Quelques heures après la publication d’une lettre attribuée à E Macron « félicitant » Azali Assoumani pour son « élection », les réseaux ...
Quelques heures après la publication d’une lettre attribuée à E Macron « félicitant » Azali Assoumani pour son « élection », les réseaux sociaux s’agitent. Ceux qui, hier, feignaient de minimiser l’absence de reconnaissance de l’élection de leur héros par celle qu’ils désignaient comme le « colon », ennemi des Comores, se sont précipités pour brandir une copie de ladite lettre telle un trophée. « Nous avons gagné » semblent-ils dire en filigrane de leurs publications.
Pour les opposants au régime qui reste malgré cette « bénédiction » élyséenne, une dictature, parmi eux une très large partie de la diaspora de France, cette nouvelle arrive comme un pied-de-nez à la résistance engagée depuis quelques semaines. C’est sans doute ce choc qui explique que dès sa publication, beaucoup ont remis en cause son authenticité.
Deux points semblent semer le doute : on évoque le fait que la lettre ne comporte pas les emblèmes officiels de la République française, notamment un en-tête avec la Marianne. Sauf qu’ici ce genre de courrier, ne relevant pas d’un document portant sur un acte purement réglementaire, l’utilisation du papier avec en-tête n’est pas approprié. En revanche comme on a pu le relevé, ces symboles apparaissent bel et bien dans la lettre de l’Ambassadrice de France à Moroni adressée au Mirex accompagnant celle du président français. C’est que le courrier de l’Ambassade revêt un caractère administratif car il s’agit d’un document d’exécution d’une mission administrative de l’Ambassadrice.
L’autre élément de suspicion est la signature apposée à la lettre. Elle ne ressemble pas à la signature qu’Emmanuel Macron utilise habituellement. Une comparaison avec d’autres signatures confirme en effet cette différence. Cependant sur au moins trois autres lettres signées de Macron on constate ces différences sans remettre en cause leur authenticité. Notons que la même polémique avait accompagné la publication de la lettre de félicitations au président camerounais dont l’élection fut très largement contestée.
Trêve donc de polémique. La lettre adressée à Azali est authentique. Intéressons nous désormais au contenu de cette lettre. Macron ne félicite pas Azali. Il lui « présente des voeux »! « Oui mais Wamoro tu chipotes ». Non, non. Je sais lire, c’est tout. Qui a dit qu’en diplomatie tout est dans la formule ? Jusqu’à preuve du contraire, c’est moi.
A la lecture comparative des 4 lettres en illustration de ce post, nous distinguons 2 catégories de formulations non dépourvues de sens : - une catégorie des 2 lettres adressées respectivement au president malgache (4) et au 1er ministre arménien (3) - Une catégorie des 2 lettres adressées respectivement au président camerounais (2) et comorien (1) Dans les 2 lettres de la première catégorie nous avons un président français qui « félicite » ouvertement et franchement ses homologues.
En ouvrant ces lettre par la proposition principale « Je tiens à vous féliciter » pour l’arménien et « Je tiens à vous présenter mes chaleureuses félicitations » au malgache, E Macron assume et affiche de manière franche sa reconnaissance à l’élection de ces 2 homologues. Il les félicite avant toute chose. Ses félicitations sont mêmes « chaleureuses » pour le malgache. Ces félicitations seront réitérées dans la dernière formule de politesse des 2 lettres.
Autre élément majeur, dans ces 2 lettres: le président français cite et associe ainsi, et donc engage, le peuple français dans ses félicitations qu’il adresse à ses homologues: « ... et à travers moi, celles du peuple français tout entier » pour le malgache et « ... au nom de la France... » à l’arménien. Lisez derrière cette association de l’ensemble du peuple français dans ces félicitations, toutes ses composantes dont les franco-malgaches et franco-arméniens! Le président français se permet, ici, d’assumer cette reconnaissance de l’élection de ces 2 homologues d’autant plus qu’au sein de la population française il n’y a apparemment pas de contestation vis à vis de leur élection.
Qu’en est-il de la seconde catégorie? Macron décide de formaliser sa lettre par un jeu d’inversion entre proposition principale et subordonnée. ( Ici les seuls azalistes qui auraient pu comprendre la subtilité c’étaient almarehemu Daoud Halifa et mon ami Hamadi Abdou yentsihu yakamnono).
Le président français n’ose pas assumer une reconnaissance décomplexée à l’ouverture de sa lettre. S’adressant au président camerounais, Il ne lâche son « j’ai le plaisir de vous adresser toutes mes félicitations » qu’à la fin de la phrase. Et si les félicitations apparaissent bel et bien dans cette lettre adressée à Paul Biya, qu’elles sont réitérées en dernière phrase de politesse, elles ne sont pas aussi « chaleureuses » que celles adressées au président malgache.
Par ailleurs nous aurons relevé que Macron n’ose pas associer le peuple français à ses félicitations. Et pour cause. L’élection frauduleuse de Paul Biya est contestée de l’intérieur du Cameroun par l’opposition et en France par une grande partie de sa diaspora. Contrairement au cas de l’arménien et le malgache, le peuple français « entier » ne peut donc pas féliciter Biya. D’ailleurs pour la petite histoire, la lettre de Macron à Biya n’était pas censée être publiée. L’Elysée été furieuse à son apparition sur la page facebook du président camerounais.
Qu’en est-il de de la lettre envoyée à Azali? (excuse moi Balkis Mwana Huri mais les surnoms infodratiques tels que Mzé Mapiduzi ne sont peut-être pas maîtrisés de tous) En réalité Macron ne félicite pas Azali. Il lui formule des vœux. Point besoin d’avoir fait bac+20 en diplomatie et en analyse littéraire pour comprendre que c’est une « reconnaissance sous condition » que Macron accorde au dictateur de Moroni. D’abord relevons que la formulation de la lettre obéit à la même structure syntaxique que celle à Paul Biya: une inversion des propositions principale et subordonnée avec un difficile « Je vous formule mes vœux de réussite... » qui est jeté en bout de phase.
Relevons que même des simples « félicitations » telles que formulées à Paul Biya, ne figurent en aucun endroit,dans cette lettre adressée à Azali. Notons également et surtout que comme pour le cas camerounais, Macron n’associe pas le peuple français même dans ses « vœux ». Ce détail n’est pas négligeable. Il est le signe d’une reconnaissance à demi-mot de l’Etat français qui tient certainement compte du mouvement de contestation anti-Azali, au sein de la diaspora notamment celle de France.
Macron n’oserait pas associer sans doute par peur d’au moins les 300 000 franco-comoriens majoritairement opposés au régime de Moroni, le peuple français. C’est chose rarissime dans ce type de lettre. Pour Macron Azali n’est pas élu. Il est chargé de mission. En effet, le président français présente à Azali « ses veux pour sa réussite dans la mission importante » qui est la sienne. Macron reconnaît Azali sous conditions.
Ce qui est brandi dans les réseaux comme un trophée est une lettre qu’un minimum de honte aurait guidé vers la discrétion pour pas dire la confidentialité. En effet, dans cette courte lettre, le président français enjoint le président comorien d’exécuter trois missions reprises dans trois paragraphes.
La formulation des trois paragraphes au ton implicitement menaçant, a quelque chose d’infantilisant. Il y a un peu du « d’accord Azali, mais je t’ai à l’œil »
Cette lettre ressemble, en effet, à ce type de lettre que le maître d’école adresse à un élève à qui il accorde la levée d’une punition. On y retrouve toutes les caractéristiques: Après avoir déclaré qu’il était prêt à lever la sanction, le maître pose ses conditions.
Dans la lettre de Macron la formulation est flagrante. Les 3 paragraphes débutent par un « je » qui introduit les exigences du maître que l’on pourrait reformuler comme suit: - 1er paragraphe: « tu t’es engagé en novembre, à mettre fin à l’immigration vers Mayotte » et à Macron d’oser écrire à un « président » d’un État souverain « je compte sur ton engagement PERSONNEL pour progresser de manière DÉCISIVE ». Ici Azali est mise en garde tel l’élève.
- 2ème paragraphe: « tu as intérêt à accepter de signer l’accord que nous allons vous proposer »
- 3ème paragraphe: « j’ai noté que vous vous êtes engagé à négocier avec l’opposition et à apaiser la situation ».
C’est vraisemblablement cet engagement qui justifie, notamment les gestes du régime, marqués par les récentes libérations de prisonniers et la réactivation du dossier de la Citoyenneté économique. Et au président français de renouveler dans la formule de politesse finale « des vœux de succès » qui dissimule différemment un « vous avez intérêt à respecter mes exigences »
Voilà un Azali est placée en présence surveillée.
Par Said Idriss alias Wamoro Soifi
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