Mufti Said Toihir Said Maoulana : Un érudit des Sciences Islamiques, un intellectuel et un chercheur des temps modernes
Mufti Said Toihir Said Maoulana : Un Érudit Des Sciences Islamiques, Un Intellectuel Et Un Chercheur Des Temps Modernes
La semaine qui vient de s’écouler, a vu l’organisation de nombreux événements commémoratifs à l’endroit du Grand Mufti Said Toihir Said Maoulana Ahli Djamal Leyl, disparu en 2020. Nombreux sont les Comoriens qui se rappellent de cette figure religieuse, officiant régulièrement à la radio nationale pour la traduction du Saint Coran, notamment tout le long du mois de ramadan.
Le Grand Mufti Said Toihir était omniprésent sur la scène politique, avec ses discours prononcés avant les interventions du Chef d’État comorien, lors des grandes cérémonies de l’État. Tribun hors pair, le Grand Mufti Said Toihir fut, pendant plus de 50 ans, le prêcheur le plus recherché pour s’adresser aux fidèles des haouli ou aux invités des cérémonies traditionnelles de majlis. Sa disparition a laissé un vide sidéral dans la sphère des religieux du pays.
Mufti Said Toihir Said Maoulana fut à la fois un érudit des sciences islamiques, un intellectuel des temps modernes et un chercheur dans le domaine de la théologie. Sa grande capacité à allier la pratique religieuse avec la culture et les traditions populaires, a été son point fort. Cet homme, qui a fréquenté la prestigieuse université d’Al-Azhar Sharif dans les années de nationalisme et d’effervescence révolutionnaire sous Nasser, a su, à son retour au pays, faire la part des choses et inscrire son action dans le sillage des lettrés comoriens.
Il avait une bonne connaissance de la société comorienne, de ses codes mais aussi de ses travers. Il a su tisser des liens à la fois avec la vieille classe politique, mais également avec la génération montante des années 70-80. Il était le prédicateur des cérémonies de grands mariages de beaucoup d’intellectuels comoriens, dont certains étaient des réfractaires de cette coutume. C’est un chercheur avéré qui lisait les auteurs occidentaux et orientaux. Il fut un rempart solide contre tous les extrémismes et les intolérants.
Né à Ntsudjini, le jeune Toihir quitte les Comores tôt, pour rejoindre son oncle Said Moustoifa Bin Djaanfar. Il effectue ses études secondaires et primaires à Zanzibar. Il intègre ensuite l’Académie musulmane de Zanzibar (Muslim Academy) alors qu’il était en classe de seconde. En 1956, il se rend en Égypte poursuivre ses études, en pleine révolution socialiste et panarabe du Président Gamal Abdel Nasser. Deux ans après son arrivée, il obtient son baccalauréat et intègre la prestigieuse Université Al-Azhar Sharif.
Premier Comorien à être admis à l’Université Al-Azhar, il poursuit des études de droit et alsahrian (Sharian walkanun). Il obtient successivement l’équivalent d’une Licence puis d’un Master en Usul l’Fikhi. À la fin de ses études, il reçoit des propositions pour enseigner à l’étranger, notamment en Malaisie ; il choisit de regagner l’archipel en 1967, via Madagascar. À son arrivée à Moroni, l’accueil fut populaire et triomphal. Il entame une campagne de sensibilisation et de mobilisation des Comoriens, en faveur de l’apprentissage de la langue arabe. Il est invité partout dans le pays pour faire des prêches. Sa popularité lui vaudra une mise sous surveillance policière par l’administration coloniale. Il est épié dans ses moindres déplacements mais aussi dans ces contacts.
Quand il se rend, en 1967, à Mutsamudu pour prendre part à l’inauguration de la mosquée de vendredi, il prononce un discours sur « la nécessité d’implanter des établissements enseignant la langue arabe dans l’archipel ». Une note du Haut-Commissariat dirigé alors par Antoine Combani, le qualifie de « porte-parole accepté d’une tendance modérée à mi-chemin entre l’islam comorien traditionnel de plus en plus anachronique quant à ses manifestations sociales et les éléments “chinois” du MOLINACO ». Le militantisme de Foundi Toihir inquiète sérieusement l’administration coloniale. Pour l’avoir à l’œil, il est affecté au Lycée de Moroni y enseigner l’arabe. Il côtoie, pendant ces années d’enseignant au Lycée, de nombreux jeunes devenus plus tard des dirigeants ou cadres du pays.
Après l’indépendance, il prend une part active à la révolution conduite par le Mongozi Ali Soilihi Mtsashiwa. Au retour au pouvoir du président Ahmed Abdallah Abdérémane, il continue à prêcher dans les importantes cérémonies religieuses mais se consacre, en même temps, à ses recherches sur le Saint Coran.
Lorsque Yasser Arafat visite les Comores, il est sollicité par Ahmed Abdallah Adérémane pour faire office de traducteur. Foundi Toihir a travaillé au Tribunal de Grande Instance de Moroni comme conseiller en droit islamique, et a eu à exercer au sein de la Cour Suprême. Il a assuré plusieurs mois durant la présidence du Conseil des Ulemas avant d’être nommé, en 1998, Grand Mufti des Comores par le Président Mohamed Taki Abdoulkarim.
Devenu Mufti de la République, il est présent sur tous les fronts pour défendre la pratique de l’islam selon les rites shaféites, et s’attaque aux extrémismes de tout bord. À la création de l’Université des Comores, il siège au Conseil d'administration de l’Université. Il effectuera plusieurs séjours d’études à l’étranger, notamment à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne.
Ami et confident de nombreux hauts cadres du pays, il fut l’un des plus proches amis du président de la République Azali Assoumani. Mufti Said Toihir a été un véritable érudit, un intellectuel et un grand chercheur de ce pays et de la région d’Afrique de l’Est. Paix à son âme.
Dr. Ahmed Ouledi
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
COMMENTAIRES