Ali Mohamed Mahamoudou a pris part à la rencontre entre le chef de l’Etat et la classe politique samedi 22 décembre à Beit-Salam. Opérate...
Ali Mohamed Mahamoudou a pris part à la rencontre entre le chef de l’Etat et la classe politique samedi 22 décembre à Beit-Salam. Opérateur économique (patron de l’entreprise CBE à laquelle il doit son surnom de Mahamoudou CBE) et homme politique, il rend compte de l’entrevue, suggère l’appel à la SADC pour la sécurisation des élections et s’inquiète de «nous retrouver un jour ou l’autre endettés jusqu’au coup auprès de bailleurs non orthodoxes qui peuvent nous prendre en otage ».
Masiwa : Vous avez participé à la rencontre samedi à Beit-Salam, quel a été l’objet ?
Ali Mohamed Mahamoudou : Après avoir informé les grands élus, le chef de l’Etat a tenu à informer également les partis politiques de son intention de convoquer le collège électoral ce lundi (aujourd’hui, Ndlr)
Masiwa : Quels étaient les points abordés ?
AMM : Comme à l’accoutumée, (je rappelle qu’il avait appliqué la même procédure avant le referendum). Il informait de la tenue des élections avant de signer le décret portant convocation du collège électoral. Et bien sûr, les personnes qui sont intervenues en l’occurrence, Mouigni Baraka au titre de l’union de l’opposition et le député Ibrahim Mohamed Soulé au titre des députés opposants ont exprimé leurs inquiétudes et leur souhait de voir, en prenant le président au mot, des élections apaisées. Mouigni Baraka a insisté que pour cela, il faut une implication de toutes les forces et que le processus soit apaisé. Mais aussi, il a réitéré que tout se passe dans la transparence. Ibrahim Mohamed Soulé a renchéri dans ce sens. Un autre intervenant a demandé explicitement au président de solliciter le concours de la communauté internationale pour que les élections soient les plus transparentes possibles et apaisées. De son côté, le président a montré que c’était aussi son intention.
Masiwa : Vous pensez que le président est vraiment pour des élections transparentes ?
AMM : Le président semblait assez disposé. Il a fait comprendre qu’il a demandé à Belou, son directeur de cabinet, de faire en sorte qu’un cadre de concertation soit mis en place pour préparer tout ce qu’il faut pour que les élections se passent dans les conditions les plus transparentes possibles. Le président montrait sa disponibilité là-dessus. Maintenant, est-ce que cette initiative va être suivie? Je veux rappeler qu’il y a eu un dialogue inter-comorien basé sur quatre points. Le premier d’entre eux, notamment les mesures d’apaisement, a connu quelques frictions. Or, le président était à cheval sur ces mesures et que malheureusement ça ne s’est pas passé comme tout le monde le voulait. Aujourd’hui le doute est là. Est-ce que l’initiative de mettre en place ce cadre de concertation va être suivie d’effet ? On l’espère tous.
Masiwa : Auriez-vous des propositions pour la sécurisation du scrutin ?
AMM : Il y a une chose que tout le monde semble ne pas prendre compte : c’est notre adhésion à la SADC. Il y une branche de la SADC qui s’occupe de la paix et ce genre de chose (la sécurisation des élections). Peut-être que vu le contexte actuel une sécurisation serait beaucoup plus importante qu’une observation. Donc je pense que s’il y a une chose que peut faire notre gouvernement, c’est de saisir officiellement la SADC.
Masiwa : Ca y est, le président a fixé les dates des élections, quelles sont vos observations ?
AMM : Il y a une nouvelle constitution. Dans ses prérogatives que lui confère la loi, le président appelle à des élections. J’aurais aimé que tous ceux qui ont une vision pour ce pays aillent à ces élections. Si un tel est contre la façon dont le président Azali et son administration gèrent ce pays, il faut aller aux élections pour se mesurer à lui.
Masiwa : L'ANC compte-t-elle y prendre part ?
AMM : Bien sûr l’ANC compte y prendre part. Ca fait un petit moment que nous nous préparons conséquemment aux assises nationales. Nos priorités sont les présidentielles, les législatives et les municipales.
Masiwa : Que pensez-vous de la session de la Cour de sûreté ?
AMM : Moi personnellement, je pense qu’il y a eu des ratés dans les instructions et que les choses ont été précipitées vu la gravité des griefs qu’on est en train de mettre à charge à ces accusés.
Masiwa : Sambi, Salami, Mamadou et Barwane sont hors jeu. Craignez-vous de l’être vous aussi ?
AMM : Pourquoi je serais mis hors jeu ? Je ne m’oppose pas en la personne du président Azali. Je ne suis pas d’accord avec la façon dont son administration gère ce pays. Donc, il est tout à fait normal qu’on propose autre chose. Et ce n’est pas parce que je ne suis pas d’accord que je constitue une menace qui devrait m’emmener en prison. Je ne vois pas en quoi le président Azali voudrait neutraliser une personne qui propose une vision politique différente de la sienne.
Masiwa : Vous êtes proche du président…
AMM : Je ne vous dirais pas comme ça. Je ne vois en quoi vous pourrez dire que Mahamoud CBE est proche du président Azali
Masiwa : Vous voyagez ensemble, vous vous écrivez souvent parait-il…
AMM : J’ai voyagé avec lui une fois à l’occasion du sommet de la francophonie en Arménie en tant que président du patronat comorien. J’aurais voyagé sans ce titre, je serais d’accord avec vous. M’avez vous entendu ou vu supporter sa politique ? J’étais toujours le premier à dire que l’administration du président Azali néglige et méprise le secteur privé qui est mon activité principale. Je vais vous donner un exemple : moi je souffre de l’administration du président Azali. Ca fait deux ans que nous n’avons obtenu aucun marché. Si j’étais proche de lui, j’aurais aimé que ces relations profitent à ma société…
Masiwa : Justement, ne serait-il pas opportun pour les entreprises locales de se réunir autour d’un GIE (Groupent d’Intérêt Economique) afin de pouvoir faire face aux multinationaux dans les marchés publics ?
AMM : Je vais rebondir sur la politique économique du président Azali. Et c’est une des choses que nous reprochons à son administration. Nous avons la loi du code de passation de marché. L’administration du président Azali ne la respecte pas. Ils la prennent comme un papier chiffon et la mettent de côté. Ça, ça n’est pas de la bonne politique. Secondo, nous savons que nous sommes un petit pays pauvre. Nous avons besoin d’argent pour soutenir la vie difficile des citoyens. Mais cet argent-là ne peut pas être emprunté à n’importe quelle condition. Le ministère des finances emprunte à tout va. Et nous ne savons pas dans quelles conditions.
Nous allons nous retrouver un jour ou l’autre endettés jusqu’au coup auprès des bailleurs non orthodoxes qui peuvent nous prendre en otage. Je ne sais pas si vous avez appris dans la presse qu’un groupe chinois a décidé de s’approprier le port de Mombasa avec comme justificatif pour garantir les dettes du gouvernement Kenyan envers cette société chinoise. Moi, j’ai peur que ce genre de chose ne nous arrive. Il y a trois ou quatre ans, nous sommes sortis du point d’achèvement avec la douleur. Et ce n’est pas pour tomber tout de suite après dans la même situation, sinon ça sera encore pire. Nous avions en face de nous des partenaires comme le FMI et la Banque Mondiale. Maintenant, nous allons avoir en face de nous des privés chinois qui ne vont pas nous accorder les mêmes conditions que le FMI et la BM. Et ca, c’est grave.
Masiwa : Vous n’êtes quand-même pas hostile aux relations sino-africaines en général, et sino-comoriennes en particulier…
AMM : Des relations bien maîtrisées, oui. On ne peut pas se passer de la Chine. Elle est le premier pays qui a supporté notre jeune république. Et je me battrais avec toutes mes forces contre ceux qui voudront mettre à mal nos relations. Mais il faut maîtriser ces relations. Il faut des relations responsables. On ne peut pas signer n’importe quoi avec n’importe qui dans n’importe quelle condition.
Propos recueillis par Toufé Maecha ©Masiwa
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