Dimanche, comme chaque semaine depuis fin mars, entre 500 et un millier de Comoriens de Marseille se sont rassemblés porte d'Aix à Ma...
Dimanche, comme chaque semaine depuis fin mars, entre 500 et un millier de Comoriens de Marseille se sont rassemblés porte d'Aix à Marseille pour apporter leur soutien à la population comorienne, en réaction à la réélection, le 24 mars dernier, du chef de l'État Azali Assoumani. Explications à Kallisté, dans le 15e arrondissement.
En plein Ramadan, la cité plantée sur la colline derrière l'hôpital Nord, est au ralenti. Mais à l'heure de la sortie d'école, l'animation quotidienne reprend. De premier abord méfiants, des parents venus récupérer leurs enfants acceptent finalement d'aborder le sujet politique. Sous couvert d'anonymat.
« Vous ne filmez pas ? Ni de photos ? Car dès qu'on passe à la télé, nos familles ont des problèmes », assure une maman avant de compléter : « Il y a trop de pressions, trop de fichages et comme c'est un tout petit pays de 800 000 habitants, le gouvernement nous retrouve facilement et notre famille, restée au pays, paye les conséquences. »
Pourtant un besoin de s'exprimer se fait sentir. Et à la cité, quand ils se retrouvent sur le terrain de boules, « les hommes évoquent immanquablement le sujet, il y a des prises de parole militantes », confie un père de famille. « Mais vous ne trouverez ici personne pour soutenir le dictateur actuel, quelle que soit la ville d'où les gens viennent », prévient-il. Il n'y a pas vraiment d'unité aux Comores, les îles Grande Comore, Mohéli et Anjouan sont très divisées. « S'il y en a, ils restent discrets car ils sont juste ici pour nous surveiller. »
Des coups d'État à répétition agitent l'archipel depuis son indépendance en 1975. Lors des dernières élections, le chef d'État au pouvoir depuis 2016, Azali Assoumani a été réélu à 60,77 % au premier tour. L'ancien putschiste a modifié la constitution par référendum en étendant d'un à deux mandats de 5 ans la durée de la présidence attribuée par rotation à un natif de chacune des 3 îles. Les opposants comoriens dénoncent un hold-up électoral, une dérive autoritaire du régime, sa corruption et son incapacité à réduire la pauvreté.
S'exprimer ici pour ceux qui sont muselés là-bas
« Là-bas, il est impossible de s'exprimer », déplore également un autre habitant de Kallisté, « tous ceux qui critiquent, tous les opposants au régime, qui n'est rien de moins qu'une dictature, sont jetés en prison ». La prudence s'impose donc. « Quand j'appelle ma famille, je fais bien attention de ne jamais évoquer ce sujet, ni rien de politique. Il y a beaucoup d'écoutes téléphoniques », précise le quarantenaire. Une dame abonde : « Mon beau-frère a une petite boutique. Il refuse l'allégeance au pouvoir alors il a été incarcéré. Les professeurs d'université fuient à Mayotte. »
De nombreuses embarcations y accostent. « On ne peut pas partir avec un visa, donc les gens fuient comme ils peuvent quand ils sont trop menacés. » De même que moins en moins de familles vont là-bas, « de peur d'avoir leur carte de séjour retenue et de ne plus pouvoir rentrer en France », précise une femme qui n'ira pas cette année rendre visite aux siens. « J'ai fait les manifestations, je suis fichée », justifie-t-elle.
Un jeune homme planté au pied d'un immeuble souffle avec fatalisme : « Mais ça ne sert à rien de manifester à Marseille ! » Le quarantenaire lui rétorque : « Ici on peut s'exprimer. Alors on le fait pour nos compatriotes et pour que la communauté internationale réagisse. » Après une pause, il ajoute : « Mais c'est long, très long », en espérant que « le président Macron prenne position car on craint que la situation vire à la guerre civile. On a peur pour nos familles car ils n'hésitent pas à tirer en face. »
« Moi je ne dis rien », lâche une mère de famille avant de s'en aller. Le Collectif national comorien et la diaspora appellent à une septième mobilisation ce dimanche porte d'Aix à 11 heures.
Myriam Guillaume ©La Marseillaise
COMMENTAIRES