La crise née de la mascarade électorale du 24 mars 2019 fait dire à certains que le pays serait divisé en 2 camps irréconciliables. La si...
La crise née de la mascarade électorale du 24 mars 2019 fait dire à certains que le pays serait divisé en 2 camps irréconciliables. La situation est plus complexe que cela. Le Peuple comorien, dans sa grande majorité, semble indifférent pour l’instant à la lutte qui oppose la mouvance présidentielle à l’opposition regroupée autour du Conseil National de Transition
Les candidats de l’opposition, qui se dit majoritaire à l’issue du scrutin, se sont retrouvés bien seuls devant le siège de l’assemblée de l’Union le dimanche 24 mars. Le Peuple n’a pas répondu à l’appel du candidat Mohamed Soilihi dit Campagnard l’exhortant d’affluer en masse au Palais du Peuple pour empêcher le convoyage et la centralisation des urnes.
Le Peuple serait-il avec Azali ? Si tel est le cas, les rues devaient être SPONTANEMENT inondées de monde à l’annonce de sa victoire à 60 % dès le 1er tour quelques jours plus tard. Que nenni ! Il a fallu l’autorisation présidentielle pour que quelques Comoriens aillent célébrer le GWA NDZIMA de leur champion « dans un hôtel, entre 4 murs, loin de tout, loin du peuple… »
A la fin des années 80, près d’un millier de personnes s’était réuni le jour de l’Id el Fitr au domicile d’un opposant à la dictature d’Ahmed Abadallah Abdéremane. La réunion fut dispersée par les gendarmes à coups de grenades lacrymogènes. Des responsables furent arrêtées. Comme tant d’autres, je fus blessé lors de la dispersion de la réunion. Nous aurions pu subir un sort plus triste, de la part des mercenaires et des soldats de Garde Présidentielle. Nous étions pleinement conscients du risque mais nous sommes allés défier le régime d’Ahmed Abdallah car nous croyons au bien-fondé de notre lutte et à notre leader.
Aujourd’hui, les gens ne prennent pas ce genre de risque car ils ne croient plus à la politique. L’audience de la très grande majorité des hommes politiques aujourd’hui ne dépasse pas le cadre villageois. Au-delà, l’engagement politique se limite à glisser un bulletin de vote dans l’urne en échange de quelques billets de banque, de mabawas grillés ou de canettes de bière. Les Comoriens sont devenus des « Sergent Masamba » : « Moi pas besoin galons, foutez-moi du riz »
Sambi est aujourd’hui le seul homme politique qui arrive à drainer des masses. Son bilan à la tête de l’Etat est catastrophique mais il continue toujours à subjuguer le Peuple par sa verve et son accoutrement. « Si umwandza ba ye uvuliwa », disent les uns. «Si wudjipviwa naye bayena faswaha », enchaînent les autres.
Il fut une époque où il fallait être solide intellectuellement, cohérent politiquement, doté d’un charisme naturel et avoir marqué le pays de son empreinte sur le plan professionnel pour prétendre au leadership politique. Cette race de grands politiciens a disparu. Certains sont morts. Les autres n’ont plus l’énergie d’antan et sont considérés comme trop vieux pour s’impliquer dans le combat politique. Ceux qui prétendent avoir pris la relève n’ont pas l’épaisseur de leurs aînés. Voilà pourquoi le Peuple devenu orphelin se détourne de la politique.
Ce désintérêt du Peuple pour la politique constitue un grave danger car PERSONNE, je dis bien PERSONNE, ne pourra relever, construire, développer le pays sans adhésion populaire. Le pays a besoin d’une MAJORITE FORTE et d’UNE OPPOSITION FORTE. Nous n’avons ni l’une ni l’autre.
Abdourahamane Cheikh Ali
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