Suite à un décret ministériel portant sur le nombre de rakahans lors de la prière de Taraweh, le ministre de l’intérieur et le Moufti cré...
Suite à un décret ministériel portant sur le nombre de rakahans lors de la prière de Taraweh, le ministre de l’intérieur et le Moufti créent la controverse.
Pourtant, sous le régime Azali ASSOUMANI, cette mesure injustifiable et inqualifiable sur les plans mondains et eschatologiques, risque de ne pas être le dernier dérapage en la matière.
Comme tout le reste, le gouvernement fera fi des spécificités et de la volonté de la population.
Or, les Comores se caractérisaient jusque-là par une pratique de l’Islam éclairée et tolérante, héritée du courant soufi.
Contrairement au wahhabisme, le soufisme n’est pas une école juridique, ni une école théologique, car il se place au-dessus de toute obédience. Le soufisme se caractérise par le fait qu’il englobe les principes généraux de l’Islam, et met un point d’orgue sur l’amour envers le Créateur. Peu à peu cet amour finit par englober les pratiques religieuses et toutes les manifestations de la vie ainsi que toutes les couches de la société. C’est ainsi que la compréhension du monde ne découle plus du rationnel, mais d’une logique affective moins attaché au formalisme, qui recherche le sens profond des choses.
Parmi les premiers soufis, nous pouvons distinguer deux courants doctrinaux, qui jusque-là étaient dominants aux Comores :
- Les solitaires : focalisés sur leur piété et leur pratique, ils se désintéressent du bas monde et observent dans leur solitude un silence vis-à-vis du monde et notamment de la politique.
- Les réformistes : ils se mêlent à la population et essayent de la guider, en dénonçant, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, les abus et la vie dissolue des dirigeants, mais sans jamais user de violence.
Parmi les soufis authentiques qui ont eu une forte influence et représentativité aux Comores, nous pouvons citer les précurseurs de ce mouvement, notamment Al-Hassan Al-Basriainsi que Rabia Al-Adawiyya, qui a inspirée plus d’une femme.
D’un point de vue pratique, nous pouvons citer Al-imam Ghazali, mais surtout Abd-al-Qadir Al-Jilani (fondateur de l’ordre La Qadiriyya) et Al-Hassan Al-Chadhuli (fondateur de l’ordre La Chadhuliyya). Aujourd’hui encore, les Comores sont très marquées d’un point de vue pratique par les héritages de ces deux ordres, qui se caractérisent par la recherche de sciences, d’éloquence, de piété (notamment à travers le dhikr), de tolérance et de charité.
Quiconque observe la société Comorienne par rapport à d’autres régions du monde musulman, il ne pourra que constater la prédominance d’une pratique spirituelle soufie sur la base d’un système juridique chaféite.
Ceci ne tient pas du hasard car au même titre que l’Indonésie, la Malaysie, le Soudan etc…l’Islam s’y est implanté grâces aux échanges commerciaux et humains dont les principaux protagonistes étaient soufis.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Azali ASSOUMANI en 2016, l’Arabie Saoudite n’a jamais eu autant d’influence aux Comores. Or cela n’aura manqué à personne, l’ArabaieSaoudite est le berceau du wahhabisme.
Muhammad Ibn Abd-al-Wahab est né dans la région de Najd, près de Ryad, en 1703. Selon sa théorie, les musulmans doivent se focaliser sur le pur monothéisme, et sur la fidélité au message des sources de l’Islam. Pour lui, le problème des Musulmans est un problème de croyance (Aqida).
Pour remédier à l’état de faiblesse des musulmans dans le monde, il faut exercer un retour à une foi et à une pratique purs, par la douceur sinon par la force.
C’est ainsi que le wahhabisme s’oppose et détruit :
- Toute construction et autres visites de tombeaux de Waliy
- Toute sacralisation d’arbres et de lieux rappelant les Compagnons ou des Waliyy
- Toutes pratiques soufies non orthodoxes (chants, dhikr en groupe…)
- Toute célébration du Mawlid
- Toute chose qui fait référence au passé de l’Islam, autre que le Coran et la Sunnah
Il est important de rappeler qu’au XXe siècle, profitant de la destruction de l’Empire Ottoman, les Wahhabites saoudiens reprennent le Hedjaz et proclament en 1932 l’actuel royaume d’Arabie Saoudite. Des tombes de toutes sortes sont détruites et l’enseignement de versions divergeant du wahhabisme est interdit. La Mecque, après avoir été un grand centre soufi, se transforme en une ville où la pratique du soufisme ne peut se poursuivre que clandestinement. Le wahhabisme a été et reste aujourd’hui, le plus grand défi lancé au soufisme.
La théorie du wahhabisme a été confrontée à une forte opposition des musulmans en général. Aujourd’hui le wahhabisme se présente sous une autre forme plus tempérée : il renonce à considérer les autres musulmans comme des incroyants et évite de commettre les excès du passé, qui avaient suscité des réactions et mis fin à la première conquête Saoudienne.
Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite connaît une perte d’influence dans le monde Musulman, notamment à cause de la chute de nombreux dictateurs, qui étaient acquis à sa cause, et à cause de sa politique internationale jugée antimusulmane.
Quand on connait la situation politique des Comores actuellement, il est très difficile de ne pas faire le lien entre ce décret et l’influence Saoudienne. Après avoir défini les Comoriens de Musulmans Sunnites (cela criminalise potentiellement ceux qui ne le seraient pas), voilà qu’Azali ASSOUMANI et son gouvernement s’attaquent à la prière.
Plus que jamais, j’interpelle les spécialistes, à savoir les juristes (du droit positif et du droit musulman) : AzaliASSOUMANIN et son gouvernement ont-ils le droit de légiférer sur comment faire la prière ?
Sous Azali ASSOUMANI, les Comores continueront à prêter allégeance à l’Arabie Saoudite au niveau religieux, après avoir prêté allégeance au niveau politique, et ce au détriment du peuple.
Bendjadid AHAMED
COMMENTAIRES