Un pays peut-il devenir émergent sans Etat de droit ? La réponse à cette question est négative. En effet, l’émergence, ce mot en vog...
En effet, l’émergence, ce mot en vogue est dans toutes les bouches des partisans du régime et présenté comme le remède miracle des maux qui rongent la société comorienne. Il est à toutes les réunions et meetings, servi comme l’hostie aux fidèles et petit à petit distillé à tout le royaume.
Pourtant ce mot si galvaudé, restera un terme vide de sens, sans l’existence affirmée d’un Etat de droit. Sauf à penser que le but recherché est d’endormir les sujets d’un roi sans couronne.
Pourtant ce mot si galvaudé, restera un terme vide de sens, sans l’existence affirmée d’un Etat de droit. Sauf à penser que le but recherché est d’endormir les sujets d’un roi sans couronne.
Ce vocable est comme ces trouvailles que nombre de régimes africains y adhèrent non par conviction idéologique, mais parce que les occidentaux leur ont vanté les mérites et bienfaits. Rappelons-nous les fameux programmes d’ajustement structurel proposés par le FMI aux pays du tiers monde. Projets qui prônaient leur développement. Mais nombreux sont les ravages causés par ceux-ci et dont les pays gardent béantes les plaies.
Car au fond, ces programmes n’avaient d’autre objectif que l’appauvrissement et la soumission des pays pauvres au diktat des plus riches. Que signifie-t-il en réalité ? C’est un concept consistant à « considérer qu’un pays pauvre émerge lorsqu’il [...] se démarque de la masse des nations sous-développées et situés en marge des échanges mondiaux de biens, de services… ». C’est le sens de l’émergence selon le ministre sénégalais Moubarack LO.
Pour vrai, l’émergence est une étape intermédiaire entre l’état de sous-développement et l’état de développement intégral, c’est-à-dire un développement s’alignant sur les standards économiques des pays développés. Mais pour y parvenir, plusieurs conditions doivent être remplies. Il en va notamment d’une stabilité politique et sociale, une gestions saine des finances publiques, la mise en place d’un système juridique et judiciaire crédible, etc. C’est justement ici que l’Etat de droit prend son sens car sans celui-ci point d’émergence aux Comores.
L’Etat de droit est un système institutionnel dans lequel l’Etat est à la fois créateur des droits et libertés mais reste esclave, c’est-à-dire soumis au droit. Ainsi, l’Etat va tirer sa légitimité dans sa capacité à créer des règles juridiques, mais en même temps il doit s’y plier, comme l’esclave se soumettant à son maître. C’est le règne du droit.
Concrètement, les autorités étatiques comme les citoyens se voient appliquer le droit sans distinction. Pour que cela soit possible, il faut d’abord un système juridique hiérarchisé au sommet duquel se trouve la Constitution. Une autre condition sans laquelle il est illusoire de parler d’Etat de droit, c’est l’existence d’un juge pour sanctionner autant les errements des autorités publiques que les violations des règles par les citoyens.
Mais encore faut-il que ce juge soit suffisamment indépendant pour assurer sereinement sa charge. Point de justice aux ordres ! C’est cela qui assurera la paix et la stabilité sociales dans le pays. C’est aussi cela qui poussera les investisseurs à y venir pour relancer l’économie et tendre vers l’émergence. Cependant, dans ce désordre ambiant de violations inconvenantes du droit, l’injustice régnant en maître, la corruption généralisée en système de gouvernance, il n’y aura pas d’émergence dans les faits d’ici 2030, pas même dans cinquante ans.
Que les autorités de ce pays comprennent qu’elles ne sont que les simples représentantes du peuple, le véritable détenteur de la souveraineté. Seul, il peut leur retirer le mandat qui légitime leur pouvoir. Qu’elles doivent dignement assurer leur charge ce pourquoi elles sont élues. Pour y atteindre, il est impératif que ces autorités étatiques s’emploient à respecter les lois en vigueur. La République le vaut si bien ! Sinon, comment pouvez-vous imposer des règles aux particuliers alors que vous les piétinez ? Le pays sombrera dans l’anarchie totale où chacun, individuellement ou collectivement, se fera justice soi-même, si ce n’est pas déjà le cas. Est-ce ce pays-là que vous voulez léguer aux générations futures ? Adieu émergence !
ALI ABDALLAH Ahmed
Docteur en Droit public
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