, l’oreille avertie arrive très facilement à les distinguer du reste des Comoriens de l’archipel par leur joli accent.
Le deba est, vous l’aurez compris, un genre musical Sabena. Sur le plan linguistique, on trouve dans le deba tous les ingrédients témoignant de la bigarrure des origines des habitants de ce bel archipel.
Il y a, en effet, beaucoup d’arabe, langue liturgique, des mots et des phrases en comorien, naturellement, j’allais dire, et du malgache. Celui ci-contre est plus malgache que comorien, étant l’œuvre des Zanatan, nom malgache des Sabena, dont j’ignore le sens en malgache.
Le mois de ramadan, dans mon enfance, la radio nationale ne diffusait que du Coran, des chants religieux et des cours de religion. Le deba y occupait, tout naturellement, une part très importante. Aujourd’hui, c’est à Anjouan, mais surtout à Mayotte, que le débat se perpétue. Il a disparu totalement, ou presque, à ma connaissance, en Grande-Comore.
À Mayotte, les Manzāraka, mot gigogne de « man zāra qabra Muhammadin » (Celui qui rend visite à la tombe du Prophète, en arabe) cérémonies religieuses marquant l’apogée d’un mariage, sont le lieu d’expression par excellence des deba.
Bien que n’étant pas l’apanage d’une confrérie en particulier, il semble plus pratiqué, aux Comores, par des adeptes de la confrérie Rifā’i - du grand mystique Irakien, Ahmad al-Rifā’ī (12 ème S). Pourquoi cela? Je n’ai rien de scientifique à avancer là-dessus. Je reste, moi, marqué encore aujourd’hui, par la beauté des mélodies que chantaient des tantes rifā’ites de mon quartier. Elles étaient zanatan.
Chers amis, le deba fait partie de cette ribambelle de preuves indiscutables de l’unité historique des îles de cette région. Nous pouvons politiquement nous opposer. Mais, nous ne pourrons jamais changer le destin commun de notre histoire car, comme le rappelle si bien Seydou Badian, dans son Sous l’orage, « Un long séjour dans l’eau ne transforme jamais un tronc d’arbre en caïman ».
Alors, choisissons des destins politiques opposés, si cela nous chante. Mais, n’oublions jamais que nous sommes frères.
Très indo-océaniquement vôtre.
Mohamed Bajrafil
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