Le président comorien s'est mobilisé pour remplir son carnet de projets autour de bailleurs de fonds publics et privés dans le cadre ...
Le président comorien s'est mobilisé pour remplir son carnet de projets autour de bailleurs de fonds publics et privés dans le cadre du Plan Comores émergent
Azali Assoumani ne veut plus perdre de temps. Chef de l'État de 1999 à 2006, réélu en 2016, le colonel Azali, ancien putschiste, a remporté la dernière élection présidentielle le 24 mars avec 59,09 % des voix au premier tour dans un contexte politique extrêmement tendu. Ensuite, tout est allé très vite. Réchauffement des relations avec la France avec deux déplacements en juillet et novembre, appel au dialogue avec l'opposition, et enfin, le lancement du Plan Comores émergent (PCE).
Sa première mission, le président comorien l'a promis, est de faire entrer son pays dans la catégorie des pays émergents d'ici à 2030. « Notre pays est engagé dans un programme de grands chantiers, portuaires, aéroportuaires, hospitaliers, l'énergie », a-t-il dit et répété. Pour cela, le président comorien a mené une intense campagne de lobbying auprès des autorités françaises pour qu'elles l'accompagnent dans la réalisation de ce plan.
Si malgré tout, l'archipel de l'Océan indien connaît une relative stabilité depuis quelques années, la réélection de Azali Assoumani en mars, après un référendum l'autorisant à se présenter pour un second mandat, a suscité une vague d'indignation de la population. Les Comoriens se sont prononcés en juin 2018 pour une révision constitutionnelle qui autorise le président à briguer deux autres mandats à compter du scrutin de mars. La loi fondamentale lui interdisait auparavant de se représenter. L'opposition a jugé le référendum illégal. « Les Comores, malheureusement, ont vécu des moments difficiles et on a décidé de tourner la page », a préféré balayer Azali Assoumani.
« C'est la volonté du président de la République de voir d'ici les dix prochaines années une économie restructurée pour répondre aux besoins socio-économiques de la population et un pays modernisé », explique-t-il. « Nous visons une croissance économique de 8 %. C'est ambitieux, mais cela nous permettra justement de financer nous-mêmes des secteurs importants de notre économie », ajoute-t-il. « Nous sommes venus chercher un complément de financement qui puisse nous permettre plus tard de faire beaucoup de choses, non pas seuls mais avec des capacités accrues sur le plan monétaire », détaille le ministre au vaste portefeuille allant de l'Économie, aux Investissements et l'Énergie.
Alors que la croissance économique s'est maintenue à 2,8 % en 2018, grâce à l'amélioration de l'approvisionnement en électricité et à une hausse de compétitivité dans le secteur des télécoms, la survie économique et financière n'est possible que par le soutien extérieur apporté par les bailleurs et certains pays, notamment du Golfe, sans oublier le niveau élevé des transferts des migrants (plus de 25 % du PIB). Mais ces transferts ne financent que peu d'investissements productifs. « La diaspora joue un rôle très important, son poids économique représente le double du budget réel national, mais malheureusement, les envois servent encore trop souvent à la consommation, notamment pour ce qu'on appelle chez nous "la cérémonie du grand mariage". L'idée et la vision du président sont de faire en sorte que la diaspora partout où elle soit puisse venir investir dans les Comores », ajoute encore Houmed Msadié.
Mais tout cela est bien dérisoire face à l'ampleur des chantiers en cours : développer les infrastructures et les services, mettre à niveau l'agriculture, et surtout, améliorer le revenu des ménages, donc le pouvoir d'achat de la population. Pour Mark Lundell, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la région, « le PCE est le premier plan qui lie les secteurs économiques entre eux ». Et sa banque d'identifier plusieurs secteurs prioritaires : comme l'inclusion financière, la santé, la protection sociale. Sans oublier les infrastructures « y compris des routes pour améliorer la connectivité entre les zones rurales et les centres urbain, mais aussi la connexion entre les îles. Nous pensons que c'est vital pour avoir beaucoup plus d'engagements entre îles en termes économiques et sociaux. Et puis, il y a aussi le secteur des énergies, où la question des coûts est très importante parce que les coûts sont très élevés par rapport à d'autres pays.
Et avec l'introduction des énergies renouvelables notamment le solaire, il est possible de baisser un peu les coûts de l'énergie pour avoir plus de durabilité », développe-t-il pour Le Point Afrique. La Banque mondiale s'est engagée à hauteur de 175 millions de dollars. Six projets ont déjà été identifiés et deux d'entre eux devraient être approuvés d'ici au premier trimestre 2020. Si les promesses se sont multipliées au cours de la conférence, Moroni ne touchera pas pour autant un chèque en blanc. En effet, le système financier comorien présente de nombreuses faiblesses. Les banques ne prêtent pas faute de garantie suffisante. Pour améliorer ce cadre Mark Lundell souhaite à travers la Banque mondiale une mobilisation de tous les partenaires, afin d'épurer un système judiciaire qui n'est pas encore tout à fait indépendant. « On doit se focaliser sur l'indépendance du système juridique pour diminuer l'incertitude du système financier », reconnaît ce fin connaisseur de l'océan Indien.
Les textes relatifs au cadre des investissements ont aussi évolué. Cependant, la dirigeante note des lenteurs administratives qui entravent l'activité normale des entreprises comoriennes. « La volonté du chef de l'État seule ne suffit pas, il faut aussi faire comprendre à l'administration l'intérêt de ce plan », nuance-t-elle. En effet, souligne cette brillante cheffe d'entreprise qui a étudié la comptabilité et le marketing en France avant de rentrer, « le climat des affaires est tendu alors que tous les texte de lois, que ce soit le Code des douanes, le Code des investissements existent. Ils ont été votés, et ils sont incitatifs mais il manque le suivi. »
Autant de freins au développement des entreprises comoriennes qui ont connu comme évolution récente l'accès à l'électricité, même si elle vient à manquer dans certaines parties des îles – avant 2016, le pays était plongé dans le noir. Autre problème, les transports notamment des marchandises qui ne circulent pas. « Il faut savoir que les Comores, c'est tout petit, mais nous sommes dans des zones intéressantes comme la SADC qui nous ouvre des portes vers le marché africain, mais encore faut-il que l'on ait le suivi adéquat pour se bagarrer dans ces marchés », nous explique toujours enthousiaste Faharate Mahamoud.
Par Viviane Forson ©Lepoint.fr
Sa première mission, le président comorien l'a promis, est de faire entrer son pays dans la catégorie des pays émergents d'ici à 2030. « Notre pays est engagé dans un programme de grands chantiers, portuaires, aéroportuaires, hospitaliers, l'énergie », a-t-il dit et répété. Pour cela, le président comorien a mené une intense campagne de lobbying auprès des autorités françaises pour qu'elles l'accompagnent dans la réalisation de ce plan.
Sortir de l'ornière
Tout a été dit sur l'archipel comorien où vivent près de 800 000 habitants et dont plus de la moitié a moins de 20 ans. C'est l'un des pays les plus pauvres de la planète, régulièrement secoué par des rébellions et des coups d'État depuis la proclamation de son indépendance vis-à-vis de la France, en 1975. Ces populations vivent principalement grâce à l'exportation de vanille, de girofle et d'huile d'Ylang-Ylang, des filières soumises à de grandes fluctuations de prix. L'archipel fait aussi partie des nations les plus vulnérables au changement climatique et a lourdement souffert du passage du cyclone Kenneth en avril dernier.Si malgré tout, l'archipel de l'Océan indien connaît une relative stabilité depuis quelques années, la réélection de Azali Assoumani en mars, après un référendum l'autorisant à se présenter pour un second mandat, a suscité une vague d'indignation de la population. Les Comoriens se sont prononcés en juin 2018 pour une révision constitutionnelle qui autorise le président à briguer deux autres mandats à compter du scrutin de mars. La loi fondamentale lui interdisait auparavant de se représenter. L'opposition a jugé le référendum illégal. « Les Comores, malheureusement, ont vécu des moments difficiles et on a décidé de tourner la page », a préféré balayer Azali Assoumani.
Faire avec une économie vulnérable
Pour repartir, cet homme au verbe fleuri a fait le « show » dans les locaux de la Banque mondiale à Paris les lundi 2 et mardi 3 décembre lors de la conférence des partenaires au développement des Comores. Et les résultats n'ont pas tardé à suivre à travers des promesses des grands bailleurs et acteurs privés. Au total, ils se sont engagés à investir quelque 3,9 milliards d'euros. Une somme destinée à alléger la pauvreté, un fléau qui touche plus d'un Comorien sur deux et relancer l'économie du pays. Au micro du Point Afrique, le ministre de l'Économie, Houmed Msadié, n'a pas manqué de souligner son satisfecit.« C'est la volonté du président de la République de voir d'ici les dix prochaines années une économie restructurée pour répondre aux besoins socio-économiques de la population et un pays modernisé », explique-t-il. « Nous visons une croissance économique de 8 %. C'est ambitieux, mais cela nous permettra justement de financer nous-mêmes des secteurs importants de notre économie », ajoute-t-il. « Nous sommes venus chercher un complément de financement qui puisse nous permettre plus tard de faire beaucoup de choses, non pas seuls mais avec des capacités accrues sur le plan monétaire », détaille le ministre au vaste portefeuille allant de l'Économie, aux Investissements et l'Énergie.
Un ensemble de grands chantiers
« Le tourisme est notre priorité. Si nous arrivons à développer le secteur touristique, nous parviendrons à accélérer la croissance dans les autres secteurs que sont la pêche, l'agriculture. Dans ce volet agriculture, il y a deux visions : la première, c'est la sécurité alimentaire, et la deuxième, c'est la culture des rentes, nous avons l'ambition dans les dix ans de développer ces cultures de rente, mais aussi de les transformer sur place pour justement répondre aux besoins d'emplois de notre jeunesse », précise le ministre de l'Économie.Alors que la croissance économique s'est maintenue à 2,8 % en 2018, grâce à l'amélioration de l'approvisionnement en électricité et à une hausse de compétitivité dans le secteur des télécoms, la survie économique et financière n'est possible que par le soutien extérieur apporté par les bailleurs et certains pays, notamment du Golfe, sans oublier le niveau élevé des transferts des migrants (plus de 25 % du PIB). Mais ces transferts ne financent que peu d'investissements productifs. « La diaspora joue un rôle très important, son poids économique représente le double du budget réel national, mais malheureusement, les envois servent encore trop souvent à la consommation, notamment pour ce qu'on appelle chez nous "la cérémonie du grand mariage". L'idée et la vision du président sont de faire en sorte que la diaspora partout où elle soit puisse venir investir dans les Comores », ajoute encore Houmed Msadié.
Mais tout cela est bien dérisoire face à l'ampleur des chantiers en cours : développer les infrastructures et les services, mettre à niveau l'agriculture, et surtout, améliorer le revenu des ménages, donc le pouvoir d'achat de la population. Pour Mark Lundell, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la région, « le PCE est le premier plan qui lie les secteurs économiques entre eux ». Et sa banque d'identifier plusieurs secteurs prioritaires : comme l'inclusion financière, la santé, la protection sociale. Sans oublier les infrastructures « y compris des routes pour améliorer la connectivité entre les zones rurales et les centres urbain, mais aussi la connexion entre les îles. Nous pensons que c'est vital pour avoir beaucoup plus d'engagements entre îles en termes économiques et sociaux. Et puis, il y a aussi le secteur des énergies, où la question des coûts est très importante parce que les coûts sont très élevés par rapport à d'autres pays.
Et avec l'introduction des énergies renouvelables notamment le solaire, il est possible de baisser un peu les coûts de l'énergie pour avoir plus de durabilité », développe-t-il pour Le Point Afrique. La Banque mondiale s'est engagée à hauteur de 175 millions de dollars. Six projets ont déjà été identifiés et deux d'entre eux devraient être approuvés d'ici au premier trimestre 2020. Si les promesses se sont multipliées au cours de la conférence, Moroni ne touchera pas pour autant un chèque en blanc. En effet, le système financier comorien présente de nombreuses faiblesses. Les banques ne prêtent pas faute de garantie suffisante. Pour améliorer ce cadre Mark Lundell souhaite à travers la Banque mondiale une mobilisation de tous les partenaires, afin d'épurer un système judiciaire qui n'est pas encore tout à fait indépendant. « On doit se focaliser sur l'indépendance du système juridique pour diminuer l'incertitude du système financier », reconnaît ce fin connaisseur de l'océan Indien.
Attirer le secteur privé
« Tout reste à faire dans ce pays, en particulier dans les secteurs énergétiques », nous confie tout sourire un opérateur économique français spécialisé dans les énergies propres. Un enthousiasme qu'affichent également les acteurs économiques comoriens. Il ne faut pas se fier à sa petite taille et au ton fluet de sa voix, car Faharate Mahamoud est la patronne des patrons aux Comores où elle représente le Modec, le Mouvement des entreprises comoriennes. Cette femme dynamique dirige une société de bâtiment et travaux publics employant près de 150 personnes à Moroni depuis qu'elle a pris la sucession de son père, fondateur de l'entreprise dans les années 1980. Et d'après son expérience, la demande d'accompagnement se fait de plus en plus forte.Les textes relatifs au cadre des investissements ont aussi évolué. Cependant, la dirigeante note des lenteurs administratives qui entravent l'activité normale des entreprises comoriennes. « La volonté du chef de l'État seule ne suffit pas, il faut aussi faire comprendre à l'administration l'intérêt de ce plan », nuance-t-elle. En effet, souligne cette brillante cheffe d'entreprise qui a étudié la comptabilité et le marketing en France avant de rentrer, « le climat des affaires est tendu alors que tous les texte de lois, que ce soit le Code des douanes, le Code des investissements existent. Ils ont été votés, et ils sont incitatifs mais il manque le suivi. »
Autant de freins au développement des entreprises comoriennes qui ont connu comme évolution récente l'accès à l'électricité, même si elle vient à manquer dans certaines parties des îles – avant 2016, le pays était plongé dans le noir. Autre problème, les transports notamment des marchandises qui ne circulent pas. « Il faut savoir que les Comores, c'est tout petit, mais nous sommes dans des zones intéressantes comme la SADC qui nous ouvre des portes vers le marché africain, mais encore faut-il que l'on ait le suivi adéquat pour se bagarrer dans ces marchés », nous explique toujours enthousiaste Faharate Mahamoud.
Par Viviane Forson ©Lepoint.fr
COMMENTAIRES