Une minute d'Histoire des Comores... 5 décembre 1989, le début de la fin de la présence permanente des mercenaires aux Comores Mardi 5 ...
5 décembre 1989, le début de la fin de la présence permanente des mercenaires aux Comores
Mardi 5 décembre 1989 à 10 heures, le mercenaire Bob Denard compte organiser un hitima pour se disculper de l'accusation de l'assassinat du président Abdallah.
Tout est symbolique, un mardi, jour de référence et de préférence pour les charifs, descendants du prophète Muhammad saw, pour lire le doua, 10 heures, l'heure supposée adaptée pour de telles circonstances, la grande Mosquée de Moroni, symbole de l'Islam et patrimoine des Comores.
Vers 9 heures, quelques jeunes dont moi sommes présents sur la place Badjdanani pour assister à ce simulacre.
La ville est quadrillée par la grade présidentielle en tenue militaire ou civile. Ce jour, les moyens déployés n'ont fait que confirmer qui est le véritable maître des Comores, Bob Denard qui dispose des forces de sécurité de l'archipel.
Vers 9h 20, la rumeur se propage sur une injonction du grand Moufti aux lecteurs de Coran de ne pas se présenter à cette prière.
Vers 9h 30, panique à bord, le grand Moufti, le regretté Saïd Mohammed Abdourahmane, paix à son âme incha Allah amine, est aperçu dans sa voiture officielle se dirigeant vers ses bureaux, sis à son domicile familial à Mbawapwani, Moroni Badjanani.
Vers 9 h 50, Bob Denard dans une voiture Peugeot 405, en costume gris, portant le kofia comorien, se présente à la mosquée vide. Vers 10 heures, aucun lecteur ne s'est présenté à son doua. Seul le cadi Saïd Mohamed Djelane, proche parent de sa femme Maman Tsara, s'est présenté pour lui signifier le refus des Comoriens de lire ce doua tant souhaité par Bob Denard.
Vers 10 heures 10-15, Bob Denard sort de la mosquée sous les flash des journalistes et de la foule présente.
Une fois dans sa voiture et repartant pour regagner son camp de Kadaani, tous présents, spontanément et d'un courage assez inattendu, nous avons tous crié "assassin". Ce mot spontané a été repris par la presse écrite française et par Radio France Internationale.
C'est la première fois que les Comoriens ont osé braver leurs peurs et osé faire face collectivement aux mercenaires. Cet évènement sera suivi par la manifestation du 7 décembre que j'aurai l'occasion d'y revenir ce lundi.
Je souhaite donc insister ce jour sur le rôle discret mais rebelle du Grand Moufti face aux mercenaires au lendemain de l'assassinat d président Abdallah. La nuit de l'assassinat, le gouvernement s'est réuni à Beit-Salam, siège de la présidence de la République. Face à Bob Denard, aucun n'ose parler, un silence religieux s'est imposé à l'assistance.
Selon 7 personnes présentes dont trois ministres en exercice, Bob Denard souhaitait enterrer le président Abdallah à son domicile à proximité des bureaux présidentiels.
Seul le Grand Moufti s'est rebellé en demandant d'abord au mercenaire qu'il souhaite accéder au corps du président Abdallah pour constater sa mort. Accompagné du Commandant Mradabi, il s'est rendu au domicile du Président pour confirmer l'assassinat.
Une fois de retour à Beït-Salam, il a exigé à Bob Denard que le corps soit transféré à Anjouan pour respecter la volonté du président défunt. S'en suit quelques échanges parfois houleux où le Moufti a fini par imposer sa décision.
Durant cette période, il a pu modestement contribuer contre Bob Denard en exigeant le refus des charifs à cette cérémonie. Sans doute, cet évènement était le premier des autres soulèvements contre la présence de Bob Denard durant cette période.
Par Nakidine Mattoir
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