L’Etat comorien doit abolir la peine de mort Au terme des dernières audiences des cours d’assises tenues dans les ressorts des cours d’appel...
Au terme des dernières audiences des cours d’assises tenues dans les ressorts des cours d’appel des îles, sept accusés ont écopé de la peine capitale. Sept condamnations à la peine de mort en l’espace de quelques jours, cela fait trop. Ça donne l’image d’une justice expéditive d’une République bananière. Ça ternit l’image du pays. Ça éloigne celui-ci de l’Etat de droit et du concert des nations qui se réclament comme tel.
Il faut le dire d’emblée. Cette peine est contraire à ce que l’humanité a pensé de plus haut et a rêvé de plus noble, pour reprendre le père de l’abolition de la peine de mort en France, Monsieur Robert Badinter.
Pourtant, l’article 7 du code pénal comorien prévoit la mort parmi les peines à prononcer en matière criminelle.
Il n’y a pas que le meurtre qui est sanctionné par la peine de mort. Sont également passibles de la peine de mort, la castration, l’incendie volontaire de bâtiments ou véhicules occupés, le vol à main armée, les tentatives de meurtre sur enfant de moins de 15 ans ou d’un magistrat, fonctionnaire ou citoyen employé par le gouvernement, la trahison ou l’espionnage contre les l’Etat, les attentats, le viol s'il entraîne le décès de la victime ou s'il a été commis avec des actes de torture ou de barbarie…etc. C’est ainsi que plusieurs condamnations à mort sont prononcées à chaque session des audiences de la cour d’assises.
Et ce n’est pas tout. L’article 12 du même code dit que tout condamné à mort sera fusillé. Il faut avouer que c’est inhumain. C’est cruel et c’est dégradant. Personne ne dirait le contraire. Sauf si on est particulièrement attiré par la sensation et l’odeur du sang.
Décider collectivement de la vie ou de la mort d’un être humain, aussi ignoble que soit l’acte qu’il ait commis, n’a rien de grand et ni de droit.
Heureusement qu’en dépit de la multiplication des condamnations à mort, le pays observe un moratoire sur les exécutions et n’en a connu que trois depuis son indépendance : une sous le régime du président Ali Soilihi et deux sous celui du président Mohamed Taki Abdoulkarim.
Aujourd’hui, plusieurs raisons militent pour l’abolition de la peine de mort aux Comores.
Primo, il faut noter que la constitution, ainsi que nombre d’accords et de conventions internationaux dont les Comores sont signataires tels la Charte africaine de droits de l’homme et des peuples, la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, consacrent l’inviolabilité de la personne humaine, ainsi que le droit au respect de la vie et à l'intégrité physique et morale de la personne.
A titre d’illustration, l’article 20 de la constitution dit que l’intégrité physique et morale de la personne est inviolable et que nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements cruels, dégradants ou inhumains.
De facto, la peine de mort est aujourd’hui universellement reconnue comme étant une peine cruelle, dégradante et inhumaine.
De fait, les magistrats comoriens sont soumis au respect des dispositions constitutionnelles et des normes conventionnelles quand ils rendent la justice. Ils ne peuvent pas prononcer des peines prévues par des dispositions législatives ou réglementaires qui sont contraires à la constitution.
En ce qui concerne les dispositions conventionnelles, l’article 12 de la constitution s’est montré très explicite en prévoyant que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une valeur supérieure à celle des lois de l’Union. Cela sous entend que la loi nationale contraire à une disposition conventionnelle n’a pas vocation à s’appliquer.
Secundo, il n’a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante. D’ailleurs, il est reconnu que les pays ayant aboli la peine de mort connaissent un taux de criminalité plus faible que celui des pays qui l’appliquent.
Tertio, l’erreur judiciaire guette, existe et est latente. Contrairement à d’autres peines, l’exécution de la peine par la mort est irréversiblement réparable. Comme disait Jaques Chirac, le président qui a inscrit l’interdiction de la peine de mort dans la constitution française, nul justice n’est infaillible et chaque exécution peut tuer un innocent. Quid de notre justice confrontée à de multiples difficultés d’ordre humain et matériel et à une nette absence d’expertise psychiatrique, criminologique et criminalistique ?
Quarto, l’Etat comorien ne peut aucunement aspirer à devenir un Etat entièrement soumis au droit et tourner vers l’émergence économique s’il laisse subsister dans sa législation des pratiques d’un autre siècle et complètement aux antipode des droits et libertés du monde moderne.
Abdou elwahab Moussa
Maitre de conférences à l’Université des Comores
Avocat au Barreau de Moroni
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
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