L’indépendance des quatre îles des Comores fut déclarée unilatéralement un dimanche par l’ancien président, feu Ahmed Abdallah Abdér...
L’indépendance des quatre îles des Comores fut déclarée unilatéralement un dimanche par l’ancien président, feu Ahmed Abdallah Abdérémane (paix à son âme). Demain samedi (06 juillet 2019), le Président Azali Assoumani va nous rappeler cette date historique.
Certains pourraient avoir le reflexe de se demander si l’on n’a pas fait un pas en arrière, une régression d’un jour (de dimanche à samedi). En tout cas, dans les réseaux sociaux et même dans la rue comorienne, on ne peine pas à trouver un Comorien nostalgique de la période coloniale.
Le Comorien lambda souffre dans l’indépendance, pardonnez cette vérité de la Palice.
Cela veut-il dire qu’il vaut mieux faire appel à la France pour nous recoloniser ? Pour s’approprier toutes les terres fertiles ? Pour nous rendre esclaves en nous imposant la corvée ? Pour déporter et/ou tuer ceux et celles qui demanderaient un peu de liberté ? Pour exploiter notre terre et exporter les produits cultivés par les Comoriens ? Pour nous faire payer l’impôt de capitation (la tête) ? Pour nous enrôler de force dans l’armée française afin de libérer la France ? Pour… Pour… Pour… ???
Nous qui n’avons pas vécu la colonisation brute et directe serions tentés de dire oui. Hélas ! D’autres pourraient me démentir en disant que toutes les bestialités que je viens de citer ne pourraient avoir été imposées à nos ancêtres par des humains.
Ceux qui connaissent mieux l’histoire sont allés plus loin que moi. L’actuel président français, Emmanuel Macron, n’a pas hésité à assimiler la colonisation à un crime contre l’humanité. Il est clair que c’était pour berner les électeurs originaires des pays anciennement colonisés par la France. Un autre phénomène, fortement lié à la colonisation, est désormais un crime contre l’humanité. La Loi Taubira, du nom de la députée guyanaise Christiane Taubira, a été adoptée le 10 mai 2001 et promulguée le 21 mai de la même année pour reconnaitre comme crime contre l’humanité, les traites et les esclavages, pratiqués à partir du XV siècle sur les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes.
Si les auteurs de ces crimes les reconnaissent ainsi en tant que tels, comment et pourquoi est-ce que les victimes de ces aberrations et certains de leurs descendants s’évertuent à en faire l’apologie ? La question méritent enfin d’être posée.
Mais est-ce que cela veut dire que nous vivons bien dans l’indépendance ? Est-ce que cela veut dire que la France est un ennemi à abattre et avec qui nous ne devons pas avoir de relations, diplomatiques par exemple ?
Loin de là, aura été l’objectif de ce que j’écris à la veille du 06 juillet 1975.
Quant à la première question, on n’a pas besoin d’être spécialiste en sciences politiques ou en sociologie ou même en histoire pour y répondre. Notre pays va mal. Notre indépendance est mal gérée. Le pays est miné par la corruption caractérisée, l’injustice, la pauvreté, la faim, le chômage, l’inadéquation du système éducatif, la défaillance du secteur de la santé et de l’économie, l’absence d’une force militaire patriotique, … la liste est longue.
Toutefois, il faut rappeler que, malgré ce tableau noir qui décore l’indépendance, il y a eu, en l’espace de 44 ans d’indépendance, certaines réalisations que l’ancienne puissance coloniale n’a pas pu (ou voulu ?) faire : dans la grande partie du territoire national, on trouve des routes, du téléphone, des écoles, de l’électricité (même si actuellement c’est l’obscurité), centres de santé, … Mais il serait malhonnête ou plutôt irréaliste de dire que nous sommes totalement indépendants, que l’indépendance a répondu aux attentes des Comoriens.
Peut-on dire avec Nietzsche que « peu de gens sont faits pour l’indépendance, c’est le privilège des puissants » ?
Non, carrément non. Il est vrai que l’ancien président Ali Soilih (paix à son âme) avait accepté de faire le premier coup d’Etat dans l’histoire des Comores, mais il a pu montrer qu’un « petit » pays peut décider de sont sort. Le prix de cette liberté a été très cher : beaucoup de sacrifices et de privations pour pouvoir réaliser les objectifs du plan intérimaire de 5 ans (PULA YA MAYENDELEYO YA MAHA MITSANU). C’est d’ailleurs la solution recommandée par le grand panafricaniste Nkwame Nkrumah, pour réaliser une indépendance économique de l’Afrique, gage de l’indépendance politique. Il yy a longtemps que Louis Joseph Mabire disait : l’économie est la source de l’indépendance et de la libéralité.
Le problème de notre indépendance n’est donc pas relatif à sa présumée précocité mais plutôt à la façon dont on a géré ladite indépendance. Qui pourrait nous garantir qu’une indépendance arrachée en 2019 ou même en 2030 apporterait les résultats escomptés ? Le constat serait le même si l’on ne change pas de mentalités.
Un jour, mes recherches m’avaient amené jusqu’à Mitsamiouli Mdjini où j’ai rencontré l’ancien Secrétaire Général du MOLINACO (Mouvement de Libération Nationale des Comores), l’honorable Abdou Bakari Boina, paix à son âme. Je lui ai posé cette question : êtes-vous d’accord avec ceux qui prétendent que l’indépendance des Comores fut un enfant prématuré ? Et lui de dire : cette question est la preuve tangible que nous aurions commis une erreur monumentale si nous ne nous étions pas sacrifiés pour vous offrir l’indépendance de votre pays.
C’est en effet, continue-t-il, la preuve que les générations après la nôtre laisseraient la terre de leurs ancêtres sous domination étrangère jusqu’à la fin du monde. La façon dont on géré l’indépendance pourraient lui donner raison. Mais nous devons rester convaincus qu’un jour, il y aura une génération qui saura tourner le dos aux formules connues pour oser enfin inventer l’avenir de ce pays.
C’est en effet, continue-t-il, la preuve que les générations après la nôtre laisseraient la terre de leurs ancêtres sous domination étrangère jusqu’à la fin du monde. La façon dont on géré l’indépendance pourraient lui donner raison. Mais nous devons rester convaincus qu’un jour, il y aura une génération qui saura tourner le dos aux formules connues pour oser enfin inventer l’avenir de ce pays.
Concernant la deuxième question, il serait mieux de tenir compte de deux nécessités au moins : la nécessité de préserver les multiples relations qui nous lient avec la France ; la nécessité d’exploiter ces relations en faveur des deux pays. Après tout, les Comoriens ne haïssent pas la France. Ils l’aiment beaucoup. Mais dans l’Emil de Rousseau, on peut lire ceci : « Je ne connais point d’autre bonheur que de vivre indépendant avec ceux qu’on aime ». J’aime la France. Je veux vivre avec toi. Et toi ma patrie, Comores de quatre îles, je t’aime à en mourir.
Bref, l’indépendance des Comores est très mal gérée. Elle n’est pas à la hauteur des attentes des Comoriens, de ceux qui, à l’instar de Massim et Mtsala, ont donné leur vie pour que nous ayons notre voix dans le concert des nations. Mais cela ne veut aucunement dire que nous devons nous en vouloir à nos vaillants patriotes, artistes de notre indépendance. Demandons-nous : qu’est-ce que nous avons fait de cette indépendance ? Qu’est-ce que nous avons donné comme sacrifice pour achever l’indépendance arraché sans avoir versé la moindre goute de sang (KOYA RONGWA KULWABU) ?
C’est à nous de jouer aujourd’hui. Abdou Bakari Boina et ses consorts ne sont plus. L’opposition et ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui peuvent avoir des divergences sur ceci ou cela. Mais ils sont tous appelés à concourir pour sortir notre pays du gouffre. Que chaque partie accepte donc de faire les concessions possibles pour sauver notre pays de l’irréparable.
Cette modeste contribution provient de l’indépendance de ma pensée.
TRAMA TSILO BO WENDZA MANYO !
ALI ABDOU HALIDI, Doctorant en droit public et sciences politiques.
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