DES MÉDIAS AFRICAINS RÉVÉLATEURS... Un jeune africain fait circuler dans les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il s’indigne : ...
DES MÉDIAS AFRICAINS RÉVÉLATEURS...
Un jeune africain fait circuler dans les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il s’indigne : pour suivre la Coupe d’Afrique des Nations 2019, en cours en ce mois de juin en Égypte, on doit s’abonner à un média français. Honteux, scandaleux. Il ne trouvait pas de mots assez durs contre l’incurie de cette Afrique indigne, incapable, etc.
Il y a quelques temps, un journaliste africain observait dans les réseaux sociaux que les États africains accordaient la primauté aux médias étrangers.Il avait entre autres illustrés ses griefs en soulignant que dans les aéroports internationaux africains les télévisions ne diffusaient que les grandes chaînes occidentaux.
A l’occasion d’une des multiples tentatives de coup d’État, un Comorien se plaignait de devoir aller chercher l’information de ce qui se passait près de chez lui dans une radio dite « mondiale ».
En réalité les médias ne font que révéler la situation lamentable qui prédomine. Car tous les secteurs sont impactés. Force est de constater que rien ne va en Afrique, surtout en Afrique francophone. Aucun pays ne s’en sort réellement. Certains comme le Rwanda font figure d’exception marginale, observée à la loupe. Nombre de politiciens, de journaliste l’illustrent à profusion dans leurs sorties contre le franc CFA, contre la gestion des marchés publiques, contre la corruption, contre la mondialisation libérale, etc.
Après des dizaines d’années d’indépendance, l’Afrique demeure toujours le terrain de jeux des rapaces internationaux en quête de matière première et de débouchés commerciaux pour écouler leurs produits. Bien évidemment la compréhension de cette situation catastrophique est complexe.
Il y a l’histoire des pays africains: des processus de développement interne bouleversés par la colonisation, comme un adolescent dont on brise brutalement son rythme de croissance et d’affirmation de sa personnalité.
Il y a la traite des noirs qui a dépouillé les pays de leur force vive. Sans oublier le pillage des matières premières.
Il y a l’histoire des décolonisations, processus tourmenté qui a vu la liquidation des vrais « pères de l’indépendance » et de leur idéologie panafricaine. Phénomène ayant débouché vers l’avènement au pouvoir d’une couche sociale parasite dont la seule base économique est le pillage des deniers publics. D’où cette variété de capitalisme colonial qui place nos pays à la remorque du monde dit avancé.
Le cas des Comores en bref
Le pays subit le choc de la colonisation. Le processus civilisationnel fut stoppé. Cependant l’entité Comores avait suffisamment émergé pour s’imposer au colonialisme français.
Dans un premier temps le colonialisme apparut comme un fait marginal qui s’était greffé au système féodal sans parvenir à l’assujettir. Durant toute cette période, le pays continua de fonctionner comme si le colonialisme l’avait laissé intact. Le système féodal gérait le pays, imposait ses valeurs et le pays fonctionnait. Même si le système colonial s’implantait peu à peu dans l’agriculture, le système de servage particulier aux Comores dominait. Durant cette période, personne n’aurait jamais imaginé qu’on puisse voler le bien public du village, et encore moins les mosquées. La notabilité villageoise voire régionale pouvait régler tous les conflits. Le colonialisme faisait bon ménage avec le féodalisme.
Puis surgit peu à peu la couche des fonctionnaires. Chefs de canton, planton, etc. Des supplétifs du colonialisme bénéficiant de bonnes conditions d’existence et d’un prestige. Des privilégiés dont les populations attendaient désormais des faveurs pour les villages et les personnes. Ils se servaient de l’État colonial, un état virtuel pour le commun des Comoriens. Ils prirent peu à peu le pas sur les notables. Le saut décisif fut franchi lorsque les institutions coloniales se débarrassèrent des notables analphabètes en français au profit de cette couche parasite.
Dans le même mouvement, l’argent s’engouffra dans les relations sociales qui subirent un choc dont les conséquences pèsent encore lourdement sur la vie de tous les jours. Cette couche occupa dès lors les devants de la scène politique et sociale. C’est elle qui conduisit l’accès à l’autonomie interne et à l’indépendance. Ses membres nationalistes furent violemment écartés. Sur le continent, on assista à des assassinats. Après avoir composé avec le régime féodal d’Ahmed Abdallah, cette couche parasite s’est installé durablement au pouvoir. Ses différents clans se succèdent sans que changent les règles du jeu.
L’État sert les intérêts de cette couche qui mutile le pays tel un chancre puant au visage. Une bureaucratie petite bourgeoise qui ne joue aucun rôle positif dans la production, qui n’a aucun intérêt au développement économique et qui vit au crochet de la mondialisation libérale. On comprend mieux pourquoi le pays est jeté en pâture aux « investisseurs » internationaux sans qu’aucune place véritable soit réservée aux nationaux. Voilà le lit de cette société amorale, où le pillage des biens publics est érigé en sport national, où on vole pour gagner en notoriété, où même les mosquées ne sont pas épargnées, où l’argent est le roi suprême. L’incurie et l’irresponsabilité de cette couche est tout à fait dans la logique des choses.
Comment en sortir ?
La question est posée et à résoudre.
Elle s’adresse en premier aux couches sociales populaires qui traversent une période très difficile à l’image du syndicalisme comorien qui a sombré dans un corporatisme opportuniste à souhait.
Elle s’adresse aussi à la bourgeoisie nationale qui malgré son dynamisme n’arrive pas à émerger face à la primauté des intérêts étrangers et à la rapacité des gouvernants.
Elle s’adresse aussi aux intellectuels révolutionnaires (y en a-t-il encore!?), l’aiguillon indispensable qui s’est volatilisé depuis la fin des années 1990.
Où se trouve la voie ?
Idriss (29/06/2019)
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