Pour la vie La peine de mort est une abomination qu’aucun pays ne devrait tolérer. La propension actuelle de certains compatriotes à l'...
La peine de mort est une abomination qu’aucun pays ne devrait tolérer. La propension actuelle de certains compatriotes à l'accepter, sous le coup de l'émotion, doit nous inquiéter. D’autant plus que, nous Comoriens, sommes en réalité des gens tournés vers la vie, qui n’ont jamais été enfermés, au fil de notre histoire, dans des dynamiques de destruction physique. (Certains historiens y voient une faiblesse, moi j'y vois un choix délibéré pour la vie contre la mort)... La faiblesse des chiffres en matière de crimes sanglants, au long des siècles dans l’archipel des Comores, le démontre suffisamment.
D'un autre côté, l’argument religieux qu’on nous sert à satiété ne résiste pas. « Il n’y pas de débat possible sur la peine de mort. Dieu a tranché. Nous devons nous soumettre comme nous nous soumettons à l’obligation de la prière », m’expliquait hier un juriste acquis à l'exécution des personnes coupables de crimes de sang.
Qu’on me le pardonne mais l’adhésion de ce peuple aux exigences de la religion me parait bien sélective. Car c’est bien le même Dieu, dans le même Coran, qui nous demande, d’avoir foi en lui, d’effectuer de bonnes œuvres (Amilu s-swalihati), de nous recommander mutuellement l’équité ( watawasaw bi llhak) et de nous recommander mutuellement l'endurance ( watwasawu bis swabr). Peut-on sérieusement prétendre qu’il y a un début de respect de ce contenu sur cette terre d’Islam ?
On l’oublie souvent mais la religion est un tout. Elle tient depuis 15 siècles parce qu’elle a ses points d’équilibre et d’appui. Extraire juste un verset parce qu’il nous arrange un moment tout en tournant le dos au reste du Rissala a quelque chose d’incohérent.
Et puis « dans la réalité judiciaire, qu'est-ce que la peine de mort? » s’interroge Robert Badinter avant de poursuivre : « ce sont douze hommes et femmes, deux jours d'audience, l'impossibilité d'aller jusqu'au fond des choses et le droit, ou le devoir, terrible, de trancher, en quelques quarts d'heure, parfois quelques minutes, le problème si difficile de la culpabilité, et, au-delà, de décider de la vie ou de la mort d'un autre être ».
Croit-on sincèrement que le Maitre des Mondes et des Hommes autorise 12 personnes triées sur le volet à décider de la mort d’une autre personne en quelques heures ? Cette procédure expéditive, Dieu nous l’a commandée où ? dans quel texte ?
La sévérité d'une telle condamnation suppose, en outre, que le condamné soit pleinement responsable du crime jugé. Connaissez-vous un criminel dont "la culpabilité est totale", n’est pas liée à des parents défaillants, à une école incompétente, à de mauvaises fréquentations, à une situation professionnelle chaotique, à des circonstances qui ne dépendaient pas de lui ? Et pourquoi alors une seule personne doit avoir la tête coupée pour une série de ratages qui la dépassent ? Par ailleurs, pourquoi pour la peine de mort, on a soudainement la certitude que ceux qui jugent ne se trompent pas?
Et que dire des déments ? où est l’expertise psycho-légale en République comorienne aujourd’hui qui peut déterminer avec certitude qu’une personne condamnée n’a pas le jugement altéré par quelque maladie mentale inconnue du grand public ?
Quant à l’argument selon lequel, la peine de mort pourrait faire baisser le nombre de crimes on sait, depuis le premier ministre français Artiste Briand, qu’il ne repose sur rien... La perspective de la mort n’a jamais empêché de tuer. Sinon le Texas serait aujourd'hui une contrée libérée de tout crime de sang tandis que personne au monde ne songerait à devenir soldat.
Publié le 09 octobre et mis à jour à 21h45
Par Ali Moindjié
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