Doctrine Macron sur l'Afrique ? un tournant prometteur mais inachevé. Nombreux sont ceux qui se demandent : le New deal d'Emmanuel Macron avec l'Afriq
Doctrine Macron sur l'Afrique ? un tournant prometteur mais inachevé
Nombreux sont ceux qui se demandent : le New deal d'Emmanuel Macron avec l'Afrique est-il viable ou une simple doctrine de pacotille ? Afro-pessimisme oblige, d'aucuns ont un préjugé contre l'idée que la France soit capable de se remettre en cause et de couper le cordon ombilical avec la France-Afrique. Ils en ont tellement vu qu'ils craignent que l'initiative de Montpellier ne soit pas de la poudre de perlimpinpin. À les entendre, certains considèreraient le sommet de Montpellier comme un spectacle permettant à des comédiens africains de venir amuser la galerie.
Pour d'autres, ce serait une opération de relations publiques grandeur nature visant à donner un nouveau souffle au néocolonialisme. Pour ce beau monde africain, la France n'est pas en odeur de sainteté en raison du soutien qu'elle apporte à ce syndicat de chefs d'État jugés peu fréquentables du fait de leur illégitimité, de leur dictature et de leur corruption caractérisée. Qui croire, en fait, entre Macron, allié des dictateurs africains, et Macron, innovateur bienvenu de la coopération franco-africaine ?
Pourtant, en dépit de cette contradiction, l'esprit du modèle de coopération inauguré à Montpellier la semaine dernière correspond à son discours prononcé en novembre 2017 à l'Université de Ouagadougou. En plus de l'engagement d'augmenter considérablement les financements de l'aide publique au développement, avec à la clé 1 milliard d'€ dès 2019, le Président français avait annoncé le lancement d'une politique de développement partenariale associant la société civile, la jeunesse, les entreprises et les diasporas.
Nul n'est obligé de croire E. Macron sur parole ; mais d'avoir convié ces acteurs socio-economiques à Montpellier pour jeter les bases de la nouvelle relation franco-africaine initiée dans son discours du Burkina-Faso, cela montre que sur ce dossier il a de la suite dans les idées. Reste que, si intéressant soit-il, son plan garde quelque chose d'inachevé que le gouvernement français doit, par souci de crédibilité, s'efforcer de combler.
Force est en effet de constater que dans cet échafaudage, l'État et ses collectivités territoriales brillent par leur absence. Si, en inscrivant les chefs d'État africains aux abonnés absents, Monsieur Macron voulait rendre visible le changement et signifier qu'il n'a pas d'atomes crochus avec les dictateurs, cela n'empêche que sur le papier il devrait être précisé la place et le rôle stratégique de l'État dans ce modèle de coopération new-look.
Car cela va sans dire qu'une telle construction ne pourrait être viable sans être soutenue par une charpente et que c'est à l'État africain qu'il appartient de jouer ce rôle d'ossature. Il est d'ailleurs important de noter que ce dernier devra être en même temps au four et au moulin. En tant que stratège, l'État fixe le cadrage de la politique à mener, et en tant qu'acteur il participe aux opérations convenues de commun accord avec les autres parties prenantes : entreprises, société civile, diaspora, jeunesse et partenaires au développement, notamment la France.
Pour être la locomotive de ce modèle de développement interpartenarial et participatif, les États africains doivent être dirigés non par des gouvernants d'opérette corrompus, préoccupés par l'appât du gain, les sociétés offshore et le blanchiment d'argent sale dans des paradis fiscaux ; mais plutôt par des vrais hommes d'État qui ont l'intérêt général et la culture démocratique chevillés au corps. C'est pourquoi on ne peut pas faire l'impasse sur une question que les interlocuteurs africains d'E.
Macron ont omis de lui poser à Montpellier : la France entend-elle lier le geste à la parole en lâchant les dictatures africaines au profit des peuples en lutte pour la démocratie et l'État de droit ? Quant aux démocrates africains : sont-ils prêts de saisir rapidement cette main tendue par la France, conquérir la démocratie pour en finir avec la mafia et le pouvoir personnel, au lieu de se laisser dévorer par l'afro-pessimisme.
Youssouf Boina, ancien SG du parti UPDC
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