Nicolas Barbet, né de père français, se bat pour obtenir la nationalité française. INDEPENDANT / CHRISTOPHE BARREAU La France refuse ob...
Nicolas Barbet, né de père français, se bat pour obtenir la nationalité française. INDEPENDANT / CHRISTOPHE BARREAU |
La France refuse obstinément la nationalité française à Nicolas Barbet, 31 ans, alors que son père est français, qu'il est arrivé en France à l'âge de 10 ans et que ses cinq enfants sont français nés sur le territoire français. Une histoire ubuesque qui gâche - et a même failli détruire - la vie du jeune homme.
Nicolas Barbet est un cas à part. Unique ? "En tout cas, même la Cimad1 qui soutient les réfugiés, les sans-papiers m'a dit qu'elle n'avait jamais vu ça... Et même l'avocate qui jusque-là me défendait a préféré jeter l'éponge, tant cette histoire est hallucinante !"
Nicolas Barbet a 31 ans. Né aux Comores, d'un père français et d'une mère malgache, il a vécu quelques années aux Comores avant d'émigrer à Madagascar et de débarquer dans l'Hexagone à l'âge de 10 ans pour enfin, à 14 ans, poser ses bagages dans le Narbonnais, à Montséret où il vit toujours avec trois de ses cinq enfants. Trois garçons âgés de 11, 9 et 7 ans.
À sa naissance, son père l'a reconnu. Seulement, trois ans plus tard, alors que ses parents se sont entre-temps séparés, son beau-père - également de nationalité française ! - le reconnaît également, devant un notaire français qui plus est. Cette seconde reconnaissance de paternité est une anomalie, que l'administration française n'aurait jamais due enregistrée...
Même la Cimad n'avait jamais vu ça !
Cette erreur se trouve à l'origine de l'imbroglio administratif qui bousille littéralement l'existence de Nicolas Barbet. Lorsqu'il était mineur, il disposait d'un passeport français qui lui permettait de voyager, mais n'avait pas de carte nationale d'identité (CNI). Alors, naturellement à sa majorité Nicolas en fait la demande. L'administration lui réclame alors un extrait de naissance. Pour le Montsérétois le calvaire commence.
"J'ai découvert à cette occasion, en 2009, que je n'étais pas inscrit à Nantes, où l'on délivre les extraits de naissance. On m'a expliqué qu'il fallait que j'obtienne un certificat de nationalité pour que je finalise un nouveau dossier. Nous sommes maintenant en 2011. Au tribunal de Carcassonne, on me dit d'attendre six mois, puis un an pour avoir ce certificat. Finalement, les années passent. En 2014, je décide de retourner à Carcassonne, car ça n'avançait jamais...", raconte l'infortuné Nicolas.
À ce stade, il faut préciser que la tante de Nicolas a même dû se rendre aux Comores pour récupérer un extrait de naissance de Nicolas... Et les problèmes débutent à peine... "Au tribunal de Carcassonne une dame m'apprend enfin que c'est bon, que le dossier est complet et qu'elle l'envoie à Nantes."
Mais à nouveau, les années passent, et en 2016, Nicolas perd patience et retourne encore à Carcassonne où il apprend que son dossier a été réexpédié par Nantes : son certificat de nationalité lui aurait été décerné à tort. "J’étais vraiment énervé, alors je me suis saisi du certificat et je suis parti !"
Les patrons fuient quand je leur dis qu'il faut me payer sur un compte qui n'est pas à mon nom
Deux mois plus tard, le tribunal de Marseille le convoque pour officialiser la nullité de son certificat. En cause, cette double reconnaissance de paternité... Après bien des atermoiements juridiques, cette décision lui a été confirmée en février 2020.
Nicolas Barbet reste donc apatride. Apatride ? Nicolas n'a jamais pu disposer d'un compte bancaire, passer le permis de conduire... Sans compte bancaire, sans papier d'identité, comment trouver un travail stable ? "Je vis avec un compte Nickel au nom de ma sœur... Mais les patrons fuient quand je leur explique que je n'ai pas de carte d'identité, qu'il faut me virer le salaire sur un compte qui n'est pas à mon nom... C'est infernal."
Psychologiquement, cette situation a épuisé Nicolas. Absolument traumatisé. "À 16 ans, je travaillais déjà dans la restauration, à 19 ans, je créais mon entreprise de maçonnerie, moi je n'étais pas programmé pour vivre sans papier, dans cette espèce de clandestinité qui ruine tous mes projets de vie... J'ai du courage, du potentiel à la base, et cette situation m'oblige à végéter... Heureusement, mes enfants me tiennent, mes projets artistiques2 aussi (lire l'article en lien sur notre site ou notre édition du 16 août 2020, Ndlr)", égrène un Nicolas au bord des larmes.
"Mes couples aussi ont périclité à cause de ça. Au début, c'est bien, on se dit qu'on va se battre à deux, et puis au bout d'un moment, elles en ont eu marre de vivre ce cauchemar : jamais de vacances, la peur de la police... Mon nom n'est même pas inscrit sur le livret de famille de mes enfants !"
"Mes couples aussi ont périclité à cause de ça. Au début, c'est bien, on se dit qu'on va se battre à deux, et puis au bout d'un moment, elles en ont eu marre de vivre ce cauchemar : jamais de vacances, la peur de la police... Mon nom n'est même pas inscrit sur le livret de famille de mes enfants !"
J'ai du courage, du potentiel à la base, et cette situation m'oblige à végéter
La police, la justice, Nicolas connaît. L'homme a même séjourné brièvement en prison. "À un moment, j'ai bien dû trouver une solution pour subsister et pallier mes problèmes administratifs... C'était une erreur. En 2016, j'ai provoqué un gros accident de la circulation qui heureusement n'a pas fait de blessé, mais ç'a été un déclic psychologique. Depuis, j'ai changé de mode de vie et je m'occupe de mes enfants.. Mais de vivre avec la boule au ventre, je n'en peux plus... Je veux que tout ça s'arrête."
Maintenant ? "Me Arash Derambakhsh, avocat au barreau de Paris, s'intéresse à mon cas. Nous verrons... Je veux y croire. Il faut que ça change, parce que je suis fatigué", conclut celui qui, malgré son absence de nationalité, a tout de même reçu une carte d'électeur à la faveur des élections municipales...
1 La Cimad est une association de soutien politique aux migrants.
2 Nicolas Barbet est un rappeur, un artiste qui publiera prochainement l'album "Apatride". Nom de scène : Sarkouz1.
Nicolas Boussu ©lindependant.fr
COMMENTAIRES