L’après-Azali c’est maintenant En abordant maintenant ce chapitre de notre histoire, d’aucuns trouveront peut-être que je vais trop vi...
En abordant maintenant ce chapitre de notre histoire, d’aucuns trouveront
peut-être que je vais trop vite en besogne. Et que traiter de l’après-Azali
avant de tourner la page de la dictature c’est illogique, un peu comme si on
mettait la charrue avant les bœufs. Cette attitude peut se comprendre
aisément. En effet, au vu des soubresauts marquant la fin de règne de ce
régime sanguinaire, il est tout à fait naturel que certains naïfs se laissent
duper, en croyant un tantinet à l’infaillibilité imaginaire du colonel
Azali.
Ce mythe que cherchent à construire ses courtisans vise à faire croire que,
malgré l’isolement tous azimuts du régime, la dictature est irrésistible et
que Azali serait indéboulonnable voire immortel. Celui-ci caresserait même le
rêve fou de vouloir ériger sa propre famille en dynastie présidentielle. Au
fait, quelles sont les folles idées qui traversent la tête du tyran comorien
le poussant à franchir cette ligne rouge, en prétendant passer le flambeau de
Beiti-salam soit à son fils Loukman, soit à son neveu Idaroussi ?
Il se peut que la situation qui prévaut dans beaucoup de pays africains, comme
c’est le cas à l’heure actuelle au Tchad, amène le dictateur comorien à se
faire des illusions. Même si cela dépasse l’entendement du commun des mortels,
il n’y a rien de plus normal pour Assoumani Azali que de transformer les
Comores en petit royaume et d’ajouter le nom de son fils à la liste des « fils
de » : Kabila, Bongo, Gnassingbé et, aujourd’hui, Idris Déby.
Maintenant, dans le cas comorien, il y a loin du rêve à la réalité. Il faut
vraiment être né de la dernière pluie pour oublier qu’en leur temps AHMED
Abdallah et ALI Soilihi espéraient, eux aussi, s’éterniser au pouvoir. Et
pourtant, faute de l’adhésion populaire, leurs projets tombèrent fatalement à
l’eau.
La difficulté est qu’aujourd’hui, malgré le rejet massif du régime, nombre de
nos responsables politiques ayant l’esprit de chapelle sont réfractaires à la
nécessaire exigence de rassemblement des forces vives en lutte contre la
dictature.
La dernière goutte d’eau qui risque de faire déborder le vase est cette
obsession du leadership qui privilégie les ambitions personnelles à l’intérêt
général, la division à l’unité. Certains vendent même la peau de l’ours avant
de l’avoir tué. Or, rien ne sera possible avant le départ Azali.
C’est une situation déplorable alors que nous nous devons d’agglomérer toutes
les forces vives du pays pour donner le coup de grâce qui achèvera
définitivement la dictature. Force est de se rendre à l’évidence que la
crédibilité et l’efficience de notre action politique dépendront au minimum de
quatre facteurs clés : la légitimité du leadership, le souci de rassembler
toutes nos forces sans exclusive, l’esprit consensuel des décisions et
l’efficacité de notre organisation.
Dans cette dernière ligne droite, nous n’avons pas le droit à l’erreur. C’est
pourquoi je tiens à saluer l’esprit de lucidité et de responsabilité qui a
prévalu dans le choix de Mohamed Ali Soilihi (alias Mamadou) en qualité de
leader du front commun de résistance contre la dictature.
À n’en pas douter, compte tenu de son esprit d’ouverture, de sa pondération et
de ses expériences concluantes, c’est l’homme de la situation pour rassembler
toutes nos forces où qu’elles se trouvent. Il nous appartient maintenant à
l’aider pour réussir cette délicate mission.
Dieu sait que le Front de résistance doit être le point de ralliement aussi
bien des formations politiques que des divers mouvements de la société civile
opposés à la dictature. Il s’agit en quelque sorte d’un forum qui doit fédérer
des masses de gens pour renverser la dictature et permettre de forger une
certaine idée des Comores de demain.
Qu’on se le dise ! Notre objectif n’est pas seulement de chasser un Azali de
Beiti-salam pour qu’un autre s’y mette. S’il en était ainsi, le jeu n’en
vaudrait pas la chandelle. Le pays a besoin à la fois d’une alternance et
d’une alternative crédible.
Par Youssouf Boina, ancien SG du parti UPDC
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