Des convictions: Mon nom est Aboubacar, je suis un progressiste, libéral et féministe. De ce fait je n’avais, à priori, aucun intérêt à ...
Des convictions: Mon nom est Aboubacar, je suis un progressiste, libéral et féministe. De ce fait je n’avais, à priori, aucun intérêt à rendre visite au président Sambi que je considère comme un islamo-conservateur qui a mal gouverné à cause de sa naïveté et surtout à cause de certains de ses conseillers qui n’avaient absolument pas le sens de l’État et de l’intérêt commun. Les choses étant complexes, j’ai été amené de le rencontrer il y a deux semaines pour lui transmettre un message de soutien, pour le rassurer et pour clarifier des engagements qu’il a pris.
J’ai croisé Sambi une fois dans ma vie il y a plus de 25 ans et je n’ai aucun lien idéologique avec lui. Je suis de culture nord-américaine et de ce fait des mots comme procès juste et équitable ont un sens pour moi. Musulman et canadien, je m’efforce de toujours trouver des moyens pour bâtir des ponts pour sortir des tunnels sombres. Il ne s’agit pas de compromission mais de compromis pour avancer dans le sens du bien commun. Il ne s’agit absolument pas d’une tolérance à l’impunité mais d’une approche d’endiguement des sentiments d’excès pour arriver à un apaisement propice à la règle de droit et à la construction d’un destin commun. C’est l’approche de Mahomet et de tous ceux qui veulent construire l’avenir. Chez nous au Canada on appelle cela la paix des braves. Autant une dose de courage est nécessaire pour faire la guerre, autant une dose de bravoure est indispensable pour faire la paix.
Cela étant dit, un partisan de l’idéologie de Lincoln et de P. Trudeau comme moi ne pouvait pas garder le silence face à l’injustice que subit Sambi et les autres.
Avec une formation en administration des affaires, je connais le poids des mots évoqués plus haut dans les décisions d’investissement. La pauvreté extrême qui frappe les Comores exige un assainissement de la justice pour attirer des investisseurs capables de créer de la richesse et ainsi éliminer cette pauvreté.
Mieux encore, j’aimerais qu’un jour Sambi, Azali et les autres soient jugés à travers des procès justes et équitables qui respectent les règles de la procédure en particulier les droits de la défense. Utopique sans doute mais je sais aussi faire du pragmatisme comme l’ont fait des meilleurs que nous comme Mahomet lors de l’ouverture de la Mecque et Mandela à sa sortie de prison.
Fact: La justice comorienne actuelle est malheureusement incapable de tenir de tels procès car corrompue et mal équipée (ressources humaines bien formées, moyens matériels et infrastructures). Un pays ne peut émerger que s’il dispose d’une justice fonctionnelle, légitime, crédible, disciplinée et équipée. Sans porter outrage à quiconque, ça n’est pas le cas malgré la bonne volonté des hommes et des femmes au service de cette justice.
La surveillance: Dans ce contexte j’ai rendu visite au président Sambi. Arrivé sur place, les officiers de police en charge de surveiller sa résidence ont vérifié mon permis de visite (obtenu auprès du juge d’instruction, très courtois et plein d’humour), validé mon identité et retenu mon téléphone. J’ai attendu quelques minutes avant de pouvoir voir Sambi. Je profite ici pour saluer l’accueil de ces officiers et leur attitude très courtois malgré leurs conditions de travail difficiles (nourriture, matelas par terre et environnement pas très agréable de mon point de vue de nord-américain). Pour leur sécurité, ils ne m’ont jamais fait part de leurs conditions de travail mais c’est un constat que j’ai fait moi-même. Je suis un ancien auditeur, j’ai appris à observer et à écouter dans les détails.
Arrive le moment fatidique, la rencontre avec le président Sambi. A cet instant précis j’ai non seulement rencontré Sambi mais aussi et surtout l’indignité de l’État comorien actuel.
L’environnement: un matelas par terre, une humidité suffocante, une obscurité d’un camp de détention, des murs sales avec des marques de feu à côté du disjoncteur électrique (mur nord de la chambre). Un ventilateur non fonctionnel pour cause de coupure d’électricité.
Je dois revenir sur l’humidité car c’est sans doute une des raisons de ses problèmes de santé. C’est très important de rappeler que l’exposition répétée à l’humidité susceptible de créer des moisissures peut entrainer des troubles respiratoires et de l’asthme. Il s’agit de pathologies chroniques invalidantes.
L’homme: Sa santé est fragile, il n’a pas été capable de rester debout pendant plus de trois minutes avec moi. Cette remarque est très importante car je viens d’une culture ou les échanges de réflexions et les engagements de nature de -paroles d’hommes- se font en marchant. Il n’était pas en mesure de faire cette marche avec moi.
Inconsciemment il m’a invité à « m’assoir là où mon ancien collègue de l’université de Médine Amine Soeuf était assis ». Il ne s’est pas rendu compte mais c’est cette phrase qui allait retenir toute ma visite. J’ai baissé les yeux pour qu’il ne s’aperçoit pas du poids de la phrase qu’il venait de prononcer.
Sa parole était entrecoupée à cause de ses difficultés respiratoires. Son moral m’a paru intact, je pouvais déceler de l’incompréhension dans ses propos. Évoquant au passage Azali et son soutien vers la victoire.
Nos échanges: très courtois et très posés.
Il a confirmé ce que je savais déjà : aucune envie de vengeance ou de déstabilisation du pays après cette épreuve. Nous avons parlé de Ayoub, le prophète. Je lui ai lu ceci en arabe : Oui, nous l’avons trouvé vraiment endurant. Quel bon serviteur (Dieu parlant de Ayoub). Nos échanges se faisaient en arabe parfois pour codifier notre rencontre. Nous n’avons absolument pas parlé du dossier de citoyenneté car j’ai voulu rester dans la légalité durant ma visite. Je lui ai dit de trouver dans Ayoub une inspiration.
Nous avons parlé de l’ouverture de la Mecque. Je luis ai rappelé que Mahomet a renoncé à juger ses anciens geôliers sans doute par noblesse mais aussi et surtout car il avait un État à bâtir sachant qu’il lui restait un court mandat (peu de temps à vivre). J’ai insisté sur ces deux aspects de nature purement politique et stratégique. J’ai évoqué le concept d’individualisation de la peine mais je pense qu’il n’a pas saisi car à ce moment-là il a changé de côté à cause d’une douleur aux côtes. Il était souffrant. En école de stratégie, on m’a enseigné à répéter les idées pour m’assurer que mon interlocuteur a bien compris. Avec Sambi, c’était nécessaire car parfois je perdais le contact visuel à cause d’une douleur qui venait d’apparaitre. Sa place n’est sans doute pas dans cette résidence mais dans un centre de soins.
Nous avons parlé du besoin de s’unir pour rebâtir. A ce sujet, je suis étonné des propos de Fahami à ce sujet. Il a peut-être visité Sambi ou son sosie mais il n’a certainement pas écouté Sambi. Il est aussi possible que Fahami ait tout simplement oublié Sambi ou ce qu’il lui a dit comme tant d’autres. Après tout ça fait longtemps qu’il lui a rendu visite.
Avec Sambi, nous avons parlé de la nécessité de préserver la paix car fondamentale dans la construction d’un avenir meilleur pour les jeunes comoriens. Il a exprimé sa reconnaissance et ses remerciements envers tous ceux qui se mobilisent pour une justice impartiale et indépendante.
Et des valeurs perdues!
En m’invitant « m’assoir là où mon ancien collègue de l’université de Médine Amine Soeuf était assis », Sambi venait de toucher deux valeurs fondamentales de mon éducation. L’amitié et le sens de l’État.
L’amitié: la loyauté en amitié se mesure durant les moments les plus difficiles. Les amis de Sambi devraient se manifester en ce moment car il en a bien besoin. J’ai retenu mes larmes en pensant qu’Amine était assis là où j’étais assis et a vu ce que j’ai vu et continue de se taire.
Sambi m’a parlé rapidement de son choix de soutenir Azali. Je ne comprends vraiment pas pourquoi Azali continue d’agir de la sorte envers Sambi. Il fut pour un temps un ami de Sambi. Sambi a choisi tout de même d’apporter son soutien à Azali quand même.
L’indignité de l’État : Je viens d’une culture où un ancien président est traité avec honneur et dignité aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu coupable d’un quelconque crime. Je me refuse de croire qu’Amine, qui connait le sens de l’État ne soit pas sorti de là avec l’envie de faire évacuer Sambi ou de démissionner d’un gouvernement avec de telles pratiques. Ce que vit Sambi, un ancien président démocratiquement élu est indigne.
Nous pouvons nous opposer à lui mais lui faire subir ce qu’il subit est fondamentalement indigne pour toute personne qui connait ce que représente un ancien président de la République et qui a un minimum de connaissance de ce qu’est un État digne. Depuis le siège où étais assis Amine, j’ai vu l’indignité du régime qu’il soutient. Depuis ce siège, j’ai vu le dégout de gestes posés par ses collègues. Depuis cette place, j’ai vu la taille du sens de l’État comorien actuel.
Nous pouvons nous opposer à lui mais lui faire subir ce qu’il subit est fondamentalement indigne pour toute personne qui connait ce que représente un ancien président de la République et qui a un minimum de connaissance de ce qu’est un État digne. Depuis le siège où étais assis Amine, j’ai vu l’indignité du régime qu’il soutient. Depuis ce siège, j’ai vu le dégout de gestes posés par ses collègues. Depuis cette place, j’ai vu la taille du sens de l’État comorien actuel.
De grâce, Amine et Azali ne venez pas me dire qu’il s’agit d’un dossier judiciaire car j’en sais tout autant que vous sur la nature de ce dossier et son caractère hautement politique.
Les stratèges intimes d’Azali considèrent Sambi et Campagnard comme leur caution face au peuple. Ils oublient au passage le sens de l’amitié et de l’État. Quelle indignité surtout si on sait que ces deux personnages qui ont servi l’Etat comorien sont innocent des crimes dont on les accuse. Je pense à cette expression américaine (justice delayed is justice denied). Monter des dossiers pour punir deux amis avec qui on a étudié, avec qui on a mangé et surtout qui ont servi légitimement l’État est à la fois un non-sens et fondamentalement indigne.
J’ai attendu 15 jours avant d’écrire sur ma visite chez Sambi pour évacuer tout sentiment de subjectivité mais hélas je n’ai pas réussi à évacuer ma colère et mon indignation. Ce que j’ai vu chez Sambi, je ne le souhaite ni à Azali ni à Amine.
A Sambi, garde Ayoub en tête et ne sois pas rancunier. Pour Azali et Amine, je vous souhaite de retrouver le sens de l’humanité, de l’amitié et surtout de l’Etat en évacuant Sambi. Il n’est jamais trop tard de faire le bien. La communauté internationale vous observe, les comoriens vous regardent et Dieu vous scrutent.
Je m’oppose à vous mais je n’ai pas de haine contre vous.
Madi Aboubacar, MSc, MBA
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