Ibrahim Ali faisait partie du des B.Vice, groupe de rap en pleine explosion . PHOTOS NICOLAS VALLAUR La plume de Soly M'Baé arrêter...
Ibrahim Ali faisait partie du des B.Vice, groupe de rap en pleine explosion . PHOTOS NICOLAS VALLAUR |
La plume de Soly M'Baé arrêterait presque le temps. "Quatre chemins sombres maquillés d'affiches tricolores, dégoulinant de névroses, de délires et de xénophobie." Comme tous les 21 février, le membre du studio Sound musical school prend la parole pour rendre hommage à son ami, Ibrahim Ali, assassiné par des colleurs d'affiche du Front national en 1995.
Le carrefour est bondé, plusieurs dizaines de personnes, famille, amis, connaissances, militants, personnalités politiques sont venues faire une ode à la tolérance et au vivre ensemble. "C'est important d'être ici, parce que c'est cause humaine, tout simplement, résume le rappeur Vincenzo. On doit se souvenir, se rassembler, aujourd'hui il n'y a pas de Marseillais, de Comoriens, de Noirs, il y a des humains."
Dans leurs mains, sur leurs tee-shirts, toujours la même affichette : "avenue Ibrahim Ali 1977-1995", semblable à celles qui ornent les rues marseillaises. S'ils considèrent que la justice a fait son travail, ils souhaitent maintenant que la Ville "fasse le sien", celui d'entretenir la mémoire de l'un de ses enfants en renommant l'avenue des Aygalades avec le nom du jeune homme.
Ancien membre des B.Vice, Ali Ibrahim avait organisé la répétition du groupe, en cette triste soirée de 1995. Au micro et face aux élus positionnés au premier rang, l'émotion l'emporte. "Si on n'arrive pas à avoir cette rue, c'est que vous ne faites pas assez," rugit-il. À l'issue des prises de paroles, la sénatrice (PS) Samia Ghali tente de dialoguer : "Je le demande chaque année, avant d'expliquer à notre micro, cela fait 24 ans que je n'ai pas raté une seule commémoration.
Et à chaque fois je présente un amendement en conseil municipal, ce que je ferai encore au mois de mars." Cette semaine, le député (LREM) Saïd Ahamada a annoncé l'écriture d'une pétition, qui sera remise à Jean-Claude Gaudin, alors qu'il considère cette soirée comme le fondement de sa carrière politique : "Ce soir-là, les quartiers étaient au bord de l'explosion. Sur demande de la famille, la Savine (cité d'ou était originaire Ibrahim Ali), a appelé au calme, et je me suis occupé de passer le message à Félix-Pyat.C'est à ce moment-là que j'ai décidé de m'engager."
Il fustige le refus du maire : "Dans quelle autre ville, un jeune tué pour une raison politique ne serait pas honoré ? Je pense que Jean-Claude Gaudin n'a pas envie de froisser une partie de son électorat." Contactée dans l'après-midi, la Ville de Marseille a reconnu que cette demande revenait régulièrement, rappelé qu'un rond-point portait le nom d'Ibrahim Ali trop peu pour ses proches , sans donner plus de détails sur les raisons du refus. Tous le constatent, auprès des jeunes notamment, le souvenir d'Ibrahim Ali s'effrite petit à petit. Au micro, Ali Ibrahima s'adresse aux personnes présentes : "Informez-les. Dites-leur qu'un garçon de 17 ans est mort ici." Et cela, d'une balle dans le dos, en courant après son bus.
Par Gillian Fléqué ©La Provence
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