Tout au long de mon existence, j’ai beaucoup appris auprès de personnes proches et des personnalités. J’ai été « forgé » pour affron...
Tout au long de mon existence, j’ai beaucoup appris auprès de personnes proches et des personnalités.
J’ai été « forgé » pour affronter les vicissitudes de la vie avec courage et hardiesse, sans jamais me retourner devant les obstacles.
J’ai été « forgé » pour avoir un moral d’acier, une détermination infaillible face à l’intimidation, la provocation et l’humiliation.
Mais la vie n’est jamais aussi simple qu’on le croit. Elle nous réserve très souvent des situations où la peur, la faiblesse et la tristesse nous surprennent de plein fouet.
Il y a un an, jour pour jour, dans la nuit du 30 janvier 2018, la nouvelle du décès de l’Ambassadeur Hodhoaer Inzouddine, à l’île Maurice, m’avait surpris en plein sommeil. Comme un coup de massue, cette nouvelle m’avait fait un choc moral et physique. Je sentais une grosse boule à l’estomac et des fourmillements dans mes jambes.
Les larmes coulaient au rythme des battements de mon cœur, dangereusement rapides et bruyants. J’avais soudainement perdu la voix. Mes mots étaient saccadés, mes mains tremblantes. Je n’avais qu’une seule envie, fermer les yeux et me dire, en me réveillant, que ce n’était qu’un mauvais cauchemar.
Ce jour-là, j’ai senti que mon courage et ma force morale avaient des limites et qu’ils pouvaient me surprendre quand il s’agissait de la perte d’une personne qui m’est très chère. Une personne dont la perte m’affligerait et m’affecterait pour bien longtemps.
Après un long moment de souffrance indescriptible, j’ai fini par m’asseoir un peu et par un truchement d’accalmie éphémère, je réalisais enfin ce qui s’était passé. J’ai eu le temps d’un soupir éphémère, puis je me suis rappelé un des derniers conseils qu’il me prodiguât d’une voie affaiblie, au téléphone :
« Imam, depuis que je te connais, j’ai vu en toi un jeune homme de conviction. Pour beaucoup, tu es une cible facile, l’homme à abattre car, selon eux, tu leur fait de l’ombre. Pour ma part, je t’ai pris sous mon aile et t’es donné beaucoup de conseils pour préparer ta carrière. Je sais aujourd’hui qu’avec ta jeunesse, la plupart sont tombés dans l’oubli. Je voudrais aujourd’hui te réitérer le plus important parmi eux. Tu es un commis de l’Etat, sache ce que cela signifie.
Aime ton pays et défends ses intérêts partout où tu le représentes. Mais reste prudent, comme je t’ai toujours connu, car sur ton chemin, des obstacles s’érigeront, des hommes et des femmes voudront te mettre les bâtons dans le roues. Certains auront des capacités de nuisance aussi fortes que ta détermination. Prends soin de toi et de ta famille, mais aime ton pays par-dessus-tout.
Tu as choisi de faire carrière dans la diplomatie. Si l’erreur d’un médecin peut causer la mort d’un patient, si l’erreur d’un chauffeur ou d’un pilote peut être mortelle pour une dizaine ou centaine de passagers ; sache que l’erreur d’un diplomate peut causer la mort de tout un peuple, de la toute une Nation. J’ai confiance en toi»
Tu as choisi de faire carrière dans la diplomatie. Si l’erreur d’un médecin peut causer la mort d’un patient, si l’erreur d’un chauffeur ou d’un pilote peut être mortelle pour une dizaine ou centaine de passagers ; sache que l’erreur d’un diplomate peut causer la mort de tout un peuple, de la toute une Nation. J’ai confiance en toi»
Je n’oublierai jamais ces mots. Chaque fois que j’ai une pensée pour lui, je réalise qu’après tout ce que j’ai pu apprendre depuis mon enfance, c’est auprès de lui que j’ai appris la plus belle et digne leçon de vie professionnelle : l’amour du pays est inconditionnel et ne saura perdre de sa force quelque soit l’obstacle. La flamme du patriotisme ne doit s’éteindre qu’en même temps que celui de l’âme.
Plus patriote que lui, je n’en ai peu connu à ce jour. Plus déterminé à défendre les intérêts de son pays, contre vents et marrées, j’en ai peu connu à ce jour.
Le Ministère des Affaires étrangères, à travers un communiqué, retiendra « sa rigueur intellectuelle, son esprit d’ouverture et le sens aigu du devoir d’un diplomate de qualité et patriote hors pair. »
Le journal Al-fajr a parlé de lui comme d’un « grand patriote, un homme dévoué au service du peuple comorien par son courage et son intellectualité »
Al-watwan quant à lui, notera tristement que « Le pays perd un diplomate chevronné et un de ses plus serviables enfants ».
Je me souviens encore, en effet, à ses côtés, de tous les combats qu’il a menés, sous mes yeux pour défendre son pays et ses intérêts.
Quand il voyait en moi une certaine réticence, il le tuait sans état d’âme : « Imam, chaque âme gouttera à la mort et nul n’est capable de savoir dans quelle circonstance cela arrivera. Alors ne recule devant rien quand il s’agit de défendre les intérêts de ton pays et ceux de ton peuple. Au moins, ta mort aura été utile»
Tous les moments passés auprès de lui étaient, en réalité, une occasion de me préparer à son absence. Chaque conseil, chaque cri de colère et chaque blague placée dans une conversation, résonnent aujourd’hui comme un testament gravé à jamais dans ma mémoire.
J’ai souvent une mémoire sélective mais toutes ces paroles ont été gravées dans mon esprit, de sorte qu’elles constituent une lumière qui me suit partout pour me guider, tout au long de ma carrière.
En ce moment précis, j’ai une pensée particulière pour lui ; celui qui fut mon supérieur hiérarchique, un parent, un ami, un confident, mon guide et mon parapluie. Puisse Dieu l’accueillir dans son vaste paradis. Amen !
IMAM Abdillah
COMMENTAIRES