Il faut rappeler que les Comores sont un pays dont le parcours politique a connu, en grande partie de son histoire après l’indépendance, de...
Il faut rappeler que les Comores sont un pays dont le parcours politique a connu, en grande partie de son histoire après l’indépendance, des crises très considérables. Ces crises sont de nature de coups d’Etat et de partage du pouvoir politique.
Ces moments de turbulences politiques ont également fait qu’on a changé de régimes politiques en passant d’un régime parlementaire avec un chef du gouvernement (sous le premier régime d’Abdallah en1975) à un régime semi-présidentiel puis à un régime présidentiel tout court. Au cours de ces changements de régimes politiques, il y a eu notamment des changements liés à l’appellation de la forme républicaine en commençant par l’Etat comorien entre 1975 et 1978, la République Fédérale Islamique des Comores entre 1978 et 2001 et actuellement, l’Union des Comores depuis 2001.Malgré ces changements d’appellation, mais, au fond des choses, les Comores restent une République où la séparation des pouvoirs et la garantie des droits et libertés fondamentaux en constituent une pierre angulaire de la démocratie.
Aujourd’hui, le gouvernement actuel s’engage à réviser la constitution en vigueur. Cependant, il faut dire que le projet de révision constitutionnelle mené par le gouvernement suscite des inquiétudes assez dramatiques. Le projet vise, entre autres,à supprimer tous les postes des vice-présidents et à abroger l’élection des autorités insulaires au profit d’un pouvoir discrétionnaire du président de la République. Face à une telle initiative, j’ose dire que le principe de la République serait en mode inactif car on va assister à une montée excessive des pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat.
Autrement dit, seul le chef de l’Etat qui sera en même temps le chef du gouvernement. Ce qui semble très dangereux dans une démocratie. Et il est à préciser qu’au regard de la constitution en vigueur, le chef de l’Etat n’est politiquement responsable devant aucun autre organe national. Aucune responsabilisation politique ne peut mutuellement entrainer sa chute par l’assemblée nationale notamment.
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Force est également de reconnaitre que la forme actuelle de l’Etat comorien est, du point de vue constitutionnel, fédérale.En d’autres termes, la constitution de 2001 reconnait et déclare rigidement que l’Etat des Comores est une fédération. Il y a effectivement deux volets politiques dans une telle forme d’où au niveau supérieur le pouvoir central de l’Union des Comores et au niveau inférieur les pouvoirs insulaires. Chaque volet politique tire sa légitimité à partir du peuple au cours d’une ou des élections libres ; ce qui caractérise fondamentalement le principe du fédéralisme.
Il faut en effet préserver le système d’élections des autorités insulaires puisqu’il y a des besoins fondamentaux de la population auxquels le pouvoir central ne peut directement agir en raison de son placement territorial. Maintenir l’élection des gouverneurs des îles est politiquement important vis-à-vis du principe de subsidiarité dans notre architecture fédérale. Il y a aussi le fait que dans notre pays on n’a pas une politique de décentralisation très avancée au niveau des collectivités locales.
Le fédéralisme est le plus souvent attaché avec le régime présidentiel. Sauf qu’aussi dans un régime présidentiel pur et simple le chef de l’Etat est toujours supplié par un vice-président au niveau de l’appareil exécutif. Le but c’est d’empêcher une concentration réelle des pouvoirs entre les mains du président de la République.
Si ce projet de révision constitutionnelle aboutit, on va se diriger vers un nouveau régime politique qui transcende les fondamentaux de la République. C’est une transformation d’un nouvel Etat monarchique. En vérité, ce type de régime politique n’a aucune place dans une société démocratique.
Par TOIOUILOU DHOIHAROU, Juriste-Politiste