Sisyphe est comorien, c'est sûr. Il s'est drapé de la toge du constitutionnaliste. Inlassablement, il pousse la roche du respect ...
Sisyphe est comorien, c'est sûr. Il s'est drapé de la toge du constitutionnaliste. Inlassablement, il pousse la roche du respect du droit au sommet de l'État. Mais, voilà, la roche cède toujours aux deux versants d'une montagne d'indifférence : d'un côté, l'avidité de certains hommes de pouvoir ; de l'autre, la complicité de certains hommes de droit.
Le malheur de Sisyphe, c'est qu'Hadès, Arès et Zeus sont aussi comoriens. Et, sous les apparats du Président, depuis sa maison de la paix, niché sur son Olympe, Zeus a (encore) fait parler la foudre. Par décret, le corps électoral est convoqué pour un référendum, le 30 juillet 2018.
De ce décret, Sisyphe en a parcouru les visas, s'est délecté du dispositif puis s'est étonné de son annexe. Il a compris que son rocher vient de s'alourdir. Le décret du Président, portant convocation des électeurs, est irrégulier. Pour au moins deux raisons : l'une de fond, l'autre de forme.
La raison de fond ? le décret convoque le corps électoral hors délai.
En effet, au moins un délai légal imposé par le code électoral n'a pas été respecté : celui de l'installation des commissions électorales insulaires indépendantes (CEII). Le communiqué de la CENI indique qu'elles seront investies prochainement. Oui, prochainement ! Or, l'article 62 de la loi électorale est limpide à ce sujet. Il exige que les membres de la CEII soient désignés au minimum 90 jours avant le 1er du mois durant lequel aura lieu l'élection. En ce qui nous concerne, il s'agit du 1er juillet et le décret date du 30 avril. Il eut fallu, pour un référendum prévu le 30 juillet, que les CEII fussent installées depuis au moins le 2 avril. Ce n'est pas le cas.
La raison de forme ? le décret convoque le corps électoral à l'aveugle.
De nouveau, le code électoral est manifestement ignoré. Il dispose clairement dans son article 164 que :" le projet ou la proposition de loi et le texte de la question à poser au peuple sont annexés au décret portant convocation du corps électoral ". Ici, la question posée est bien reportée dans l'annexe du décret, mais pas le projet de révision comme exigée. Sans le projet annexé, ce décret est annulable par le juge compétent.
En 2009, la Cour constitutionnelle l'avait d'ailleurs fait, jugeant " qu'il résulte de l'examen du dossier que le projet de loi référendaire portant révision de la Constitution de l'Union des Comores n'est pas annexé au décret n°09-12/PR ; que, dès lors, il y a lieu de dire et juger que le présent décret est pris en violation des dispositions de la loi électorale " (arrêt N°09-001/CC). C'est exactement le cas ici. Le projet de révision n'est pas annexé au décret du 30 avril. Il est donc pris en violation du code électoral.
Rappelons que s'il n'y a que Sisyphe qui pousse la roche, tout citoyen comorien peut saisir le juge électoral pour faire annuler ce décret pour irrégularité. Tout citoyen peut attaquer la foudre de Zeus. Vous entendez ? Tout citoyen !
Par Mohamed Rafsandjani