Les manifestations de la diaspora sont-elles pertinentes? Les réponses par trois personnages actifs. 1) Pourquoi manifestez-vous ? ...
Les manifestations de la diaspora sont-elles pertinentes?
Les réponses par trois personnages actifs.
1) Pourquoi manifestez-vous ?
Assoumani Maoulidi (Lyon, France) :
Nous manifestons pour rejeter la mascarade électorale du 24 mars dernier. Nous avons cru que Azali a voulu vraiment donner la parole aux Comoriens pour choisir leur destin. Hélas, ce ne fut pas le cas au regard des rapports de diverses missions d’observation mais aussi des représentants des 12 candidats.
Anthoumani Moussa (Dakar, Sénégal) :
Comme dans toute manifestation, les gens n'ont pas le même objectif, mais ils ont le même point de départ. Ici, le point de départ, c'est la répression, la terreur, la tuerie, l'emprisonnement qui règnent aux Comores !
Ali Mmadi (Marseille, France) :
Le 24 mars, il y a eu une mascarade électorale dans notre pays, alors que la population s'était préparée pour une élection libre et transparente. Tout le monde connaît les détails : bourrage d’urnes, fausses procurations, empêchement d'accès dans les bureaux de plusieurs assesseurs de l'opposition. Tout cela nous a conduit à la situation que vit notre pays aujourd'hui. Nous, en tant que citoyens Comoriens à part entière, nous ne sommes pas d'accord, et nous nous exprimons depuis les lieux où nous nous trouvons.
2) Quels sont les objectifs que vous poursuivez avec ces manifestations ?
Assoumani Maoulidi :
L’objectif n’est rien d’autre que le rétablissement d’un pouvoir légitime. Nous considérons que cela a cessé depuis le 24 et seul un consensus né d’un dialogue inclusif peut nous sortir de cette crise. Nous ne doutons pas quant à la force populaire à changer les choses dans le respect des règles. Par conséquent, les manifestations citoyennes qui vont s’amplifier dans les jours qui viennent partout voir dans les villes et villages comoriens, auront raison de l’autoritarisme qui nous gouverne.
Anthoumani Moussa :
L'objective est simple : c'est la dénonciation de tous les problèmes que vivent les comoriens aujourd’hui !
Ali Mmadi :
Nos objectifs sont ceux des citoyens attachés aux valeurs démocratiques. C'est à dire que nous demandons que la mascarade du 24 mars soit annulée, que les autorités respectent les droits et les libertés du peuple comorien et que la justice ne demeure pas cette espèce d'appendice pour assouvir les velléités d'un régime de régression à tous les niveaux.
3) Que répondez-vous à ceux qui vous demandent de venir manifester sur place ?
Assoumani Maoulidi :
Je ne comprends pas ceux qui pensent que les Comores devraient être le seul pays au monde dépourvue d’une diaspora surtout quand on connait le poids de celle-ci dans l’économie du pays. C’est un appel à la faillite de nos îles. Autre chose dans tous les pays où règne un régime comme le nôtre, seul la diaspora donne de la voix, mais le paradoxe, on nous dit de venir manifester au pays tout en sachant que les manifestations sont systématiquement interdites et réprimées.
Anthoumani Moussa :
Voilà, certains nous disent qu'un étudiant devrait s'occuper de ses études et non de la politique. Moi, je dirais que ce sont des gens qui ne savent pas ce que signifie études. Les études universitaires n'excluent aucun domaine et peuvent donc s’agir de la politique. Un étudiant est appelé à intervenir dans n'importe quel domaine et surtout quand cela le touche directement. En ce qui concerne le retour au pays, qu'ils sachent que nous avons dit, manifestation d'étudiants, qui signifie que nous n'avons pas encore fini nos études.
Ali Mmadi :
Personnellement, je n'ai pas de leçons à recevoir de ces gens-là. J'étais resté aux Comores de 2008 à 2017 et j'ai décidé de bouger dès que j'ai senti que le régime Azali se prépare à la casse de notre pays. Tous les Comoriens vivant à l'étranger retournent régulièrement dans leur pays pour faire beaucoup de choses. C'est eux qui pallient les déficiences de notre État. Si la douane se vante d'avoir fait des recettes exceptionnelles, c'est grâce à ces Comoriens que l'on veut aujourd'hui fustiger. Ils connaissent bien ce pays auquel ils sont particulièrement attachés. Alors, je regrette que des autorités comoriennes aujourd'hui n'ont rien d'autre à dire à ces centaines des milliers de Comoriens que de leur proférer des insultes. C'est non seulement injuste mais surtout malhonnête de leur part.
4) Pensez-vous que vos manifestations auront un impact concret sur la situation que vous dénoncez ?
Assoumani Maoulidi :
Le pouvoir ne pourra pas résister car à côté des manifestations qui sont devenues hebdomadaires maintenant, il y a beaucoup d’actions qui sont menées. Ce week-end ici à Lyon nous recevons une rencontre qui regroupera plus de 30 villes de France pour mieux coordonner et fédérer l’organisation autour du CNT. Des actions avec impacts immédiats seront mises en place notamment en amplifiant les démarches auprès des autorités françaises et européennes. Chaque jour qui passe confirme ce que nous disons. Il n’est un secret pour personne que les Comores vivent actuellement un régime dictatorial. C’est déjà une bataille gagnée. Quant à l’impact d’une manifestation faite à Paris, Marseille où Lyon il n’y a rien à démontrer. L’objectif reste de dénoncer ce régime et ses pratiques à travers le monde.
Anthoumani Moussa :
Bien évidemment ! Vous savez déjà que l'UA reconnaît que les élections ont été du n'importe quoi. Et on dit encore que l'opposition persiste sur sa position bien que moi personnellement je ne me rallie pas à cette opposition car je considère qu'ils sont tous pareils. Ce sont eux qui nous ont rendus pauvres comme ça.
Mais on dit que l'opposition a été reçue par le gouvernement français. Ce qui explique que l'opinion internationale est très au fait de la situation. Alors, je sais que cette misère que vit le Comorien aujourd'hui ne vient pas forcément d'Azali mais quiconque doit gouverner les Comores se doit de privilégier l'intérêt général et non de verser dans le favoritisme. Il doit privilégier le bien-être de la population au détriment du sien. Comment peut-on comprendre l'idéologie d'émergence d'Azali alors qu'il fait partie des présidents les mieux payés au monde pendant que sa population agonise dans la pauvreté la plus extrême ?
Pour l'impact, sachez qu'il y a beaucoup d'impacts. Tout d’abord, nous conscientisons les jeunes qui sont ici sur le fait que la paix n’a pas de prix et que le comorien d'hier ne doit pas être le comorien d'aujourd'hui. Nous envoyons en même temps un message aux autorités sénégalaises pour qu'elles sachent ce qui se passe chez nous et que le président Macky ne reconnaisse pas Azali comme président réélu. Le dernier message que nous envoyons à nos propres autorités, qu'elles sachent qu'elles ont à faire face à une jeunesse consciente qui ne se laissera pas piétiner comme jadis.
Ali Mmadi :
De toute façon, si nous ne manifestons pas ici, il n'y aura personne pour dire non à cette dictature. Dans le pays, les manifestations sont interdites, les forces de l'ordre tirent sur les manifestants au lieu de les encadrer. Donc nous sommes un peu la voix d'un peuple opprimé. Et puis manifester à l'extérieur n'est pas une exception comorienne, regardez les algériens, on se croise chaque dimanche. Ils manifestent eux aussi contre le régime Bouteflika, alors que dans les rues en Algérie, le peuple a droit de s'exprimer et l'armée est restée arbitre et non un appui au régime.
Par Med Youssouf
Par Med Youssouf
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