Port de Mutsamudu Quelques mois après son investiture à la tête des Comores en mai 2016, le président revenant Azali Assoumani, sans do...
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Quelques mois après son investiture à la tête des Comores en mai 2016, le président revenant Azali Assoumani, sans doute conseillé par un ténor africain, s'est engagé à conduire le pays vers l'émergence à l'horizon 2030.
Ce concept, en vogue dans le continent noir depuis une dizaine d'années a été choisi pour faciliter le projet de M. Azali de changer la constitution, modifier la tournante et rester au pouvoir le plus longtemps possible. Une ruse. Le choix de 2030 n'est d'ailleurs pas anodin.
Car en effet, si l'on s'intéresse de près au contenu du concept, on peut s'apercevoir clairement de la difficulté d'y arriver eu egard au chemin dans lequel le pays est engagé depuis 2018.
L'émergence est « un processus de transformation économique soutenue qui se traduit par des performances aux plans social et humain, et qui prend place dans un contexte politique et institutionnel stable susceptible d’en assurer la soutenabilité", indique l'observatoire pour l'émergence en Afrique dans la première édition de son « Index de l’émergence en Afrique » datant de 2017.
A l'époque, les Comores étaient classées dans le groupe dit "pays potentiels" considérés en ce sens qu'ils "ne sont pas encore arrivés à créer les synergies nécessaires entre leurs ressources et les opportunités pour une mise en œuvre plus hardie".
Ce classement nous lançait dans le défi énorme de passer rapidement au groupe dit "pays seuil" avant de rejoindre les 11 pays -sur les 54 du continent -qui sont considérés comme pays émergents: l'île Maurice, l'Afrique du Sud, les Seychelles, le Botswana, le Cap-Vert, le Rwanda, le Ghana, la Tunisie, la Namibie, le Maroc et Sao Tomé-et-Principe.
Et pourtant, au lieu d'engager tout de suite le pays dans les réformes économiques et sociales nécessaires, renforcer les conditions de stabilité politique et de cohésion sociale, Azali Assoumani a opté pour une stratégie destabilisatrice des institutions et de violations des droits humains. Résultat : climat politique et social tendu, chute considérable de tous les indicateurs, fuite des investisseurs…etc.
A titre d'exemple : en 2019, la croissance du PIB est tombée à 2,4% contre 3,8% en 2018; Les recettes intérieures quant à elles ont chuté à 47,7 milliards contre 57,3 milliards en 2018. Dans le même temps, le pays poursuit son endettement massif jusqu'à atteindre 162,477 milliards au 31 décembre 2019 contre 69,887 milliards il y a 4 ans, sans que l'on voit des réalisations exceptionnelles.
Bref, les Comores se sont débrouillées en l'espace de 4 ans pour se classer parmi le groupe des "autres" qui n'affichent pas de "résultats pouvant autoriser qu'ils soient sur la voie de l'émergence". C'est en tout cas ce qu'on attend, hélas, dans les conclusions de la prochaine évaluation.
Et ce n'est pas faute d'avoir été prévenus. La mission du FMI qui s'était rendue aux Comores en décembre dernier avait ainsi alerté : "Pour atteindre l’émergence, la mission recommande de s’attaquer à l’aspect institutionnel et économique de la fragilité. Des réformes clé à entreprendre dans le domaine institutionnel consistent à renforcer la fonction publique, rehausser la gouvernance, et renforcer le système judiciaire afin de permettre de mieux protéger les droits de propriété et d’aider les parties privées à appliquer les contrats".
Et bien, on a beau dire avoir le soutien de la communauté internationale, croire avoir mis sous cloche l'opposition, il est des fois où la réalité balaie les prétentions et impose les faits. Et ils sont là depuis un moment.
L'euphorie d'après assises a laissé la place à la désillusion. Aucun investisseur ne se précipite pendant que ceux qui s'étaient avancés reculent après avoir compris le risque grandissant. Le secteur bancaire, notamment, paie le lourd tribut dans ce sens.
Émergence oui, tout le monde est pour. Seulement, il faut créer les conditions d'une telle ambition qui devait être collective. Et jusqu'à présent, on a l'impression que, les Comores malgré des atouts considérables sont engagées dans une mission quasi-impossible.
(Paru dans l'édition de ce jeudi du Al-fajr Quotidien)
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